C’est en 1953 que la Jeune Chambre avait soumis à la commission Tremblay les arguments en faveur de l’Université Populaire, « …tous les jeunes sans exception ont besoin de directives pratiques une fois engagés dans la vie… Les écoles les plus avancées ont besoin d’être complétées par un organisme où des hommes compétents dans le domaine des affaires viendraient ouvrir aux jeunes de nouveaux horizons en leur communiquant le fruit de leur expérience. Un enseignement d’ordre essentiellement pratique sous forme de consultation plutôt que sous forme de cours. L’Université Populaire complèterait le réseau d’écoles spécialisées créées par le gouvernement. ». Réalisant que le gouvernement hésitait à en prendre l’initiative, Me Denis Lanctôt et son comité, après multiples recherches et consultations, mirent au point la structure organisationnelle de l’organisme et la proposèrent pour adoption à la journée d’étude du mandat Déry, le 6 août 1955. Elle fut alors ratifiée par les dirigeants de la Chambre et sanctionnée au congrès de Tyler’s Place à Highgates Springs. Les deux années de travail qui suivirent permirent de combler les lacunes inévitables d’une nouvelle expérience et d’orienter plus adéquatement son programme afin d’offrir aux membres quelque chose de substantiel qui leur donnera l’occasion de compléter leur formation d’une façon agréable et pratique.
L’Université Populaire a à son actif beaucoup de réalisations. Sa réputation n’est plus à faire. Son nom est connu non seulement dans le Québec et au Canada mais dans bien d’autres pays du monde. D’origine plutôt modeste, elle connaît maintenant des succès enviables car sa formule simple répond à un besoin qu’a le jeune homme de se former, d’où qu’il vient et à quelque milieu qu’il appartienne.
Autant Claude était anxieux lors du lancement des activités de l’Université Populaire, le 27 octobre 1958, autant il est heureux en ce jeudi le 30 avril 1959, lors du grand banquet de clôture des activités de l’UP, d’entendre la présentation des rapports par les responsables. Croyant en l’importance d’offrir aux membres des opportunités de formation, il avait fait de l’UP un des points importants de sa présidence. Il espérait que la vaste organisation mise sur pied atteindrait son objectif. Tous ceux qui sont présents sont fiers car le succès dépasse tout ce qui a été fait à ce jour. Yves Lavigne, vice-président responsable, fait le rapport des activités et les quatre conseillers donnent un compte-rendu de l’année académique : Me André Laurence, directeur de la section des affaires publiques, Raymond Brodeur, directeur de la section économique, André Bruneau, directeur de la section de pratique oratoire et Gabriel Paiement, directeur de la section culturelle. Chaque directeur était assisté d’un comité composé d’un président, de vice-présidents, d’une secrétaire et de conseillers. Me Denis Lanctôt, son fondateur, Jacques Brousseau, l’ex secrétaire général de la Jeune Chambre de Montréal et Roger Bisson, l’ex vice-président, en furent les conseillers techniques. À la lumière de l’expérience de l’année qui s’achève, leurs recommandations pour l’avenir sont parties du rapport de Lavigne.
Le nouveau patron d’honneur de l’Université Populaire le journaliste et membre de l’académie canadienne française Roger Duhamel (il remplaça Léon Lortie, – enseignant, scientifique et administrateur universitaire – qui occupait ce poste depuis la fondation de l’UP ), préside le banquet et ne ménage pas ses éloges devant une tâche si bien accomplie. Ils sont partagés par les quatre patrons d’honneur des sections : Gérard Bruchési, MP pour les affaires publiques; Lactance Roberge pour les affaires économiques, le juge T.A. Fontaine pour la section de pratique oratoire et Jules Bazin pour la section culturelle. La centaine de membres présents applaudissent les responsables pour les féliciter de leur succès et Claude souligne dans son élocution « le travail obscur et ingrat de membres convaincus de la mission que la Jeune Chambre leur avait confiée et qu’à l’occasion de ce banquet il convient que leurs efforts soient vivement reconnus ».
