le 27 janvier 2006


Ce dialogue traite de la politique en Algérie du temps de Boumediene et de Chadli et de l’élection du Hamas en Palestine.

le 27 janvier 2006

Mansour: Mon cher ami. Si ma mémoire me sert bien, je crois que je ne t’ai jamais dit que j’étais membre du FLN. Oui, j’étais membre de ce parti pendant toute la guerre de libération. Mais j’ai démissionne juste après le 5 juillet 1962 après avoir vu la lutte pour le pouvoir atroce qui avait commencé au sein même de ce parti.

Claude: Si tu as démissionné c’est que tu étais membre et c’est ce que j’ai compris. Je ne te reproche pas d’avoir été membre du parti de la révolution. J’ai simplement dit que tu épousais alors les politiques socialistes que le parti proposait.

Mansour: Je me souviens bien de tous les arguments que je te présentais durant nos premières rencontres en Algérie
durant les années 70. A aucun moment, je ne t’avais dit que je souhaitais que l’Algérie suive la voie du bloc soviétique.

Claude: Oops ! je crois que ta mémoire te fait défaut.

Mansour: Par contre j’avais toujours maintenant a l’épo que que la seule manière de mobiliser l’épargne nationale était à travers le secteur public.

Claude: Encore là, tu sembles oublier que c’est moi qui défendait la thèse que le secteur public était la meilleure façon de développer le pays parce qu’il permettait aux individus de mettre en valeur leur talent et de pouvoir en recevoir les récompenses.

Mansour: Et si je me souviens bien je t’avais même dit que l’Algérie des années 70 était fière d’assurer une épargne nationale dépassant les 40 % de son revenu national grâce justement au rôle du secteur public créé à l’époque et que parallèlement le secteur prive algérien investissait plus que tout le secteur privé marocain de l’époque.

Claude Je ne sais pas de quoi tu parles. Les banques ne payant pas d’intérêt qu’elle motivation aurait le citoyen d’épargner ?

Mansour: Et si ma mémoire me sert bien, je crois même t’avoir dit que nous n’avions pas un système économique à la soviétique, et que nous devions faire une distinction entre le capitalisme d’état et le système soviétique de l’époque.

Claude: J’ai l’impression que tu changes les faits et que tu veux maquiller pour la postérité les paroles et gestes du gouvernement de Boumediene.

Mansour: Non. Au contraire. À tord ou à raison j’ai crû que le système du capitalisme d’état en train de se construire dans les années 70 servait notamment à mobiliser l’épargne nationale et surtout à créer une élite d’entrepreneurs capables de passer d’une économie agro-pastorale a une économie industrielle et de services. Il ne fait de doute que l’expérience algérienne des années de Boumediene a été un échec, examinée à posteriori.

Claude: C’est ce que je pensais lors de nos premières conversations alors que le régime Boumediene était en place.

Mansour: Mais les intentions des jeunes algériens comme Achène moi et des centaines de cadres formés dans les meilleurs universités du monde occidental restent à ce jour louables à mon avis. Nous avons passé des nuits entières à essayer de construire des institutions de l’état et de l’économie algérienne capables d’agir économiquement et socialement conformément aux lois du marché et des valeurs de justice sociales qui nous ont été inculquées dans les écoles occidentales.

Claude: Je ne doute aucunement de vos bonnes intentions et des efforts que vous avez faits pour que l’Algérie devienne grande et bonne pour ses habitants, mais c’était voué à l’échec à cause du régime non démocratique du FLN et des politiques totalitaires à la soviet qu’il imposait au pays.

Mansour: Oui, je connais ton argument. Ceci étant dit je t’avoue aujourd’hui que durant nos discussions des années 70 j’étais un peu paranoïaque concernant les intentions du reste du monde vis-a-vis de l’Algérie. Après tout, j’ai vécu les trahisons répétées des gouvernements français et même des USA concernant l’assistance promise aux efforts algériens dans son développement.

