Ce dialogue engendre des discussions sur les candidats au congrès du parti démocrate américain en vue des élections présidentielles: Clark, Kerry, Gephart, Dean, Lieberman,
Au 27 septembre 2003
Mansour: Je crois que l’apparition de Wesley Clark dans la course à la présidence sera d’une très grande utilité pour ce pays, qui a besoin de se poser clairement certaines questions importantes pour son avenir en tant que nation dominante dans ce monde d’aujourd’hui. J’ai écouté aujourd’hui sa déclaration officielle de son intention de briguer la présidence américaine. Contrairement à tous les autres prétendants démocrates qui ont la même position nationale, Clark a clairement défini les objectifs stratégiques que sa nation devrait poursuivre. J’ai trouvé que sa première sortie médiatique a été même meilleure que celle de Clinton.
Claude: Je suis en accord avec toi. Il est très impressionnant comme candidat et il a un bon CV. Je ne le connais pas beaucoup mais ce que j’ai vu aujourd’hui me fait dire que les démocrates ont trouvé un bon candidat présidentiel. Mais sera-t-il capable de faire une campagne pour se faire choisir ? La guerre électorale n’est pas la guerre militaire. On verra si Clark peut s’adapter. Je crains qu’il manque d’expérience de ce côté là et qu’il n’ait pas la couenne assez épaisse.
Mansour: Après plus de 38 ans dans l’armée américaine, Clark, a démontré clairement qu’il sera très difficile debattre dans un débat public, aussi bien les neuf autres candidats démocrates que même Bush si jamais il arrive à avoir la nomination démocrate. Je n’ai jamais entendu un homme politique américain aussi intelligent que cet individu. Il a la répartie très facile, même quand il doit répondre à des questions très embarrassantes politiquement. «He is very quick on his feet as we say in America ». Ce qui m’impressionne avec cet individu c’est qu’il considère son aventure politique comme une campagne militaire. Déjà, il a réussi à mobiliser les meilleurs conseillers politiques et économiques qui avaient construit la réussite de la présidence de Clinton.
Claude: Je vois que tu l’admires beaucoup. Il est vite et répond bien à ce jour, mais est-il un animal politique ?
Mansour: Et tout comme une campagne militaire, il a déjà programmé un discours important concernant l’avenir économique des USA la semaine prochaine, ensuite il fera un discours important concernant tous les problèmes relatifs aux problèmes de la sécurité de ce pays. Si beaucoup des neuf autres candidats démocrates sont capables de présenter des programmes pour remettre l’économie de ce pays sur la voie de la croissance de la création des emplois en particulier, je ne pense pas qu’il y a aujourd’hui un seul démocrate capable de présenter une politique de défense de la sécurité de cette nation de la même manière que Clark. Il a vraiment un monopole dans ce domaine du moins dans le clan des démocrates.
Claude: Tu sembles oublier le candidat démocrate Kerry qui a eu une belle carrière militaire et qui est sénateur depuis longtemps. Lui aussi à des choses à dire en rapport avec l’économie et la sécurité des USA.
Mansour: Clark avait dénoncé la guerre contre Saddam dès le départ pour des raisons qui se sont avérées vraies. De plus, aujourd’hui il reconnaît sincèrement que l’Amérique doitgérer la situation en Irak sans revenir sur les conditions initiales de ce problème. Il continue à croire que l’Amérique ne peut pas ramasser ses affaires et quitter ce pays. Mais il insiste que la solution en Irak doit être une solution internationale et pas américaine. Mieux encore, il veut utiliser cette crise irakienne pour enfin reconstruire le respect des USA à travers le reste du monde.
Claude: Je me rappelle en effet sa sortie au début de la guerre pour dénoncer ti-Bush. Il a été un des rares haut-gradés de l’armée américaine à le faire. Il a aussi servi dans le passé comme commandeur à l’OTAN et connaît par conséquent les dirigeants de tous les pays-membres de ce groupe. Cela lui donnerait une bonne entrée si jamais il devenait le président américain. Mais il ne faut jamais oublier les dirigeants du complexe militaro-industriel américain qui ont un gros mot à dire dans les décisions du président. Je crois que c’est un des groupes, dans l’ombre, qui a amené ti-Bush à faire la guerre et je ne vois pas qu’il laissera le chemin ouvert pour que Clark accède au plus haut poste de la nation. Cela n’irait pas à leur avantage.
