Avant-propos


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Certaines histoires du Québec contemporain n’ont pas été racontées mais méritent de l’être. Des histoires autres que celles de la politique ou des mœurs sociales, mais riches d’enseignement elles aussi, et capables de façonner l’avenir pour peu qu’elles trouvent un écho dans notre tête et notre cœur.

Au terme de sa longue et fructueuse carrière, Robert Savoie ressuscite un passé qui fait plaisir à revivre : le bon temps d’avant l’immense explosion des médias. Il témoigne de l’époque encore proche où l’on n’imaginait pas la vie culturelle sans les chanteurs d’opéra. Il y a quarante ans – les lecteurs d’âge mûr s’en souviennent – les grandes voix québécoises faisaient vibrer les ondes de notre radio et de notre télévision. Elles animaient les manifestations populaires, résonnaient dans les églises. Les gens de tous les milieux se reconnaissaient dans les «chanteurs à voix», dont l’art est si porteur d’énergie et d’ardeur à vivre.

Robert Savoie se fait aussi le porte-parole de milliers d’amateurs de beau chant quand il déplore la perte au Québec d’un magnifique capital de chanteurs. Cette perte, à son avis, n’est pas irréparable, heureusement. Il est encore possible de rattraper le temps perdu si l’on s’en donne les moyens. Pour reconstituer notre relève lyrique, soutient l’auteur, il faut ouvrir les horizons professionnels et transformer l’enseignement. Une pleine vie d’observations et d’expérience se résume dans ces pages.

Mais surtout, le récit de Robert Savoie fait voyager, rêver. Dates, faits, anecdotes amusantes, tout concourt à révéler un homme généreux, énergique, attachant et engagé. Ses Mémoires sont une chronique personnelle joyeuse, colorée par l’humour, le goût puissant pour la vie, l’énorme besoin de faire bouger les choses qui caractérisent sa forte personnalité. Les mélomanes n’en seront pas autrement surpris. Les quatre-vingt-dix rôles qu’il a joués sur scène ont déjà, peut être, tout dit de lui…

Comme il arrive si souvent aux artistes pérégrinateurs, la vie intime de Robert Savoie a connu des heurts. Le couple qu’il a longtemps formé avec sa première femme, Aline, s’est fissuré, puis s’est rompu sous la pression des séparations prolongées.

Je suis devenue sa compagne, il y a une douzaine d’années. Depuis, j’ai voyagé avec lui, j’ai chanté avec lui. J’ai partagé sa passion pour l’enseignement et son enthousiasme pour la cause de l’opéra. J’ai admiré l’extraordinaire étendue de ses connaissances musicales. À la fin, c’est le sentiment de son mérite d’artiste et d’homme qui a nourri chez moi l’intense plaisir de l’appuyer dans la rédaction de ses Mémoires.

Je regrette seulement de n’avoir pas réussi à traduire en mots – est-ce même possible – le son de la voix parlée de Robert Savoie quand il évoque ses souvenirs. À défaut, je prie les lecteurs de bien vouloir imaginer le timbre roulant et grave de l’extraordinaire faconde de cet artiste qu’ils sont si nombreux à connaître, à admirer, à aimer.

Michèle GAUDREAU

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