Ce fut la quatrième année consécutive que la Jeune Chambre ouvrait son Université Populaire à tous ses membres. L’assistance dépassa tous les records étant formée chaque soir de 100 à 200 personnes par section alors que près de 300 membres s’inscrivirent à la section de Pratique Oratoire. La liste des conférenciers témoigne de la sympathie de nombreuses personnalités qui y apportèrent une collaboration qui ne s’est jamais démentie.
La section des Affaires Publiques présenta : Pierre Sévigny, vice-président de la Chambre des Communes, « La politique Fédérale et le Canadien français »; André Belleau de l’ONF, « Office National du Film »; le juge Irénée Lagarde « Le Criminel et la loi »; le colonel P.-H. L.Heureux, percepteur des douanes et de l’accise, « Les douanes et la contrebande »; Yvan Hardy, département des aménagements de l’Hydro-Québec, « Projet hydroélectrique Bersimis II »; le docteur J.-N Tremblay, directeur général du ministère de la Santé, « Votre santé pour le nouvel an »; Lucien Croteau, conseiller municipal, « Montréal, parasite ? »; Me Jean Lesage, chef du parfti libéral du Québec « Les rouges et la province »; Georges Hooper, greffier adjoint de la ville de Montréal, « Les procédures de notre conseil de ville »; Jean Lacoste, directeur de l’urbanisme de la ville de Montréal, « Montréal congestionné »; Me Pierre-Eliott Trudeau de l’union des forces politiques du Québec, « Démocratie : Vrai ou Faux ? ? ? »; Mgr Irénée Lussier, recteur de l’U de M, « L’université qu’en savez-vous? »; Valmore Gratton, directeur de l’Office d’initiative économique et touristique de la ville de Montréal, « Montréal, ville touristique ou américaine ? »; l’honorable Gérard Thibault ministre et député de Mtl-Mercier, « Notre province et l’Union Nationale »; Jean-Louis Doucet, sous-ministre des Affaires Municipales, et J. R. French, gérant de la ville de Verdun, « l’hôtel de ville reçoit » et Me Jean Drapeau, président honoraire de la Ligue d’action civique de Montréal et ex-maire de la ville, « Aurons-nous un troisième parti ? ».
La section des Affaires Économiques reçut : Charles de Lotbinière Harwood, directeur des relations publiques « la compagnie de Téléphone Bell du Canada »; André Malavoy, propriétaire d’une agence de voyages « Organisation et financement d’une agence de voyages »; Marcel Therrien, « comment construire votre maison »; Gilles Champagne de la compagnie Sun Life, « avantages de la construction en série »; Bernard Benoit de l’Alliance fut invité à deux occasions, « Rôle des compagnies d’assurance canadiennes françaises » et « Rôle des compagnies canadiennes françaises »; P.-E. Olivier, administrateur de l’hôpital Jean-Talon, « Administration et financement hospitaliers », Me Robert Fusey et René Noël, « La faillite »; Paul-A. Côté, ingénieur de la Compagnie Dupont, « L’explosion de Ripple Rock et ses répercussions économiques »; André Raynaud, « La science économique »; Jean Lanctôt, C.A., « Paie, Baptiste »; Jean Leroux, ingénieur de la compagnie du Gaz Naturel, « Le gaz naturel : danger ou bienfait », le notaire Jean-Guy Cardinal, « La corde au cou devant notaire ! », Michel Tessier de la Cie Ford, « Comment fabriquer une voiture »; un conférencier surprise, « La Banque du Canada »; Me Philippe Gélinas, « Formation d’une compagnie fictive » et Jean-Marie Chaput, Services Administratifs Enrg. « Petite et moyenne entreprise ».