Mansour: Pour l’instant Clark a tout pour réussir son pari, mais sa victoire est très loin d’être assurée. Tout d’abord au sein du parti démocrate, il doit répondre à des milliers de questions concernant la vie politique interne de ce pays. Ensuite je pense qu’il aura des difficultés à s’assurer l’appui des américains pro-israéliens tout en gardant une liberté de manoeuvre au Moyen-orient, où l’Irak devient de plus en plus un problème panarabe.
Claude: Oui, sa victoire n’est pad acquise et c’est durant les primaires que l’on verra de quoi il est fait. «The road is rough ahead».
Mansour: Je ne cache pas que je suis sympathiquement plus favorable à Howard Dean qu’à Clark, à ce jour. Mais je reconnais que Dean aura beaucoup plus de difficultés que Clark à battre Bush aux prochaines élections. Et comme tu es un vieux routier de la politique je crois que tu comprendras aujourd’hui mes angoisses. Mon coeur est certainement avec Howard Dean mais ma tête me dit qu’il faut supporter Clark. Et comme je suis encore un enfant de Jules Ferry, je ne peux que supporter la décision de ma tête, malgré toutes les aigreurs que cette décision vont engendrer. Comme tu vois je ne suis pas toujours obligé de suivre ma conscience.
Claude: Plus je te lis plus je pense que nous sommes pareils. Moi aussi mon cœur l’emporte souvent sur ma tête. Surtout en politique. Je n’aime pas l’aspect calculateur qu’exige la politique car j’aime me donner pleinement avec enthousiasme pour cette cause et pour ce faire seul mon cœur me motive. Mais il a des moments où il faut quand même juger d’une situation dans l’intérêt général mais je les veux le plus espacés possible. On dit de moi que je manque de jugement quelques fois en politique. Je suis d’accord avec cela (je dirais souvent même) et je ne m’en fais pas trop. Je suis actif en politique pour le plaisir et non par intérêts. Je ne vois pas un cadeau (ou de contrats éventuels) au bout du chemin mais seulement de bons résultats politiques. Il me semble que sans plaisir la politique devient moins importante pour un organisateur.
Mansour: Je te remercie de m’avoir envoyé par email l’article «The first unelected president of the US discusses foreign policy… ». Tu ne pouvais trouver un article aussi précis pour décrire toutes mes difficultés avec la politique internationale des USA. Finalement, je crois aujourd’hui tout comme j’ai toujours cru dans le passé que la politique étrangère américaine est dictée toujours par les intérêts économiques des multinationales américaines, à la seule exception d’Israël.
Claude: Oui, et comme je te disais tantôt, il faut compter parmi ces intérêts économiques ceux du complexe militaro-industriel américain.
Mansour: Avant même la première guerre contre l’Irak, il ne faisait pas de doute que l’Iran était bien plus dangereux que l’Irak pour les intérêts aussi bien d’Israël que des multinationales américaines au Moyen-orient. Mais tout comme la comparaison entre la Chine communiste et Cuba, notre ami Bush a très rapidement reconnu qu’il n’était pas dans son intérêt politique de montrer son courage contre un pays comme l’Iran ou la Chine. Alors, il a choisi de s’attaquer à des ennemis qu’il a crées dans l’esprit des Américains, tout simplement pour démontrer aux électeurs américains, tout d’abord qu’ils sont en danger de mort immédiate, ensuite, qu’une expédition militaire en Irak, n’allait rien coûter au peuple américain.
Claude: Cela me fait penser au film américain, je crois que c’est «Colours» dans lequel le personnel politique d’un président américain inventait de toute pièce une guerre contre un pays arabe afin que la popularité de leur président monte dans les sondages en vue de sa réélection.