Claude: Je te comprends mais dans tout, je crois qu’il faut surtout se fier à soit avant de se fier aux autres quand on veut assurer son propre développement. L’Algérie était riche et elle aurait pu s’en sortir d’elle-même. En tout cas, elle serait plus avancée qu’elle l’est aujourd’hui si elle avait reconnu que les mots démocratie et liberté la guideraient vers la prospérité. Malheureusement, elle a utilisé ces mots que pour la façade sans y croire et sans les appliquer. Elle s’est fier au modèle léniniste.

Mansour: Les accords d’Évian, par exemple, avaient bien définis les relations économiques et culturelles entre l’Algérie et la France. Ces accords assuraient à l’Algérie l’accès au marché français pour ses produits agricoles par exemple et particulièrement le vin algérien. Ils assuraient aussi une liberté de mouvement des populations entre la France et l’Algérie. Et la France de De gaule a été la première à remettre tous ces accords en cause.

Claude: Sur ce point, je te donne raison car je crois que la France a fait défaut à ses engagements d’Évian. J’aimerais bien que tu m’expliques le pourquoi cette situation. Serait-ce que la France espérait voir en Algérie s’implanter un régime démocratique et face à un gouvernement autocratique a compris que cela ne devenait que l’affaire d’un parti ?

Mansour: Laisse-moi t’expliquer. L’Amérique de John Kennedy avait promis de financer 40 petits barrages pour aider l’agriculture algérienne à se moderniser. Mais il a fallu que Ben Bella se déplace pour rendre visite à Fidel Castro en 1963 pour que l’Amérique non seulement renie ses promesses d’hier mais faisait tout pour que la banque mondiale se retire de ses efforts d’aide économique a l’Algérie que Kennedy supportait quelques mois auparavant. Mieux encore, face aux actions belligérantes du Maroc qui voulait pratiquement annexer tout l’ouest de l’Algérie, l’Algérie avait demandé aux USA et à la France de l’aider à s’armer pour se défendre contre les intentions expansionnistes du Maroc. La réponse a été négative. L’Algérie ne pouvait même pas acheter des fusils américains ou français, ne parlons pas des chars et des armes plus lourdes. Mieux encore le Maroc a été armé jusqu’aux dents par ces deux pays qui nous faisaient croire qu’ils étaient les amis de la révolution algérienne.

Claude: L’Amérique et les pays de l’occident voyaient monter depuis la fin de la 2ième guerre mondiale le bloc communiste et a tout fait, partout dans le monde, pour l’arrêter et le contrecarrer. Ils craignaient l’effet domino. Tu sembles oublier le «rideau de fer» et que la guerre froide qui se développait à plein régime. L’Algérie au lieu d’être neutre a épousé un régime démocratique populaire (qui était tout sauf démocratique) selon la formule créée dans les pays de l’Est. De plus, les dirigeants du FLN et les fonctionnaires passaient de longs séjours de formation à Moscou et ailleurs, Puis, elle se range du côté de Castro qui a implanté dans son pays les idées communistes. Alors que veux-tu l’Occident fasse ? À la guerre comme à la guerre ! Ce furent des erreurs de positionnement malheureux de la part de ton pays et c’est le peuple Algérien qui en a souffert.

Mansour: Je te signale que durant cette période, quelques mois seulement après une guerre de libération nationale qui
nous a couté plus de 10% de notre population, le président de l’assemblée nationale algérienne n’était personne d’autre que le fameux Ferhas Abbas, qui a passé toute sa vie a défendre les principes démocratiques français en Algérie.

Claude: Avait-il du pouvoir?

