Départ de Lachine


Départ de Lachine

En 1995, Lachine a célébré ses vingt ans de concerts. Depuis l’année précédente, cependant (compressions obligent), le poste de directeur artistique à temps plein n’existe plus. Par contre, le Festival de musique, qui se tient l’été, est un événement prestigieux dont la Ville ne veut pas se passer. Pour l’amour des musiciens et des chanteurs, j’accepte de continuer à l’organiser pendant trois ans.

Abolition de poste ou non, les curriculum vitae de musiciens continuent en effet d’affluer à mon bureau. La qualité de nos concerts est reconnue depuis longtemps et tous, musiciens bien établis comme débutants, veulent y participer. Si j’en avais eu les moyens financiers, j’aurais pu organiser des concerts toute l’année à Lachine, et pas seulement pour la durée du Festival.

Avec le recul, je me rends compte que les vingt ans que j’ai consacrés à éveiller une petite ville à la chose artistique m’ont beaucoup plu. Il faut dire qu’il se mêlait à mon travail beaucoup de «fonctions connexes»: me bagarrer chaque année avec les autorités politiques à Ottawa et à Québec pour obtenir des subventions, amadouer les cols bleus pour qu’ils déménagent plates-formes, lutrins et chaises, gérer des budgets serrés, agir comme maître de cérémonie aux manifestations officielles – par exemple à l’occasion de l’assermentation de nouveaux citoyens canadiens devant la Cour de citoyenneté -, comme crieur de rue, et que sais-je encore. Depuis que la Ville a adopté son nouveau système de communication, je suis même la voix du répondeur automatique. Encore aujourd’hui, Figaro est ici, là, un peu partout!

De cette deuxième carrière qu’il m’a offerte à un moment où j’étais las de voyager de par le monde, je demeurerai toujours très reconnaissant à mon ami Guy Descary.

À la tristesse générale, le maire a été emporté par le diabète en 1992. C’est moi qui ai eu l’honneur de régler ses funérailles. En quarante-huit heures, j’ai monté un programme de musique que j’ai voulu digne de lui: une chorale de soixante chanteurs, le quatuor à cordes Morency qui a joué le sublime Adagio de Samuel Barber, la Marche funèbre de Chopin exécutée par l’Harmonie de Lachine. Au total, deux belles heures de musique grandiose. J’ai même réussi à chanter à la mémoire de mon ancien patron le Notre Père d’Henri Bussière a capella. Une expérience qui prend à la gorge, croyez-moi, quand on a beaucoup aimé le défunt.

Je m’en voudrais de quitter le chapitre lachinois sans dire à mes nombreux collègues de travail de Lachine, Serge Poulin, Thérèse Picard, Jean-Gilles Gagnon et Alex Polevoy, à quel point j’ai apprécié leur esprit d’équipe. Nous travaillions très fort ensemble à relever des défis impossibles et je leur saurai toujours gré de leur amitié.

C’est ainsi que le 28 juillet 1996 a marqué la fin de mes activités à Lachine. J’ai organisé pour l’occasion un dernier concert, où Boris Brou est venu diriger l’Orchestre philharmonique de l’Isle et quelques-uns de nos chanteurs québécois d’aujourd’hui: mon neveu Gaétan Laperrière (baryton), Ghislaine Girard (soprano), Sonia Racine (mezzo-soprano) et Claude-Robin Pelletier (ténor). À la fin du programme, Gaétan a eu un beau geste: il m’a laissé sa place pour chanter le Quatuor de Rigoletto, opéra qu’il a travaillé, comme tant d’autres, dans mon studio d’enseignement.

Heureusement, je ne me fais pas de souci pour l’avenir du Festival car un jeune homme très compétent et dévoué a pris ma relève: Richard Turp, musicologue, le fils de mon grand copain André. Richard, que j’ai vu grandir près de chez nous à Wembley, en Angleterre, saura toujours où me trouver pour me demander conseil s’il en a besoin.

Chapitre 8: Grands collègues, grands amis

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