Mansour: Maintenant pour divertir l’opinion publique américaine de sa débâcle irakienne, notre cher ami Bush trouve l’audace de tourner l’attention de ce public sur un nouveau tyran et terroriste international, le chef de la résistance palestienne depuis au moins 1967. Comme tu le sais très bien, je ne suis certainement pas très intéressé par la vie politique de Yasser Arafat, qui a toujours été un instrument des services secrets américains. Il ne faut pas oublier que cet individu a fait des millions de dollars durant toute sa carrière politique, dans des affaires bien floues. Et que ce même triste individu a tous ses avoirs déposés dans les banques israéliennes européennes ou américaines. Peut-être que demain, nous allons apprendre que notre cher président des USA a décidé de confisquer tous les avoirs de ce fameux chef terroriste international !!!! Mais comment ce fait-il qu’après plusieurs présidents américains qui ont négocié dans le passé avec ce même individu en tant que représentant incontournable du peuple palestinien, notre cher ami Bush demande aujourd’hui à la résistance palestienne de mettre un trait sur son passé et d’humilier le dirigeant qu’elle a toujours accepté à ce jour.
Claude: Tout ce qui arrive est de plus en plus surprenant. Je ne vois qu’une raison à tout cela, c’est que Sharon contrôle le faible ti-Bush. Ce que veut Sharon, ti-Bush accepte. C’est incroyable que le chef incontesté des Palestiniens, nonobstant sa richesse qu’il a ramassée depuis qu’il est à la tête de ce pays (c’est un autre problème qu’il faudra discuter un jour ensemble), soit mis de côté parce que Sharon ne l’aime pas et l’a toujours haï. C’est le chef d’un autre pays qui décide que le chef d’un pays voisin n’est pas convenable pour lui et doit être changé. C’est comme si ti-Bush disait que dorénavant il ne négocie plus avec le PM Canadien, Jean Chrétien et demande aux Canadiens d’en nommer un autre.
Mansour: A mon avis, je crois plutôt que c’est le gouvernement de Cheney, Rumsfeld, et Wolfowitz, le vice-ministre de la défense, qui ont réalisé que ce gouvernement ne peut plus continuer à rester au pouvoir en Palestine sans créer un nouvel ennemi à l’image de Saddam Hussein. Et ils ont, bien entendu, choisi la meilleure victime pour leur nouveau complot, à savoir Yasser Arafat. Bientôt nous allons revivre toutes les atrocités commises par la résistance palestinienne à commencer par le tragique événement des Jeux Olympiques de Munich de 1972, je crois. Mais ce qui est tragique dans toute cette histoire, c’est que le public américain sera une fois de plus dupé entièrement par la propagande de la Maison Blanche, d’autant plus qu’elle sera bien supportée par les «mass medias». de New York bien contrôlés par les intérêts juifs.
Claude: Je suis surpris de ton analyse mais tu as peut-être raison. On verra.
Mansour: L’exemple du cauchemar politique que le pauvre Howard Dean a vécu durant cette dernière semaine, tout simplement parce qu’il a répondu à une question posée par le représentant ultime des intérêts d’Israël aux USA, à savoir le sénateur Joe Lieberman, est choquant. Le pauvre Dean a dit que les USA devaient avoir une politique équilibrée entre les intérêts d’Israël et ceux des Palestiniens. Et Lieberman lui a sauté au cou en l’accusant immédiatement d’avoir abandonné la politique américaine d’appui inconditionnel à Israël depuis plus de 50 ans. Et depuis de débat télévisé, le pauvre Howard Dean a été mis au pilori sur toutes les positions politiques qu’il avait déjà annoncées et que la presse américaine, dans le passé, n’avait pas trouvées anormales. Je te cite la débâcle médiatique de Howard Dean de cette dernière semaine pour essayer de donner un semblant de raison aux dernières initiatives du régime de Bush pour sortir du pétrin irakien dans lequel il se trouve aujourd’hui.