Mansour: Plus ou moins. Et c’est pendant cette période critique que le gouvernement algérien, isolé en Europe et enAmérique avait décidé de demander à la Russie de l’aider a s’armer pour défendre l’intégrité de son territoire face aux velléités marocaines. La réponse de la France et des USA a été de pratiquement d’organiser un boycotte économique de l’Algérie. Le vin algérien qui à l’époque représentait plus de 25% du revenu national et qui employait plus d’un million d’algériens, était du jour au lendemain banni de tous les marchés français et le reste de l’Europe. L’Algérie a été obligé de brader son vin pour financer son armement nécessaire à sa survie face a l’agression marocaine. Et comme tu dois savoir les nouvelles alliances ont toujours un
prix politique aussi bien à l’extérieur qu’a l’intérieur.

Claude: Voilà, tu dis la même chose que moi.

Mansour: Pas vraiment. Il ne fait pas de doutes que la politique intérieure de l’état algérien devait tout de même montrer à ses amis du bloc soviétique de l’époque qu’il était en train de construire un état « socialiste » mais en fait il n’y avait rien de socialiste dans le comportement du régime de Boumediene.

Claude: C’est une belle excuse que je ne crois pas. En vérité, pour avoir des armes, Boumediene a brimé la liberté des Algériens. C’est payer cher, ne trouves-tu pas?

Mansour: Il ne faut pas oublier que malgré ses discours, ses actions étaient bien plus conformes aux régimes de Salazar au Portugal ou de Franco en Espagne. Le véritable pouvoir politique, qu’on le veuille ou pas, dans les pays communistes était entre les mains des civils, membre d’un parti communiste fortement organisé. Alors que Boumediene avait même interdit aux forces militaires et de sécurité d’être membres du parti FLN. J’ai entendu moi-même son discours demandant à ses forces de sécurité de ne pas faire parti d’un mouvement corrompu et qui prétendait être socialiste. Mais je crois que le meilleur événement qui avait défini enfin de compte les valeurs profondes de Boumediene fit son discours à l’ONU dans les années 76, je crois. Dans son discours il avait enfin donné la meilleure description de l’état de notre humanité. Il a refusé de diviser le monde entre les blocs soviétiques et les blocs occidentaux.

Claude: Il était un peu tard, ne crois-tu pas. Et avait-il alors la crédibilité pour affirmer cela?

Mansour: Oui je le pense. Il a par contre rappeler à toute l’humanité qu’il y avait en fait deux humanités, celle qui vit au nord et a tous ses besoins assurés et celle qui vit au sud du globe et qui dépéri non pas parce qu’elle n’a pas les ressources physiques ou humaines mais était dans un état d’esclavage vis-à-vis du monde riche. Dans son discours, il accusait aussi bien les soviétiques que le monde occidental du sort du reste de l’humanité. Nous sommes déjà en 2006 et son message reste à ce jour aussi vivant que le jour où il l’avait donné à New York. Il n’y avait aucune idéologie dans son message. Tout ce qu’il demandait, c’est que le monde nanti ne pouvait pas continuer à maintenir son standing de vie tout en voyant la majorité de l’humanité s’appauvrir de jour en jour.

Claude: Il avait raison mais tous les hommes politiques qu’ils soient d’une ou l’autre des «humanités» disent la même chose et prêchent la vertu. De tels discours sont faciles à dire. C’est l’action qui compte et les gouvernements doivent employer une stratégie capable d’assurer le développement de leur pays et le bien être de leurs citoyens à chaque époque. Des changements sont désirables mais je crois que les dirigeants ont la responsabilité d’être réalistes et de les mettre en branle progressivement. Le gouvernement Algérien a brusqué les choses.

Mansour: Il n’était pas de ces hommes politiques, comme tu dis. Mieux encore, Boumediene avait accusé les régimes des pays sous-développés beaucoup plus que les actions des pays riches. Il demandait à tous les pays pauvres de s’organiser pour défendre leurs intérêts face au monde riche, quelque soit son idéologie. Et ce discours à l’ONU avait déjà été donné par Boumediene à la première conférence des états islamiques au Pakistan où il dénonçait les régimes musulmans d’avoir participé à l’exploitation des richesses naturelles par les multi-nationales occidentales au détriment des besoins essentiels des populations qu’ils devaient servir. Je me souviens particulièrement son passage disant qu’il n’avait pas encore rencontré un seul musulman à travers le monde qui était prêt à aller au paradis avec le ventre creux.

