Ce dialogue traite de la stratégie palestinienne pour contrer Israël.
27 février 2004
Mansour: J’ai réfléchi à notre dernière conversation. Oui, je suis d’accord avec toi quand tu me dis que je pense que je suis constamment persécuté. Effectivement je le suis. Il suffit d’avoir un nom arabe attaché à toi pour s’en rendre compte, même si en fait tu es chrétien comme des centaines de milliers d’arabes du Moyen orient (la Palestine, la Syrie, l’Irak ou l’Égypte) ou des gens comme moi qui ne croient plus en aucune religion.
Claude: Donc, on est d’accord tu te sens persécuté.
Mansour: Il est vrai que je ne réponds pas directement à chacun de tes commentaires, mais je crois que j’y ai constamment répondu indirectement en te demandant d’évaluer tes accusations d’une manière un peu plus indépendante que tu ne parais le faire dans tes commentaires.
Claude: Accusation? Quand ai-je accusé? Dis-moi où.
Mansour: Tu me parles d’une levée de bouclier internationale contre les actes terroristes des Palestiniens, mais est-ce que tu trouves que les actes d’agression israéliens se justifient aux yeux de la communauté internationale.
Claude: Il me semble toujours avoir dit le contraire.
Mansour: Et pour ce qui est de la résistance pacifique des palestiniens, je te demanderais de revoir comment les Israéliens ont réagi justement au mouvement de l’Intifada. Des centaines de jeunes palestiniens ont été massacrés par les forces israéliennes uniquement parce qu’ils s’élevaient pacifiquement contre l’occupation israélienne des territoires occupés. Je te rappelle aussi que même le premier mouvement islamiste au Moyen-orient n’a vu le jour qu’après qu’Israël ait décidé d’exterminer tous les Palestiniens qui vivaient au sud du Liban, et d’occuper le sud du Liban tout en déstabilisant la république démocratique du Liban en installant une république autonome libanaise au service d’Israël. C’est comme cela que le Hizbollah a été créé. Et c’est comme cela que la violence a pris le dessus sur les mouvements pacifiques de l’Intifada. Et aujourd’hui, tu accuses le président de l’OLP et des ses « complices, comme tu l’as dit, de tous les maux de l’humanité.
Claude: Je n’accuse personne, je ne t’ai demandé qu’imaginer où en serait la situation aujourd’hui si la voie de la non-violence avait été choisie.
Mansour: Franchement, je sais que j’exagère très souvent, mais je ne crois pas avoir été aussi loin que toi. Arafat n’avait rien à gagner des mouvements islamistes qui le remettent en cause tous les jours. Il a été même contre le mouvement de libération palestinien, le FPLP, dirigé par George Habach (qui est chrétien), qui refusait toute négociation avec l’état d’Israël. Arafat a accepté les accords d’Oslo. C’est le gouvernement israélien de Nataniahou et surtout de Sharon qui ont toujours refusé d’y adhérer ouvertement. Mais apparemment, c’est la faute à Arafat si le gouvernement d’Israël renie ses engagements du passé. Quand bien même les actes terroristes palestiniens sont à l’origine de cette volte-face des autorités israéliennes, comment peux-tu accuser Arafat d’avoir eu quelque chose à faire avec cette recrudescence de violence de la part des Palestiniens islamistes en particulier, alors que c’est justement le gouvernement israélien, avec bien entendu l’approbation de Washington en particulier, qui a tout fait pour que justement Arafat n’ait aucun moyen pour empêcher cette recrudescence de violence. Non seulement il est pratiquement prisonnier d’Israël sans qu’aucun pays du monde ne trouve rien à reprocher à un tel comportement, mais même ses services de sécurité sont constamment attaqués et harcelés par les forces de sécurité israéliennes. Mais que peut faire le pauvre Arafat devant une telle situation. Aujourd’hui je suis persuadé que ses forces de sécurité sont bien plus faibles que celles des Hizbollah ou d’autres entités politiques palestiniennes. Ce qui est tragique c’est que l’histoire est un perpétuel recommencement dans ce conflitisraélo-palestinien. Il fut un temps où le feu Irsak Rabin avait juré de ne jamais rencontrer Arafat, et pourtant, dans l’intérêt même de l’avenir de son peuple, il l’a fait. Il est fort possible que Sharon ne soit jamais contraint à négocier une paix durable avec les palestiniens, mais un jour ou l’autre un chef de gouvernement israélien sera obligé de le faire. Jamais les Israéliens ne seront en paix tant que ce problème d’occupation de ce qui reste de la Palestine reste en vigueur. Et ils finiront par négocier avec malheureusement les représentants de mouvements islamistes qui ne peuvent qu’être antidémocratiques de par la nature des choses.
