La grève dans les filatures


La ville d’Ahmedabad regroupait plusieurs grandes usines de filature de coton. Anasuyaben y avait organisé un syndicat et elle réclamait pour les ouvriers une augmentation des salaires, à cause du coût de la vie qui était très élevé. Les patrons refusèrent de donner suite à sa demande.
L’Ashram de Gandhi étant proche, elle lui demanda de l’aide. Même si la cause était évidemment méritoire, le conflit plaçait le Mahatma dans une situation très délicate. Ami des deux adversaires, il entretenait avec les deux des rapports cordiaux. Cela compliquait tout. Il les pria de s’en remettre à un tribunal d’arbitres pour régler le conflit. Sa proposition fut rejetée sans appel par les deux parties.

Il ne restait donc que la grève.

Avant de proposer cette avenue aux ouvriers, Gandhi eut des contacts fréquents et étroits avec leurs représentants. Il acceptait de se résoudre à une telle action à la condition que les ouvriers respectent un certain nombre de règles:

  1. ne pas porter atteinte à la paix
  2. ne pas empêcher par la force ceux qui voudraient travailler
  3. ne pas mendier ni accepter la charité publique
  4. quelle que soit la durée de la grève, rester ferme, si l’argent vient à manquer, exercer un autre métier pour se procurer à manger.

Les chefs syndicaux acceptèrent ces conditions et les ouvriers, réunis en assemblée générale firent le serment de les respecter et de ne reprendre le travail que lorsque le conflit serait réglé ou jugé par des arbitres.

La grève dura 21 jours durant lesquels Gandhi ne négligea aucun effort pour convaincre les patrons d’accepter l’arbitrage ou de donner une réponse favorable aux revendications des ouvriers. Chaque jour, durant les deux premières semaines, Gandhi réunissait les ouvriers sur les berges de la Sâbarmati. Des milliers d’ouvriers assistaient à ces rencontres publiques durant lesquelles le Mahatma leur rappelait leur serment. À la fin de la réunion, tous défilaient dans les rues, en cortège pacifique portant une bannière sur laquelle on lisait : « Ek Tek! » (gardez le serment).

Puis, l’assiduité aux meetings commença à fléchir et l’attitude des ouvriers devint menaçante envers les « jaunes » (scabs). Gandhi se sentait fort préoccupé par ce relâchement.

Au cours d’une rencontre avec les chefs syndicaux, il leur annonça que si les grévistes ne se ressaisissaient pas et ne poursuivaient pas leur grève jusqu’à ce que les demandes n’aient été acceptées, il ne prendrait plus aucune nourriture.

Anasouyâbehn se mit à pleurer et les cris fusèrent de partout : « Ce n’est pas à vous de jeûner. C’est à nous. » Gandhi refusa: « contentez-vous de rester fidèle à votre serment. Quant à mon jeûne, je ne l’interromprai qu’après un règlement de la grève. »

Ce jeûne fît naître de part et d’autre une atmosphère de bonne volonté. Les patrons furent touchés du geste désintéressé de Gandhi et ils tentèrent de trouver un moyen de régler le conflit. Après trois jours, on désigna un arbitre et la grève prit fin.