Depuis qu’il est premier ministre du Canada, Saint-Laurent s’occupe particulièrement, suite à la guerre, à donner au pays un rôle de plus en plus grand sur le plan international. Il appuie la politique américaine pour la guerre de Corée et y envoie des troupes. Contrairement à la réticence de King à joindre une alliance militaire, Saint-Laurent rallie le Canada à l’OTAN. Il est parmi les plus ardents supporteurs du premier ministre anglais Clement Atlee pour transformer le Commonwealth britannique d’un club de dominions blancs à un partenariat multiracial et ceci contre le gré d’une majorité des autres chefs blancs. Il propose que le roi Georges VI devienne la tête du Commonwealth afin de maintenir une association internationale avec l’Inde, en devenir d’être une république indépendante. Pour continuer dans la veine de ces décisions fondamentales pour l’avenir du Canada, Saint-Laurent recherche une légitimité électorale et appelle aux urnes les Canadiens pour une élection générale le 27 juin 1949.
Son adversaire progressiste-conservateur est Georges Drew, Premier ministre de l’Ontario depuis 1943. Le «Colonel Drew», qui affectionne ce surnom soulignant ses services militaires à la nation, a décidé d’entrer en politique fédérale et est candidat à la chefferie du parti national, au congrès de 1948. Il est élu avec 827 votes de délégués contre John Diefenbaker de l’ouest canadien qui recueille 311 votes et Donald Fleming, 104 votes. Il remplace John Bracken. Les thèmes de ses discours touchent le respect des valeurs traditionnelles et l’autonomie provinciale. Il s’oppose à la centralisation des pouvoirs à Ottawa. A la clôture du congrès, il dit quelques mots en français pour flatter les délégués du Québec. Nonobstant le nouvel enthousiasme qui nourrit les espoirs des «bleus», les électeurs du Québec n’oublient pas qu’il est un genre de réactionnaire qui, dans le passé, a eu des commentaires antisémites, anti-Canadien français (il les a traités de race battue) et anti-catholiques. Il a aussi appuyé la conscription obligatoire.
Le parti regroupe, comme toujours, deux tendances: celle des red tories qui est conservatrice au point de vue économique et démontre une approche libérale dans ses politiques sociales tout en donnant beaucoup d’importance au principe de «noblesse oblige»; celle des blue tories qui est conservatrice autant dans les politiques économiques que sociales. Sir John A. Macdonald était un red tory tout comme l’est John Diefenbaker, candidat défait au dernier congrès. Drew est un blue tory malgré qu’il ait proposé un programme de gauche lors de sa première élection comme premier ministre de l’Ontario. Il ne l’a pas implanté une fois élu. Ce n’était que de l’opportunisme parce que le vent du temps soufflait dans cette direction. Claude aime les politiques proposées par les red tories. Il deviendra un des leurs dans le futur.
Le soir des élections, Saint-Laurent remporte une victoire éclatante avec 190 sièges contre 41 pour Drew, 13 pour le CCF, 10 pour le Crédit Social de Solon Low de l’ouest et 4 indépendants. Les progressistes-conservateurs demeurent dans l’opposition et Drew sera le chef de l’opposition officielle. Au Québec, les libéraux font élire 68 députés dont Jean Lesage, Georges-Émile Lapalme, Sarto Fournier et Gaspard Fauteux. Quant à eux, les conservateurs ont deux députés, Léon Balcer dans Trois-Rivières et Henri Courtemanche dans Labelle. Trois indépendants sont élus dont Camilien Houde dans Papineau.
Dans le comté de Verdun-Lasalle, le libéral Paul-Émile Côté a obtenu 69,5 % des suffrages. Claude et son père n’ont pas participé à l’élection parce qu’ils n’aiment pas Drew. Ailleurs, Adrien Arcand, le fasciste qui s’était déclaré le führer canadien dans les années ’30 et 40 alors qu’il menait un mouvement d’extrême-droite, obtient 29 % des votes dans le comté de Richelieu-Verchères. Claude est surpris de ce score et ne comprend pas pourquoi des Canadiens français votent ainsi après le désastre mondial causé par les nazis.
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