au 8 avril 2004


Ce dialogue analyse la campagne électorale pour les présidentielles algériennes et américaines.

Au 8 avril 2004

Mansour: Effectivement la campagne électorale en Algérie est déjà terminée. Mais je t’avoue que je n’en sais pas plus que toi sur les sujets débattus durant cette campagne. J’ai l’impression que la classe politique algérienne est incapable de réfléchir sérieusement sur les problèmes du pays et surtout présenter des programmes capables de redonner un peu d’espoir à toute notre société. Mais, nous n’avons jamais vécu une campagne électorale aussi active que celle-ci. Même au niveau de notre communauté algérienne à Washington il faut voir ce qui se dit sur l’Internet. Chaque jour, je reçois plus de 20 messages sur l’Internet de la part des algériens qui sont activement engagés dans cette campagne. Cependant les débats ne volent pas très haut. Il y a beaucoup plus d’attaques personnelles que de débats sérieux sur l’avenir de notre société. Même Bouteflika, qui pourtant a géré ce pays depuis 1999 n’a absolument rien de concret à offrir pour les algériens afin de leur redonner un peu d’espoir. On se limite à des généralités, qui sont souvent remises en cause par ses actions du passé. Il parle de démocratie, alors qu’il a fait plus de mal à cette démocratie naissante algérienne que tous ses prédécesseurs. La presse algérienne est plus que jamais bâillonnée. La télévision est devenue la voix du maître. La justice est au service de Bouteflika, plus que jamais. Les autres candidats de l’opposition ne sont guère meilleurs si on considère leur passé politique. D’un côté nous avons Taleb Ibrahimi qui représente la tendance islamiste dans le pays, et de l’autre côté nous avons Benfliss qui représente le FLN historique. Ce dernier évidemment parle d’un nouveau parti FLN, favorable à une véritable démocratie en Algérie. Mais Benfliss a été chef de gouvernement avec Bouteflika, et durant tout son passage au gouvernement il n’a pas donné un signe quelconque de ses valeurs démocratiques. Mieux encore, il est entouré de tout le leadership ancien du FLN, qui a après tout géré ce pays depuis 1962.Que Bouteflika ou Benflis gagne les élections prochaines, je ne pense pas que l’Algérie aura fait un pas sérieux vers une véritable démocratie politique. Et pour redresser économiquement et socialement l’Algérie ce pays a besoin de ses meilleurs cadres, qui malheureusement sont actuellement à l’extérieur du pays. Je t’avoue que je suis plus désespéré que jamais de voir l’Algérie aller dans la bonne voie dans les années à venir. Tout l’encadrement administratif algérien a été réduit au plus petit commun dénominateur. La valeur intellectuelle moyenne de l’encadrement administratif en Algérie n’a jamais été aussi basse, au moment même où ce pays a besoin de ses meilleurs forces vives pour faire face à tous les ajustements structurels qu’il doit mettre en place pour avoir une chance de rejoindre le mouvement de globalisation de l’économie qui est en route depuis des décennies déjà.

Claude: C’est un résumé très triste que tu me fais là. Il semble donc, si je comprends bien, que Bouteflika va gagner. Un autre gouvernement fantoche, qui ne représente pas réellement les Algériens, sera en place. Pauvre Algérie… Où donc est ce chef charismatique, intelligent, honnête et capable dont elle a un si grand besoin? Je comprends aussi que l’armée, qui à ce qu’on m’a dit est contre Bouteflika, ne bouge pas non plus. Est-ce à cause de ti-Bush et de la sympathie qu’il a exprimée à Bouteflika ?

Mansour: Je ne suis pas tellement d’accord avec ton évaluation de la situation politique de Bush ces derniers temps.

Claude: What’s new!

Mansour: Malgré le fait qu’il s’est retrouvé dans des contradictions énormes vis-à-vis de la Commission d’évaluation des événements du 11 septembre sa popularité n’a fait que croître, grâce bien entendu aux«mass-medias» américains, qui lui trouvent toutes les excuses possibles et imaginables de ses actions passées. Mieux encore, même le dénommé Clark, qui pourtant a été son chef de la lutte contre le terrorisme a été mis au pilori par la presse américaine, alors qu’elle n’avait aucune preuve que ce dernier avait menti devant la commission. Voilà un individu qui a toujours été un républicain déclaré, mais dès qu’il accuse un président républicain on lui reproche de faire la propagande pour son nouveau livre, et même de se placer pour avoir un poste important dans l’administration de Kerry.