Claude: Ce sont de beaux discours qui contiennent beaucoup de vérité mais que faisait-il dans son propre pays? C’est comme Castro qui prêchent dans le monde les mêmes idées alors que son peuple qui est maintenant bien éduqué vit dans la pauvreté et même la misère. Assez, c’est assez ! Au delà des chefs et des grands parleurs des deux «humanités» il y a les principes politiques et c’est là que Boumediene, Castro et autres ont fait fausses routes. Ils ont été au pouvoir toute leur vie et par moment je me demande si ce n’est pas justement pour cette raison qu’ils ont imposé de telles politiques dans leur pays.

Mansour: Pas dans le cas de Boumediene. Je ne sais pas ce qu’il pensait réellement de Franco, mais il ne faisait aucun doute de ses ambitions pour l’Algérie. Je me souviens de la préparation du deuxième plan quadriennal de développement en 1972-73. Et à l’époque, il nous rappelait constamment que si l’Espagne était capable de sortir du sous-développement économique social en moins de 30 ans nous devions assurer qu’à partir de 1985 nous devions atteindre au moins le niveau de développement économique social de l’Espagne des années 60. Il ne fait pas de doute que nous avons beaucoup à reprocher à Boumediene, mais en tous les cas ma propre expérience au ministère du plan, par exemple, me prouve que l’Algérie des années 70 étaient certainement plus démocratique du moins au niveau des services de l’état. Depuis le premier jour où Boumediene avait pris le pouvoir en 1965 il avait insisté pour instaurer un État où ses cadres étaient libres de donner leurs points de vue sans avoir peur d’être punis administrativement et même juridiquement. Et je crois que je suis un exemple de ce type de libertés que les cadres algériens avaient durant le temps de Boumediene.

Claude: La vraie liberté n’est pas la liberté des fonctionnaires mais celle du peuple. Le droit de vivre libre, de parler, de se rassembler, d’élire ses dirigeants régulièrement… Le reste n’est que faux-fuyant.

Mansour: En 1977, en tant que directeur des études et de synthèse au plan, j’étais responsable de la préparation du 3ième plan de développement. Pendant plus de 6 mois toute ma direction, avec l’assistance des autres directions du plan, avait préparé les lignes directrices du nouveau plan. Le secrétaire d’état au plan avait organisé une réunion générale de tous les cadres supérieures de son ministère pour discuter de mon dossier et organiser la préparation du nouveau plan à travers tout le gouvernement. À mon étonnement la réunion a tourné vers un véritable coup d’état au sein même de l’administration du plan, mené particulièrement par le secrétaire général du plan et de notre ami Ghazi que tu connais bien. A un moment donné le secrétaire général faisant allusion a mon opposition à ses intentions, s’était adressé directement à moi pour me dire que j’étais toujours le bienvenu pour faire parti de l’équipe de préparation du plan mais je devais après tout accepter les directives du ministre et de ses propres amis.

Claude: Et vlan pour la liberté de paroles et surtout d’être écouté ! Beau comportement face aux responsabilités qu’il t’avait déléguées.

Mansour: Furieux de ce type de comportement d’un responsable supérieur du gouvernement je m’étais tourné vers le ministre et lui ai dit » Monsieur le Ministre, je pensais que nous nous étions réuni ici pour discuter du dossier que tu m’avais demandé de préparer avec la collaboration de toutes les directions du ministère, mais apparemment cette réunion a changé d’objectifs. Mieux encore, j’ai l’impression que contrairement à ma fonction régit par un décret du président de la république, je devrais maintenant me rendre aux dictats d’autres gens du plan. A partir du moment ou ce ministère était devenu une propriété privée de quelques uns je vous annonce que je n’en fais plus partie ».

