le 14 décembre 2003


Ce dialogue porte essentiellement sur la course à la candidature du parti démocrate pour les élections présidentielles américaines, et la venue d’un nouveau PM Canadien Paul Martin.

Le 14 décembre 2003

Mansour: Je commençais à me demander ce que tu as bien pu devenir ses derniers
temps.

Claude: Tout comme Ulysse j’ai fait un très long voyage et je suis de retour dans ma patrie.…. Nous sommes rentrés de France lundi le 8 décembre et depuis je suis occupé à reprendre ma vie normale et à préparer les fêtes qui approchent. En novembre, nous avons fait une très bon voyage en Afrique du Sud (pays spectaculaire, beau et surprenant) en Zambie et en Zimbabwe pour voir les chutes Victoria (gigantesques mais manquant un peu d’eau à ce temps de l’année), et enfin la Tanzanie sauvage où nous avons fait un safari-photos dans des parcs nationaux uniques dont le Serengeti et le cratère Ngorongoro pour découvrir de nombreux et magnifiques animaux sauvages vivant en toute liberté dans leur milieu naturel.

Mansour: Je n’ai pu ouvrir le site web pour le lien que tu m’as suggéré qui donne des informations concernant les succès récents de Howard Dean, je crois que j’ai une bonne idée de ce que j’allais trouver. Je suis de très près la campagne de nomination du candidat démocrate.

Claude: C’était un article qui décrivait l’appui inconditionnel de Gore à la campagne de Dean. J’ai été surpris de ce geste et j’en suis heureux car il confirme que Dean a les qualités pour être président et qu’il peut être un candidat très valable contre ti-Bush.

Mansour: Tout d’abord, je me demande si j’arriverai à comprendre ce candidat. Mais je présume que c’est ce qui fait son charme enfin de compte. Il n’apparaît jamais comme un politicien traditionnel. Toutes les interviews qu’il a déjà donné à la télé américaine à ce jour que j’ai vu me donne l’impression d’un homme qui a après tout des valeurs morales très sérieuses et qu’il n’est pas disposé à les compromettre pour des gains politiques a court terme.

Claude: Je dis bravo! En espérant qu’il continue à être ainsi nonobstant les pressions qui vont s’accumuler pour le faire changer d’attitude sur certains sujets importants.

Mansour: Et cela le démarque certainement de Clinton, par exemple, qui a toujours réussi avec succès à se présenter comme un démocrate traditionnel tout en empruntant tous les arguments des républicains. Dean essaie par tous les moyens de se présenter comme l’héritier du parti démocratique de Clinton tout en nous demandant de retourner aux sources mêmes de ce parti.

Claude: Je crois que face à ti-Bush et à la machine infernale républicaine, Dean a une bonne tactique car la différence entre les deux candidats pour les valeurs américaines deviendra claire et nette.

Mansour: Mais je crois que l’aspect le plus attrayant de la candidature de Dean est sa détermination de ne pas se faire intimider par Bush ou n’importe quel républicain. Cette attitude combative de Dean résonne très bien non seulement chez les militants démocrates traditionnels mais surtout pour une fois chez les jeunes de tous bord. Et avec Gore qui vient juste d’endosser sa candidature, je crois qu’il sera très difficile pour les autres candidates de lui barrer la route.

Claude: Je le crois, du moins je l’espère…. Mais la route est encore longue et Dean n’a pas l’expérience de d’autres de ses compétiteurs pour la nomination démocrate.

Mansour: Ceci étant dit Howard Dean n’est pas encore sorti de la grange. Il a encore une bataille difficile pour mobiliser tous les démocrates autour de sa candidature. Et d’après les réactions spontanées des candidats démocrates à l’annonce de Gore supportant Dean, je pense que Dean sera pris dans un tourbillon qui le dépasse, car je pense que les démocrates non seulement veulent récupérer la Maison Blanche mais ils veulent aussi redéfinir l’avenir du parti démocrate. C’est là où Dean aura beaucoup de problèmes.

Claude: J’ai l’impression que tu fais allusion aux vieux démocrates et aux candidats à la chefferie qui ont voté pour la guerre en Irak. Certes, Dean aura des problèmes de persuasion avec un secteur important du parti mais il vaut mieux être devant un tel défi que d’être comme les autres: ternes et clairement opportunistes. Avec Dean, le nouveau parti démocrate retrouvera les valeurs sociales et politiques de Kennedy et Johnson et ainsi se donnera une niche qui plaira à une très grande partie des américains et le différenciera de ti-Bush qui a perdu toute crédibilité sur ces sujets. Je m’inquiète seulement sur la performance de Dean durant les primaires au moment que la pression deviendra vraiment forte et qu’il devra faire face aux autres candidats. C’est là que l’expérience compte. Sera-t-il capable de bien briller devant les feux de la rampe ?

Mansour: C’est un bon point. Mais je crois, en fait que la nomination du candidat démocrate aux élections présidentielles prochaines est déjà faite, mais l’avenir du parti démocrate devient de plus en plus le problème majeur aux USA. Ce parti doit choisir entre la vision démocrate de Clinton ou celle de Gore et d’un grand nombre de démocrates traditionnels. Et cette lutte interne au sein du parti démocrate est à ce jour bien camouflée. Je me demande combien de temps ce parti peut se permettre de faire croire à tout le monde que tout va très bien dans le meilleur des mondes alors qu’il y a une guerre féroce déjà engagée entre les différentes options du parti.