Claude: Tu mêles tout. Mon observation se voulait une constatation de la situation actuelle et une question à savoir où les Palestiniens en seraient aujourd’hui s’ils avaient opté pour la voie de la non-violence et pu contrôler ceux qui les appuyaient pour respecter cette stratégie. Je n’exagère pas. Je n’ai que posé une question face à la réalité. J’espère que tu reconnais la réalité. Je sais que l’attitude des Israéliens est dure et intransigeante. Par contre, j’espère que tu reconnais que la stratégie d’Arafat et compagnie n’a pas évité le sort des Palestiniens d’aujourd’hui. Je crois que la non-violence aurait, en plus d’épargner des vies, créée un mouvement profond de sympathie dans le monde pour la cause des Palestiniens. J’espère que tu me lis bien pour ce que je dis et non ce que tu penses que je dis.
Mansour: J’ai l’impression que tu m’accuses d’être tout au moins sympathisant islamiste.
Claude: Où prends-tu une telle baliverne? Rien n’est plus loin de moi qu’une telle pensée. Je te connais et je sais combien ton peuple a souffert de ces fous de Dieu. Alors comment puis-je un instant penser que tu couches avec eux ? Cela devient ridicule.
Mansour: Tu sais très bien à quel point non seulement je déteste tout ce que les islamistes veulent réaliser, mais aussi l’hypocrisie de tout le monde occidental concernant ce sujet. A ce jour, l’Arabie Saoudite, qui est de loin le plus grand support de tous les mouvements islamistes à travers le monde, est traité comme une alliée stratégique aussi bien de l’Europe que des USA. Mais les démocrates arabes, qu’ils soient en Égypte, en Arabie Saoudite, au Maroc, en Tunisie, ou même en Algerie sont ridiculisés par les pouvoirs occidentaux. Des centaines de milliers de militants démocratiques arabes continuent à dépérir dans les prisons arabes sans qu’aucune conscience judéo-chrétienne ne se soulève en défense de leurs combats pour la liberté et la démocratie. On est apparemment prêts a même sacrifier les vies de jeunes américains de moins de 25 ans, pour soi-disant libérer le peuple irakien du joug de Saddam Hussein, mais on ignore tous les véritables démocrates arabes qui luttent contre les régimes personnels et corrompus du reste du monde arabe. Il est vrai que le pétrole est plus important que le principe de défense des droits de l’homme et de la morale démocratique.
Claude: Je sais très bien ta haine pour les islamistes et c’est pourquoi j’ai été surpris que tu croies un instant que je te voyais comme un sympathisant islamiste. Tu sais et tu devrais te rappeler que, comme toi, j’ai toujours dénoncé les gouvernements fantoches des pays arabes et leur manque de respect d’une démocratie réelle pour leur peuple. Tu sais aussi que j’ai toujours pensé que le mouvement islamiste existe surtout en conséquence de ces gouvernements fantoches qui mangent dans la main de pays étrangers et deviennent leur serviteur. J’ai toujours dénoncé ces pays. Moi aussi je déteste l’hypocrisie du monde occidental envers ces gouvernements. Cependant, seul ti-Bush a affirmé il y a quelques mois que trop souvent dans le passé les USA ont reconnu des gouvernements qui ne méritaient pas leur appui et qu’il voulait changer la donne. Je lui accorde au moins ce crédit, même si je le honnis.
Mansour: Non quoi que tu me dises, les peuples arabes, tout comme tous les autres peuples, qui sont à ce jour sous domination, n’auront leur jour au soleil, que s’ils luttent par tous les moyens possibles pour le rendre réel. Et surtout, aucun peuple ne peut compter sur la générosité et l’humanisme du reste du monde. La liberté s’arrache, elle n’est jamais offerte sur un plateau.
Claude: La liberté s’obtient dans la paix et ne s’arrache pas nécessairement par la force. Oui, il faut lutter, mais il faut prendre les moyens possibles pour gagner, mais quand on a une défense lilliputienne face à celui à qui on veut «arracher» notre liberté, il faut être plus intelligent que lui. Il faut toujours une stratégie pour gagner, «because the name of the game is winning». Agir autrement n’est pas responsable.
À bientôt
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