Claude: Bravo. J’espère que tu n’en as pas trop souffert par après.

Mansour: J’ai ramassé mes dossier et je m’étais rendu immédiatement à mon bureau. J’ai aussi dicté ma lettre de démission immédiatement. Quelques 15 minutes après le ministre m’avait ordonné de le rejoindre dans son bureau. Ce que j’ai fait avec ma lettre de démission signée dans mes mains. Après moins de10 minutes de discussions avec le ministre j’avais maintenu ma position que je ne pouvais plus faire partie de ce ministère. Durant cette période je savais bien entendu que j’allais avoir des problèmes sérieux avec les forces de sécurité.

Claude: C’est ce à quoi que je pensais justement ! Je n’en suis pas surpris, car c’est ainsi que procède les régimes totalitaires.

Mansour: Oui, c’est ainsi. Boumediene n’aimait pas du tout une rébellion aussi violente que ce que j’avais initié. Mais pour dire adieu à mes sous directeurs, je les avais invités ce même soir à prendre quelques bières dans un bar pas loin de chez moi au «telemly». Figures-toi, qu’après la première tournée de bière j’ai vu le serveur venir avec une nouvelle tournée. Je lui avais dit que nous n’avions pas encore décidé si nous voulions une nouvelle tournée. Et le serveur m’avait informé que cette tournée a été offerte par quelqu’un d’autre. J’avais bien entendu refusé d’accepter une tournée de quelqu’un que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam comme on dit. Subitement, un jeune algérien se présente a notre table et s’adresse directement à moi me disant que les services de sécurité étaient au courant de tout ce qui s’était passé durant la réunion au plan et que je n’avais rien à craindre du coté des services.

Claude: Me voilà surpris. Bravo encore !

Mansour: Il m’avait dit que ce que j’avais fait était énorme politiquement mais que j’avais le droit de défendre mes droits en tant que fonctionnaire de l’État. Je te raconte cette histoire pour te dire que malgré tout l’Algérie des années 70 avait tout de même
un commencement d’une construction d’un état de droits.

Claude: Un petit commencement… Je suis heureux de l’apprendre. Mais les droits et libertés de citoyens ? Y avait-il une charte pour les protéger ? La constitution l’avait-elle prévue?

Mansour: Oui et non, pas précisément comme le démontre l’arrivée de Chadli qui a mis fin à ce processus de construction d’un état de droit.

Claude: Le régime totalitaire de Boumediene ne pouvait déboucher que sur un autre régime totalitaire. Si la constitution avait été bien écrite et que Boumediene avait semé les bonnes graines, un Chadli ne serait pas arrivé au pouvoir.

Mansour: Et 30 ans après l’Algérie d’aujourd’hui a rejoint malheureusement les valeurs moyennes orientales d’un état de l’effet du prince. Et pourtant l’Algérie est aujourd’hui un allié stratégique non seulement de la France de Chirac mais de l’Amérique de Bush. Il est permis aujourd’hui au président de l’Algérie de s’allier à toutes les forces islamistes et rétrogrades de l’Algérie à condition qu’il donne le droit a la France et aux USA de pourchasser les terroristes islamistes dans les dunes du désert algérien. Le président de l’assemble nationale algérienne, qui est connu comme un représentant des islamistes en Algérie depuis des décennies a été choisi par Bouteflika et supporté par les USA et la France. Figures-toi qu’aujourd’hui avec les problèmes de santé du Bouteflika on parle sérieusement de cet individu islamiste comme le successeur de Bouteflika à la présidence en Algérie. D’ici que les USA et la France accepte une nouvelle constitution algérienne issue de la charia musulman, il n’y a pas de kilomètres. Mais une fois de plus le pétrole parle, n’est ce pas.