Claude: Je vois ce que tu dis et je comprends. Mais en 2004, la bataille est contre un parti républicain très riche, fortement à droite (sinon extrême-droite) et qui a engagé, avec son chef ti-Bush, une guerre injuste et sauvage. De plus, il nie ses positions et ses valeurs du passé en créant un endettement record qui menace les USA de la faillite. Ils changent les lois qui affectent les compagnies afin d’augmenter sa caisse électorale, les obligations des entreprises en rapport avec la pollution, l’environnement, etc… Il fait le jars et se moque ouvertement des autres pays du monde, de alliés traditionnels des USA, des organismes mondiaux, etc…. Le contraste entre la politique Dean et celle des républicains sera grande et ouvrira les yeux aux électeurs. En politique, les gens votent surtout CONTRE et non pour. Mon expérience m’a démontré çà. Je vois Dean offrir aux Américains un très grand nombre d’arguments solides pour voter contre ti-Bush.

Mansour: J’ai l’impression que le parti démocrate est rentré enfin dans la même phase ou le parti républicain s’était trouvé durant la période des années 60 avec d’un côté Goldwater alors que les républicains modérés du nord-est des USA étaient de l’autre.

Claude: Je me rappelle bien la convention où Goldwater a été choisi candidat républicain. Le fossé entre les républicains du nord-est et ceux de Goldwater était infranchissable. C’était comme si Le Pen se présentait à la tête de l’UMP et avait une majorité d’appuis du sud de la France. Je ne crois pas que c’est le cas aujourd’hui pour le parti démocrate. Il y a des différences certes, mais il ne faut pas les exagérer. L’important est de savoir si Dean est un autre Dukakis. Je ne le crois pas, mais je ne suis pas encore certain. Je le vois plutôt comme une autre Kennedy, moins racé certes, mais fort en valeurs, bon politicien et sincère.

Mansour; Je ne suis pas sure que Howard Dean a donné la solution au drame du parti démocrate dans le sud des USA. Mais j’avoue qu’il a au moins commencé à réfléchir sérieusement à la récupération du sud américain par les démocrates, qui a été perdu depuis pratiquement la fin du régime de Johnson. Son approche me paraît très astucieuse. Il demande au parti démocrate de ne plus s’engager dans les bagarres sur les «wedges issues», à savoir, les problèmes des droits des gays ou tout ce qui touche à la religion et de se concentrer sur les problèmes économiques et sociaux du pays et surtout du sud du pays.

Claude: Son approche est surprenante, adroite, habile et diplomatique. Il ne met pas de côté ses valeurs personnelles et celles de son parti. Tu te rappelleras comment il a été critiqué par ses adversaires lorsqu’il a émis cette position mais depuis la clameur s’est estompée car on a compris qu’elle était pragmatique et a soulignait les qualités de politicien de Dean. Il a frappé le clou sur la tête…

Mansour: À propos, j’aimerais que tu me parles de ton nouveau premier ministre canadien. Il me semble plus à droite que son prédécesseur Chrétien.

Claude: Le nouveau Premier ministre canadien est Paul Martin. Il a été avocat, homme d’affaires important, économiste et a été élu député député à la Chambre des communes depuis 1988. En 1990, il a été candidat contre Chrétien à la chefferie du parti libéral du Canada et a reçu près de 40% des suffrages. Le parti a pris le pouvoir en 1993 et Martin a été nommé ministre des finances du Canada et l’a été durant neuf des dix années de règne de Jean Chrétien. Il a accédé aux finances au moment où le Canada était profondément déficitaire et accumulait une dette de plus en plus importante. La situation économique aidant, il a drastiquement proposé des changements qui ont été adoptés par le parlement et le Canada a connu et connaît encore des surplus annuels importants (c’est d’ailleurs le seul pays du G8 qui fait des surplus). Il a remboursé sensiblement la dette du pays. Jean Chrétien a toujours appuyé en Chambre ses politiques et, grâce à cet appui, Martin a pu mettre en chantier tous ses projets. Il est né à Windsor, en Ontario, d’une famille riche et politicienne (son père a été défait à la convention qui a choisi comme chef du parti Pierre Eliot Trudeau). Il a vécu à Montréal toute sa vie d’adulte. Je l’ai rencontré à quelques occasions durant ma jeunesse. Il se définit comme un libéral centriste, ni à l’extrême gauche ni à l’extrême droite. Il a 65 ans, marié, trois enfants. Il veut changer les choses. On verra bien.

Il déclenchera probablement une élection en avril 2004 pour obtenir un mandat clair de la population. Le parti d’opposition est le Parti conservateur du Canada, nouvellement créé suite à la fusion du parti progressiste-conservateur du Canada (mon ancien parti) et celui de l’Alliance Canadienne. Ce sera un parti de droite et je ne vois pas comment je pourrai continuer à le supporter s’il ne modifie pas son programme politique. J’ai d’ailleurs écrit un article pour La Presse définissant ma position sur ce sujet, que je te fais parvenir séparément. Je crois que Martin sera élu avec une majorité, s’il ne glisse pas sur une pelure de banane.

A bientôt mon ami