Claude: J’ai vu cela et j’ai été surpris de la raison invoquée par Lieberman. Il dit que c’est la politique des USA depuis 50 ans de supporter Israël. Je crois que c’est vrai mais certainement pas au détriment des Palestiniens et de leur cause. Les présidents Carter et Clinton, entre autres, ont démontré l’équilibre que propose de donner Dean à sa politique envers ces deux nations. Il me semble que ce n’est que le gros bon sens. Un pays n’a pas à prendre parti dans un conflit entre deux autres nations à moins d’être directement concerné ou que c’est un danger pour l’humanité. Dans le cas qui nous concerne, les USA doivent traiter les deux côtés également. Ainsi, les USA pourront un jour être l’intermédiaire capable de régler justement et définitivement le conflit.
Mansour: Ce qui m’étonne aujourd’hui, c’est que j’ai de plus en plus l’impression qu’aussi bien Bush que Sharon, préfèrent négocier avec les dirigeants du Hamas ou des autres mouvements palestiniens de tendance islamistes fondamentalistes qu’avec les structures politiques palestiniennes, qui sont après tout contre ces mouvements basés sur l’Islam et le djihad.
Claude: Je serais surpris que Sharon veuille négocier avec les Hamas. Ils sont trop coriaces pour son goût. Il espère trouver un homme plus conciliant pour remplacer Arafat.
Mansour: Ce qui est très ironique dans un sens je pense, c’est que malgré les petites victoires à court terme de la puissance américaine dans cette région du Moyen-orient, je crois dur comme fer, qu’un jour ou l’autre, cette Amérique arrogante sortira de cette région avec la queue entre les pattes, à cause justement des soi-disant principes universels qu’elle veut promouvoir dans cette région. Il arrivera un jour où tous les peuples de cette région se rendront compte de leurs intérêts particuliers qui ne sont pas défendus par la présence politico-militaire des USA. Ce jour là, je suis persuadé qu’aucune force militaire au monde ne sera capable de s’opposer aux revendications réelles de ces peuples. Quoi que fasse l’Amérique, je crois que dans dix ou même vingt ans, l’Iran deviendra un membre du club atomique de ce monde. Ce pays a déjà une population de plus 70 millions d’habitants aujourd’hui.
Claude: L’Iran est un grand pays démocratique nonobstant ce que pensent ou disent les Américains. N’a-t-il pas élu démocratiquement un gouvernement qui s’oppose aux enseignements de Khomeiny ? Nonobstant ce fait, les USA nous font croire qu’il s’agit là d’un gouvernement ennemi. Que l’Iran soit membre un jour du club atomique ne serait que normal. Mais avec la présence d’Israël qui n’est pas loin, je doute qu’il puisse y adhérer car les Israélites ne voudront pas d’un voisin arabe avec des possibilités atomiques.
Mansour: De son côté, l’Égypte ne pourra rester dormante à jamais. C’est un pays qui a des potentialités scientifiques bien supérieures à cellesde l’Irak certainement et un peuple de plus de 60 millions d’habitants bien misérables. Ne parlons pas de la capacité aussi bien scientifique que militaire d’un pays comme la Turquie, qui est déjà sous un gouvernement islamiste. En tant qu’économiste, je me demande comment les USA se sont engagés militairement dans une région qui leur appartenait en premier lieu. La seule ressource importante dans cette région est bien entendu le pétrole et le gaz. Mais les USA ont déjà pratiquement le monopole sur ses ressources. Entre le contrôle politique des pays comme l’Arabie saoudite, le Koweït, le Yémen, les Émirat arabes et l’Égypte, les USA ont pratiquement tous les atouts pour définir la politique énergétique mondiale. Ne parlons pas du fait que des ressources énergétiques de l’Algérie, du Nigeria et des autres pays africains sont dans les mêmes conditions que celles du Moyen-orient.
Claude: Oui, il est surprenant que les Américains brassent la cage dans une région qu’ils contrôlent bien. Qu’est-ce qui peut bien les motiver à prendre de tels risques ? Je ne vois comme réponse que la pression qui vient d’Israël. Ils se voient obligés, pour fins électorales chez eux, de créer des problèmes là où ils en n’ont pas. Cela est ridicule et démontre bien la force d’Israël et de son lobby américain.