Claude: Je ne lis pas cela comme ça. Clark l’a frappé dur et bien. C’est un coup qui est très efficace. Il suit celui de O’Neill qui a ouvert le bal et dont le livre est de plus en plus cité par les commentateurs de télé. Celui-là aussi a frappé juste. Il y a le prochain livre de Woodward… qui ne présage rien de bon pour ti-Bush. Il y a la déposition conjointe de Cheney-ti-Bush à la commission 9/11 qui rend les Américains sceptiques à savoir qui est le vrai président de leur pays. Cela démontre la faiblesse du président puisqu’il ne peut répondre aux faits tout seul, comme l’ont fait Reagan, Ford, Nixon qui ont comparu seuls, devant de telles commissions. Quant à moi, je vois que tout s’enchaîne et que petit à petit la crédibilité de ti-Bush s’effrite. D’ailleurs est-ce que les sondages n’indiquent pas cette tendance? Ah ! le parti républicain cherche à désamorcer les attaques, à amoindrir les chocs et est le protecteur de son président qui bafouille de plus en plus à la télé, mais je crois qu’il ne réussit pas à 100% et que ce qui reste dans le subconscient des américains est cette image, cette notion importante que leur président est un petit. Voilà pourquoi je l’appelle depuis longtemps ti-Bush, tu le sais bien.

Mansour: Depuis la parution des derniers chiffres de création de nouveaux emplois, toute la presse américaine ne cesse de claironner les succès de Bush dans sa lutte contre une prétendue dépression économique héritée, bien entendu, de la présidence de Clinton. Que Bush ait causé la disparition pus de 2 millions d’emplois durant son mandat, n’est pas tellement important, dans la mesure que durant tout son mandat, le mois de mars a vu 300,000 emplois nouveaux créés.

Claude: Un mois n’est pas une année. Je vois là la main de Rove son organisateur qui a trouvé moyen de manipuler les chiffres. Je crois fermement que c’est ce qui arrive. Je crains toujours cet homme talentueux en organisation électorale et qui fait tout ce qui est nécessaire pour faire gagner son candidat. C’est un vrai sorcier. Attendons le mois prochain pour juger si les nouveaux emplois sont toujours au rendez-vous et voir si les démocrates ont des explications pour les déprécier. S’ils sont réels, je crois que Kerry aura de gros problèmes. Comme disait l’ex-gouverneur démocrate du Texas, Ann Richards, à Bush père «It’s the economy, stupid !» pour lui rappeler que c’est l’économie qui compte lors d’une élection générale aux USA. Il se fit battre par Clinton suite à la situation de l’économie à la fin de son premier mandat et cela nonobstant le fait qu’il avait réalisé un travail du tonnerre dans la première guerre d’Irak.

Mansour: Même si ces emplois n’arrivent même pas à permettre aux Américains à payer leur loyer mensuel, sans parler de leur santé ou même leurs repas. Le salaire horaire moyen des nouveaux emplois ne dépasse pas 10 dollars. Et crois- moi ce genre de salaire ne permet pas aux Américains de sortir de la misère. J’ai une fille qui travaille temporairement et gagne 10 dollars de l’heure. Je t’assure que si nous ne l’aidions pas financièrement, elle ne serait pas capable de survivre.

Claude: Voilà le vrai problème de l’emploi aux USA que devraient souligner les démocrates avec documents à l’appui. On semble vouloir baisser les salaires aux niveaux du tiers monde. Tout cela fait partie du package de l’économie. Que ce soit le chômage, le niveau des salaires, les fermetures d’usines, le marasme économique qui envahit de jour en jour des milliers de familles américaines, tout cela, est l’épée de Damoclès sur la tête de ti-Bush…et je suis convaincu que le jour venu, le jour des élections, elle se détachera et il aura le sort qu’il mérite. À moins que son organisation réussisse à laisser croire que l’économie est en bonne santé.

Mansour: Ceci étant dit, je pense que Kerry a encore des chances de battre Bush aux prochaines élections, car il y a tout de même énormément d’Américains qui détestent Bush. De plus la situation en Irak ne fait que se détériorer.

Claude: Donc, nous sommes d’accord. Ce que tu mentionnes est une autre vérité qui fait mal au président. Une grande partie de la population le hait. C’est un phénomène rare aux USA. Rarement vu au Canada. On peut être contre parce qu’on est de l’autre parti ou que l’on n’est pas satisfait des politiques passées d’un politicien, mais on ne hait pas un homme pour cela. Ti-Bush a trouvé moyen par son arrogance, son incompétence, ses mensonges, ses fabrications à se faire haïr. Il est probablement cuit…


A très bientot.