Claude: L’Algérie est maintenant sur le chemin démocratique. On sait qu’une démocratie demande du temps avant de s’implanter solidement en profondeur. Cela exige plusieurs générations. J’ai confiance que l’avenir sera meilleur pour l’ensemble des Algériens. Et s’il y a des dérapages aujourd’hui, ils devraient être dénoncés. Malheureusement, peu d’échos sur ce sujet viennent à nos oreilles.

Mansour: Sur le chemin de la démocratie, peut être mais on est loin d’en être là. L’Europe en particulier dépend de plus en plus des réserves en pétrole et gaz de l’Algérie, alors les valeurs morales doivent être revues pour éviter toute rupture de cet or noir.

Claude: les valeurs morales des acheteurs, oui. Mais l’Algérie doit en profiter et se moderniser, se donner des écoles, des maîtres, des hôpitaux, des logements, des emplois et l’aide sociale nécessaire à l’épanouissement de ses habitants.

Mansour: Oui cela peut aider et le gouvernement promet de dépenser des milliards, le fera-t-il ? Pour changer de sujet, les résultats des dernières élections dans les zones palestiniennes occupées par Israël viennent fort à propos pour, une fois de plus, renforcer mon point de vue de l’hypocrisie du monde occidental vi-à-vis du monde arabe en particulier et du monde islamique en général. Même la Maison Blanche des USA reconnait que les élections parlementaires qui ont eu lieu en Palestine occupée ont été démocratiques. Mais quand le Hamas a remporté ses élections tout le monde occidental s’est retranché derrière une barrière pour expliquer que le Hamas n’avait le droit de représenter les aspirations du peuple palestinien ou tout au moins il n’est pas disposé à faciliter la tâche de ce nouveau parti au pouvoir chez les Palestiniens.

Claude: Tu as raison, les USA et les autres pays sont devant un vrai dilemme. Je ne sais vraiment pas comment ils peuvent s’en sortir. Les Palestiniens ont élus démocratiquement leurs nouveaux dirigeants. Ils représentent le mouvement de résistance palestinien mais les USA et les autres les traitent de terroristes. Il faut se rappeler que l’ex président Menuhin Begun avait été un terroriste et que le gouvernement américain a traité avec lui et obtenu la paix avec l’Égypte. C’est un bon exemple pour le nouveau gouvernement de la Palestine et Israël. Il me semble qu’ils devraient accepter de négocier à la condition qu’il n’y ait pas d’attentats nouveaux durant les négociations, que l’aide financière à la Palestine demeurent intacts et que le règlement final entre les deux parties obligent le respect mutuel de l’un et de l’autre dans la paix.

Mansour: Quand Sharon avait bâti toute sa carrière politique en Israël sur la base du grand Israël allant de la Méditerranée à la mer rouge, personne en Occident ne trouvait rien à dire. Et quand Sharon a pris le pouvoir en Israël je ne me souviens pas des menaces du monde occidental pour l’empêcher de continuer a élargir son programme d’établissement d’établissements de colonis juives sur les terres palestiniennes. L’Amérique en particulier à continuer à financer cette occupation des terres arabes par les juifs d’origine américaine en particulier à concurrence d’un milliard de dollars par an. Il est tout à fait normal pour l’Occident d’accepter le droit des juifs de poursuivre leur rêve de créer un grand Israël couvrant toute la grande Palestine du tant de la colonisation anglaise. Mais quand un parti politique arabe, d’obédience islamique, comme le Hamas arrive au pouvoir, à travers les voies démocratiques que personne ne dénonce, sur les territoires occupés arabes par les israéliens, le monde occidental tout d’un coup retrouve sa morale «démocratique» et se soulève contre les slogans d’un parti politique arabe qui ne fait en fait que répondre à ce qu’il croit être l’arrogance des juifs du monde entier.