Mansour: Militairement l’Irak a déjà été entièrement démoli après la première guerre du golf. Et si les intérêts pétroliers américains ne sont pas en danger dans toute cette région, qu’est ce qui est en danger pour cette grande nation à l’heure actuelle ? Géopolitiquement, je t’assure que c’est trois fois rien. Tous les régimes politiques de cette région sont antidémocratiques à la solde de l’oncle Tom. Même le royaume du Maroc, qui pourtant n’a pas de ressources énergétiques et vit toujours au Moyen-âge n’a aucune intention antiaméricaine. Et pourtant la politique pro-israélienne, comme jamais démontrée dans le passé de ce gouvernement, et la présence militaire américaine dans cette région arabo-musulmane ne peuvent que renforcer les mouvements islamistes de tout bord.
Claude: Tu confirmes ce que je pense. Les USA contrôlent déjà l’ensemble de l’Arabie et semblent vouloir mettre en péril inutilement ce contrôle pour des raisons qui ne sont justifiables qu’électoralement chez eux. C’est d’un ridicule consommé.
Mansour: Tu sais que je déblatère constamment dans nos discussions. Mais je ne peux pas arrêter mon « stream of thougnt » quand je rédige. J’espèreque tu auras la patience de remettre toutes mes pensées dans l’ordre. Je suis tellement déçu de ce gouvernement américain que j’ai vraiment envie de crier: «enough is enough».
Claude: Ne t’inquiète pas, Ce qui compte ce sont les idées. Le reste n’est pas important. À ce jour je n’ai pas eu de problème.
Mansour: Le temps passe rapidement et aujourd’hui je suis totalement étonné par la rapidité avec laquelle le général Clark est passé en moins d’une semaine, d’un non-candidat, à la tête du peloton des démocrates qui briguent la candidature aux présidentielles prochaines. Je ne suis pas étonné par la réaction immédiate de tout l’appareil de l’extrême droite républicaine pour commencer à détruire la personnalité même de ce nouveau candidat. Le public américain, d’une manière générale, est amoureux de l’image d’un héros. C’est pour cela que les acteurs, même de second ordre comme Reagan, ou Schwarzenegger, ont réussi à se propulser immédiatement à la tête de l’élite politique du parti républicain. Et Clark avec son passé en tant que général et ancien blessé de la guerre du Vietnam devient une célébrité instantanée, pour un peuple américain tragiquement inculte politiquement. Mais malgré son manque de pratique politique, il ne fait pas de doute que Clark est certainement bien mieux préparé à prendre le leadership de ce pays que le pauvre Bush, qui une fois de plus s’est vraiment humilié avec son discours aux Nations Unies. Même le président du Pérou a eu une meilleure présentation que le chef de la plus grande puissance du monde d’aujourd’hui. Je me demande qui lui écrit ses discours. De plus, il ne fait aucun doute que Clark est extrêmement intelligent. Même quand il lui arrive de faire un faux pas devant la presse américaine, il trouve toujours une façon de s’en sortir. «He is quick on his feet» comme on dit en anglais. Tout en sortant du néant, Clark a tout de même réussi à devenir le premier candidat démocratique qui peut battre Bush dans les sondages et cela après moins d’une semaine de campagne électorale.
Claude: Oui Clark est surprenant et vif. Il sait réagir et devient rapidement un politicien. J’espère qu’il saura se rendre au bout du périple. J’ai écouté ti-Bush aux Nations Unies via ma télé. J’en étais gêné pour les Américains. Je ne les comprends pas de ne pas voir la faiblesse intellectuelle évidente de cet homme et son manque de prestance sur la scène mondiale. Il était peut-être bon au poste de gouverneur du Texas, mais il a atteint son degré d’incompétence au niveau national. Quelle horreur !
