Varsity Week-end


Du 2 au 5 décembre, les carabins de l’Université de Montréal sont les invités des étudiants de Toronto pour la première étape du Varsity Week-end. Claude ne se doute absolument pas que cet échange étudiant changera sa vie.

Avec son comité, il recrute les participants. Ils sont une quarantaine. Le voyage se fait par train et tout le long du trajet c’est la fête. A l’arrivée en gare de la ville-reine, ils sont accueillis par une bande de plus de 300 étudiants torontois avec fanfare et cheerleaders aux airs de Vive la Canadienne, Alouette…

Des autobus les amènent sur le campus universitaire au Brennan Hall pour prendre le thé. Claude y rencontre Dave Martino chez qui il logera. C’est un étudiant qui veut devenir physicien et qui en a l’apparence. De descendance italienne, il est petit, a de fortes épaules, grassouillet, les cheveux ébouriffés et un air très sérieux. Les carabins sont empressés d’enseigner à leurs compatriotes canadiens anglais ce qui devient l’hymne presque national des Canadiens français awignahanhan. La réception terminée, il part avec Dave pour sa demeure où ses parents les attendent. Il y reçoit un accueil chaleureux. Les Martino sont des gens bien, du middle class torontois, qui vivent dans un beau bungalow d’une vingtaine d’années doté d’un grand balcon et de grosses colonnes carrées d’un style architectural typique à Toronto. Les chambres sont au deuxième étage et Claude y est très à l’aise. Sa chambre est voisine de celle de Dave. A voir le désordre sur son grand bureau, les papiers et les livres au sol on dirait qu’un cyclone l’a traversé. Claude remarque que des piles de papiers remplis de chiffres sont sur son bureau et se dit qu’il aime sûrement les mathématiques. Les quatre se retrouvent à la cuisine où madame Martino a préparé un goûter. Ils sont très intéressés à connaître Claude et l’interrogent sur sa vie, sa famille, Montréal, la province de Québec, Duplessis et leur curiosité semble sans fin. Dave, par contre, ne dit pas un mot et laisse à peine échapper un sourire. Il semble pris par ses pensées.

Les Martino racontent leur vie qui ressemble à celle de milliers d’immigrants européens venus au Canada. Monsieur et madame ont eu un trajet similaire même s’ils sont originaires de différentes régions italiennes. Ils ont émigré au Canada avec leurs parents alors qu’ils étaient enfants. Chaque famille avait peu de sous et s’est installée avec difficulté à Toronto. Celle du grand-père paternel de Dave comptait deux enfants. Il était maçon et s’était trouvé du travail dès son arrivée, il avait durement gagné son pain. Son père et sa mère se sont rencontrés et mariés à Toronto. Lui, travaillait dans une usine et elle, remplissait différentes tâches. Ils ont pu, malgré leurs faibles revenus, accumuler suffisamment d’économies pour acheter leur maison quelques années après la naissance de Dave. Leur grande ambition était de donner à Dave la meilleure éducation possible, ce qu’ils n’avaient pu avoir. Claude reconnaît dans cette famille des similarités avec celle de Charles-Émile et d’Antoinette. Les Martino sont très fiers de leur fils surtout depuis qu’il est à l’université. Il a fait un stage, durant le dernier été, dans une compagnie où il a eu la responsabilité de tests d’aérodynamisme dans une soufflerie. Cela l’a très motivé dans ses études de physicien. Il rêve de travailler pour Atomic Energy of Canada Ltd ou pour un centre de recherches. Claude l’écoute raconter son travail et ses études et voit un gars captivé par ce qu’il fait. À sa grande surprise, le soir, ils discutent ensemble jusqu’à une heure du matin d’autonomie provinciale.

Le programme du lendemain comprend une visite de l’Université de Toronto. Elle est exceptionnelle avec toutes ses facilités et donne presque un complexe d’infériorité aux carabins. L’après-midi, un débat a lieu sur «Québec tel que vu par l’Ontario, l’Ontario tel qu’elle est». A la surprise des carabins, le nom de Duplessis revient souvent dans le débat au point qu’ils l’entendent plus souvent que durant toute une élection générale au Québec. Il est pour les Torontois la source de la désunion nationale. Le débat d’idées prend fin par un sherry offert chez le directeur de Hart House. Puis suivent, un banquet, une partie d’hockey et une fabuleuse réception chez une poutchinette torontoise. Samedi, c’est le petit déjeuner offert par Molson’s qui profite de l’occasion pour présenter une nouvelle bière, la breakfast beer. L’après-midi, la discussion reprend pour compléter ce qui n’a pas été dit la veille et la journée se termine par un formidable party de danses carrées à Nobleton (genre de Sainte-Adèle). Claude se tient avec Dave et se rend compte qu’il est timide, n’aime pas chanter ni danser et semble toujours ailleurs. Claude se dit «c’est un vrai poète! » Il souffre de son apparence physique et Claude cherche à l’entraîner, mais sans succès. Il ne veut pas demander aux filles à danser. Il ne sait pas s’amuser et quitte tôt le party, sans oublier de laisser à Claude la clef de la maison. La messe du dimanche avec la famille de Dave est au programme et le dîner préparé par Madame Martino comprend un antipasto aussi spectaculaire qu’inoubliable et un spaghetti a la carbonara. C’est la première fois que Claude déguste un tel spaghetti et il deviendra son préféré. Vers 15 h, tout le monde se rencontre pour le cup o’tea traditionnel du départ. Puis c’est le triste voyage du retour et Claude est heureux et désolé. Désolé en pensant qu’ils n’étaient que quarante carabinspour vivre ces journées exceptionnelles.