Claude: Tu soulignes beaucoup d’hypocrisie et d’injustice et tu as raison. Mais il ne faut pas accuser tous les juifs des péchés d’Israël. Par contre, je vois le Hamas comme un mouvement de résistance en réaction à l’incroyable souffrance de son peuple. De plus, il a gagné démocratiquement une élection que tous les observateurs ont qualifiée de très démocratique. Alors, que l’on donne au moins la chance au Hamas de gouverner avant de l’accuser de mal gouverner. Et surtout que l’on ne fasse pas souffrir le peuple Palestinien en coupant toute l’aide extérieure.

Mansour: Merci de comprendre la situation. On accuse, aujourd’hui, le Hamas d’avoir comme objectif la destruction de l’État d’Israël. Mais on pardonne à Israël d’avoir interdit l’instauration de toute entité palestinienne en dehors de son pouvoir arrogant supporté bien entendu par tout le monde occidental, du moins le monde officiel. Pendant plus de mille ans, Jérusalem a été le centre du monde musulman et aujourd’hui Israël et les pays occidentaux refusent de reconnaitre ce droit tout simplement parce qu’Israël a été autorisé à changer la démographie de cette ville symbole de la culture musulmane a travers le monde entier, depuis 1967.

Claude: Cela ne doit pas être oublié, tu as raison. Je crois que la majorité des pays de l’occident aimerait que Jérusalem soit ouvert aux deux nations, mais la droite israélite ne veut pas et a du pouvoir. Ce ne sera pas une solution facile et deviendra probablement le mur infranchissable durant les négociations qui fera en sorte qu’elles tomberont à l’eau.

Mansour: Oui, les négociations, s’il y en a, n’ont pas grand chance de réussir. Mais qui aurais pensé avant 1945 que les empires des Anglais et des Français allaient disparaître du jour au lendemain. Qui aurait pensé durant les années 60 que la Chine allait devenir un grand géant sur l’arène internationale. Et qui aurait prévu la désintégration du bloc soviétique en quelques années. L’histoire des peuples et des nations ne se juge pas en l’espace d’années, de décennies ou même de siècles, mais à très long terme.

Claude: Ce que tu dis est vrai et important à reconnaître. Il ne faut pas oublier le passé pour juger de l’avenir.

Mansour: Je ne sais pas comment le monde arabe en Arabie en particulier et le monde musulman en général va évoluer, mais je suis absolument certain qu’il arrivera un jour où cette culture basée sur une religion qui après tout représente plus de 25% de toute l’humanité aura sa place dans l’avenir de l’humanité.

Claude: J’en suis absolument certain et tout ce qui arrive actuellement dans le monde favorisera ce regroupement et cette unité arabe. Non pas pour détruire les autres peuples mais pour que le peule arabe retrouve la place qui est la sienne sur l’échiquier mondial.

Mansour: Après tout la Chine avait pratiquement disparu pendant plus de 3 siècles et nous voyons aujourd’hui que les enfants anglais de 6 ou 7 ans sont obliges d’apprendre le mandarin tout simplement parce que c’est leur intérêt a long terme. Le temps de l’extermination de toute une ethnie ou d’une religion est bien révolue et le soleil brillera un jour ou l’autre sur les sociétés musulmanes à travers le monde entier. Je ne suis pas musulman croyant, mais je crois a l’évolution de l’humanité.

Claude: Tu mêles religion et peuple. Je parle des nations arabes. Il faut respecter toutes les religions. À mon avis, trop d’importance est mise sur la religion lorsque l’on parle des arabes et on les associe trop à tous les autres musulmans du monde qui ont des cultures, des traditions et des langues totalement différences des arabes.

Mansour: Je te donne mon point de vue d’un monde qui est toujours divise entre les «haves et haves nots». Et c’est cette division qui continuera à marquer les années sinon les siècles a venir pour nous tous.

Claude: Malheureusement c’est l’histoire du monde. Et si tu veux parler de «have-nots», je te rappelle la misère des peuples noirs africains. Est-ce possible de penser qu’ils sortiront un jour de la spirale de pauvreté dans laquelle ils sont pris depuis des siècles ? À la prochaine.