Mansour: Je ne peux pas prouver scientifiquement que la rentrée de Clark dans l’arène politique a été en grande partie responsable de la chute dramatique de la popularité de Bush. Il y a à peine deux semaines, plus de 60 % du public américain était d’accord avec la décision de Bush de faire la guerre en Irak, aujourd’hui moins de 50% reste favorable à cette décision. Il est vrai que le coup de cette opération suicidaire, aussi bien en vies humaines que financière commence à faire changer l’opinion publique américaine. Mais je crois que l’apparition d’un démocrate, capable de tenir tête aux républicains, sur le domaine de la défense, combinée avec les autres éléments négatifs ont fait péricliter la popularité de Bush. Et si cette tendance continue encore sur plusieurs mois, je me demande même si certains républicains ne commenceront pas à réfléchir sérieusement à présenter un autre candidat que Bush.
Claude: Il est certain que ce que dit Clark est écouté et a un effet momentané. Durera-t-il est la question ? Un coup de vent est vite passé.
Mansour: En tous les cas, je commence à croire sérieusement que Clark, s’il arrive à avoir l’investiture de son parti, aura de grandes chances de gagner les prochaines élections présidentielles. Il est extrêmement photogénique et bien plus intelligent que Bush. Il passe très bien à la télé, ce qui n’était pas le cas avec le pauvre Gore. Mais il a beaucoup de montagnes à escalader avant d’avoir la candidature démocrate. Tout d’abord, je me demande combien il va rattraper tout le temps perdu dans ses efforts de mobilisation de son trésor de guerre. Howard Dean a déjà mobilisé plus de 20 millions $. Ensuite, je me demande comment il pourra entrer en compétition avec les autres candidats démocrates dans le domaine économique et social. Sera-t-il capable de présenter des programmes de relance aussi détaillés que ceux déjà présentés par ses adversaires démocrate ? Il aura besoin de toute l’équipe économique de Clinton pour définir un programme sérieux très rapidement. De plus, il devra absorber tous les détails du programme de relance que ses experts doivent lui préparer très rapidement. Mais les débats vont commencer demain, et je me demande comment il va s’en sortir. Ses adversaires sont tous des démocrates rompus aux batailles économiques et sociales avec les républicains, pour des années sinon des décennies. Pourra-t-il contenir les attaques de John Kerry, de Lieberman, ou mieux encore de Gephardt dans ce domaine. Ces autres candidats démocrates vont tester Clark non seulement dans la sphère économique, mais aussi dans les domaines aussi divers que l’assurance maladie, la survie à long terme du système de sécurité sociale, l’environnement, le droit des homosexuels dans la société, le rôle du système judiciaire dans la défense des droits de tous les citoyens (y compris «the affirmative action» et les quotas). Et si jamais il fait un faux pas quelconque dans ses conversations avec la presse et surtout durant les débats, je te garantis que la presse américaine ira directement vers sa veine jugulaire. Il ne faut jamais oublier que le rôle de la presse américaine c’est tout d’abord de créer des héros, ensuite de tout faire pour les détruire par tous les moyens possibles et imaginables.
Claude: Tu exprimes bien les problèmes qui attendent Clark. Je t’en avais parlé précédemment. La guerre électorale n’est pas la guerre militaire. Clark devra réussir à traverser cette étape importante des débats où il sera pour la première fois devant les des caméras face à des adversaires coriaces qui sont bien calés dans la politique intérieure du pays et les moyens pour désarçonner quiconque s’oppose à eux. S’il traverse cette étape «he is in».
Mansour: Voilà les dangers que le général Clark doit d’une manière ou d’une autre surmonter avant d’avoir l’occasion de confronter Bush pour la présidence de ce pays. Pour le moment, je t’assure que je n’ai aucune idée des chances qu’il a de s’assurer l’investiture du parti démocrate, qui dans le passé a toujours choisi le mauvais cheval (Gore, McGovern,ou Mondale).