La section de Pratique Oratoire fut dirigée par Claude Lapointe, animateur au poste de radio CKAC. Il donna les cours : « L’art de s’exprimer » « Comment vaincre la peur » « La crainte, la gêne » « Le geste et le maintien », « Intonation et articulation », « Enregistrement de la voix », « Construction et préparation du discours », « Discours de persuasion », « Discours de présentation », « L’improvisation », et autres. A.-J. Vershingle fut invité à développer le thème de son livre « De notre attitude dans la vie, dépend de notre altitude ». Lapointe et les membres du comité instituèrent « la ligue des débats » pour permettre aux inscrits de débattre en public. Puis, ils organisèrent une série de débats improvisés suivis de débats éliminatoires pour déterminer un groupe d’orateurs en vue du tournoi de fin d’année où fut choisi l’orateur de l’année. Le gagnant fut Denis Hardy. Les meilleurs participèrent à un débat interrégional à Vald’Or. Hardy représenta la Jeune Chambre de Montréal au tournoi provincial, qui fut gagné par Rodrigue Pageau de la Jeune Chambre de Québec qui remportera aussi la première place du tournoi d’éloquence et la prime de 250 $, au congrès national d’Hamilton sur le thème « Le rôle fondamental de l’éducation dans le développement du Canada ».
La section des Affaires Culturelles eut comme invités : Raymond Barbeau qui parle de « Nationalisme »; Me Marcel Piché qui dirige un « forum sur le gaz naturel »; L’abbé Amable Lemoine qui traite « les Arts comparés »; Jules Bazin, conservateur de la bibliothèque nationale, qui aborde « Archéologie, origine de l’homme et son évolution »; Serge Lapointe, professeur à l’U de M, « Astronomie »; Roger Gagnon, ingénieur et urbaniste, « L’urbaniste et l’immeuble »; Jean-Robert Gauthier de la CTCC, « Le syndicalisme »; à la chapelle du Mont-Saint-Louis, « Messe dialoguée » et un concert par la Manécanterie Meilleur; Roland Leduc, chef d’orchestre, « Le Concerto »; Père Paul-É. Charbonneau, c.s.c., « Caractères de Noël au XXe siècle »; Gilles Desrochers professeur des HEC, « Le socialisme »; Thomas Greenwood, professeur à la faculté de lettres de l’U de M, « Nos voisins, les Américains, les connaissons-nous? »; M. Lelarge, spécialiste en gastronomie, « Mangeons bien, nous mourrons gras », Paul Sauriol, journaliste du Devoir, « Journalisme ou jaunisme »; Lucien Piché, professeur à la faculté des Sciences U de M, « L’industrie petro-chimique »; Pierre De Bellefeuille de l’ONF, « Itinéraire Canadien »; Raymond Guyot, directeur des études, « Les arts graphiques »; Dr Charles Boursier, professeur U de M, « Ils ont des yeux et ne voient point »; concert au centre social de l’U de M; Jules Bazin, conservateur de la bibliothèque nationale, « visite au château Ramezay »; Concert de « musique sacrée » le vendredi saint à l’église St-Eusèbe; Michel Cartier et sa troupe de folklore qui donnèrent une démonstration, « Le Canada a-t-il un folklore ? » et Roger Duhamel, journaliste, « l’importance de la culture ».
En 1958-59, la Jeune Chambre de Montréal s’est vue décernée le prix du meilleur projet, pour son Université Populaire, par la Fédération du Québec, celui des Jaycees du Canada et le trophée de la Jeune Chambre Internationale pour la meilleure activité. Claude est fier des succès de son équipe qui s’inscrivent à la suite des réussites du passé.
Quelques 47 ans plus tard, lorsque Claude écrit ces lignes, il est surpris de la qualité des conférenciers que l’UP attira en 1958-59. Parmi ceux-ci, on retrouve Pierre-Eliott Trudeau qui deviendra Premier ministre du Canada et donnera la Charte des droits aux Canadiens, Jean Lesage qui deviendra Premier ministre du Québec et lancera la révolution tranquille, Jean Drapeau qui deviendra maire de Montréal durant 30 ans et que plusieurs considèrent le deuxième fondateur de Montréal. Denis Hardy, quant à lui, sera ministre des Affaires culturelles du Québec en 1973 et ministre des Communications en 1975. Paul-Yvon Hamel et Aimé Brisson, tous deux conseillers de la Jeune Chambre, deviendront députés à l’assemblée législative (aujourd’hui assemblée nationale). Sans oublier tous les autres qui oeuvrent dans des sphères d’activités différentes et qui sont reconnus par les Québécois d’aujourd’hui comme des leaders et des bâtisseurs émérites de leur société.
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