Les voix « sexy »
Pour clore le sujet, je reviens à l’article du docteur Cooper que j’ai évoqué devant l’assemblée des ORL. J’y ai trouvé des idées que je défends moi-même depuis des années. Nous vivons, dit-il, dans une société qui baigne dans le «sonore », et pourtant rares sont les gens qui parlent d’une voix pleine et riche. Au contraire, beaucoup d’entre nous (quelque 25 p. cent) avons la voix gutturale, râpeuse ou enrouée.
Cette fatigue vocale et les nodules, polypes et ulcères qu’elle peut finir par provoquer sont le plus souvent dus à une vilaine habitude: celle de parler «de la gorge », c’es-à-dire d’une voix forcée, difficile à entendre, sans portée ni souplesse.
Le médecin compare la «boîte vocale» à un mégaphone dont le bout étroit serait dirigé vers le bas. S’étendant depuis la base du cou jusqu’aux sourcils, elle peut se diviser schématiquement en trois parties: la gorge basse (niveau du larynx), la gorge moyenne (autour de la bouche) et la gorge haute (à hauteur du nez). Les gens qui ont la voix haut perchée et nasale parlent de la gorge haute. Ceux qui ont la voix grave, gutturale ou râpeuse – elle passe souvent pour «sexy» – parlent de la gorge basse. Marlene Dietrich et Henry Kissinger en sont de bons exemples.
Dans 90 p. cent des cas, les patients qui viennent consulter le docteur Cooper – à cause d’une voix fatiguée, enrouée, de «chats» dans la gorge, d’une toux ou d’une laryngite – parlent de la gorge basse. Le médecin écrit que cette façon de parler, que l’on a plutôt tendance à cultiver en Amérique, «tue les voix». Je suis d’accord avec lui.
Comment devrait-on parler alors? Réponse: toutes les belles voix sont placées dans ce qu’on appelle le «masque», une région du visage qui englobe la bouche et le nez. Le placement dans cette zone donne à la voix son ampleur, Si richesse, sa facilité de projection, sa variété de timbre et de hauteur, et sa santé. Pour en faire l’expérience, on n’a qu’à «chanter» quelques notes à bouche fermée, sur «mmm». Cela produit immédiatement un petit picotement autour des lèvres et du nez. Voilà la région où toutes les voix belles et claires sont placées.
Placer la voix dans le masque, conclut le docteur Cooper, et moi avec lui, est un peu comme mettre ses lunettes à hauteur des yeux plutôt qu’en bas du nez ou sur le front. De la même façon qu’il faut les mettre vis-à-vis des yeux pour bien voir, il faut placer sa voix dans le masque pour bien parler.
Le programme de soins du président des Etats-Unis est sans doute bon pour lui de manière générale, mais je pense qu’il passe tout à fait à côté du problème. Après tout, des milliers de personnes en Amérique font des allergies, des reflux et mangent mal sans pour autant perdre la voix: Bill Clinton a la voix enrouée parce qu’il parle de la gorge. C’est aussi simple que ça.
]Chapitre 10: Ma troisième carrière, l’enseignement