Claude: Je dois te dire que je ne suis pas confiant qu’il réussisse. Ce n’est pas facile de faire face à des politiciens rompus dans des débats où les échanges politiques sont vifs. De plus, je ne suis pas en accord avec toi que Gore ait été un mauvais candidat. Il a obtenu 700,000 votes de plus que Bush à l’élection générale. N’eut été de la formule du collège électoral, il serait le président des USA. À mon avis, il a bien fait et a gagné la majorité des votes. Le hasard a voulu que le partage de ces votes ne le favorise pas au niveau du collège électoral. De plus, après l’imbroglio de la Floride, c’est finalement la Cour Suprême américaine avec les juges nommés par le parti républicain qui a décidé du résultat en choisissant ti-Bush, un républicain, pour être le président. C’est, d’après-moi, un vrai scandale.
Mansour: A mon avis, les candidats démocrates les plus intéressants pour moi sont tout d’abord Howard Dean (mais il aura des difficultés à se présenter comme chef des forces militaires de ce pays et surtout il aura des difficultés à communiquer avec les minorités noires et hispaniques qui sont très importantes pour les démocrates). Je crois sincèrement qu’il est le candidat le plus sincère dans ces convictions politiques. Ensuite, nous avons John Kerry. Cet individu a tout pour être un grand président, mais je ne sais pas pourquoi je ne lui fait pas confiance. Voilà, quelqu’un qui a été après tout un militant contre la guerredu Vietnam et en est devenu un héros, et qui quelques décennies après a voté sans remords pour autoriser à créer un autre Vietnam pour les jeunes américains qui se font canarder tous les jours en Irak. De plus, il est trop proche notamment de l’industrie pharmaceutique des USA.
Claude: Je te trouve très dur envers Kerry. Il a un bon profil, a été à mon avis un bon sénateur et un héros de guerre qui au retour du Vietnam a dénoncé cette guerre publiquement. Pour ce faire, il a démontré beaucoup de courage et d’honnêteté car il venait d’être décoré des plus hauts honneurs. D’une certaine façon, il me fait penser à John F, Kennedy. Ne me demande pas pourquoi, car je ne le sais pas. Mais le «feeling» que je ressens est semblable à celui que JFK générait chez moi.
Mansour: Quant à Gephart, je t’avoue que je n’arrive pas à le définir. Tout ce que je sais, c’est qu’il a bâti toute sa carrière politique sur le dos des syndicats américains. Il ne faut pas oublier que cet individu a été un ennemi acharné du traité du libre-échange NAFTA. Si jamais il est choisi par les démocrates pour les représenter aux prochaines élections présidentielles, nous n’aurons qu’un écho constant de toutes les revendications de l’AFL-CIO. Et je ne crois pas que ce sera dans l’intérêt à long terme de cette nation. La mondialisation est là pour toujours. Quelques soient les décisions des USA à court terme, je ne pense pas que le reste du monde retournera de sitôt aux systèmes protectionnistes des siècles derniers. Quant à Lieberman, il n’est ni d’ici ni d’ailleurs. Tout ce qu’il défend en fin de compte, c’est tout d’abord la défense de la politique d’Israël dans son conflit avec les Palestiniens et surtout du système bancaire en général aux USA. Je crois que la base démocratique le rejettera très rapidement. Il parait qu’il a toutes les difficultés à mobiliser des fonds, malgré le fait qu’il se porte comme le défenseur d’Israël par excellence. Il faut croire que la juiverie américaine est bien plus intelligente que ses leaders politiques.
Claude: Gephart et Lieberman sont des candidats à un message. Ils ne sont pas sérieux et ne dureront pas dans cette bataille à neuf candidats. Et je dis cela malgré que j’aime Gephart. Je ne suis pas surpris que les riches juifs américains ne supportent pas Lieberman. Eux comme les autres, aiment les gagnants. D’ailleurs, je n’ai jamais compris pourquoi Gore avait choisi Lieberman comme son colistier. À mon avis, Lieberman est un homme qui manque de sincérité et qui ne parle que pour parler. Il est vide de bons sentiments. Je ne le crois pas honnête intellectuellement.
À la prochaine.
Pas de commentaire