Le mécanisme de la voix


Le mécanisme de la voix

En premier lieu, je dis et je maintiens qu’une belle vous: un don du Ciel, comme de bons yeux. Pour devenir chanteur, il faut venir au monde avec une bonne oreille et une bonne voix. L’appareil vocal et auditif se forme à partir de la conception comme le reste. On «atterrit» dans la vie avec des cordes vocales qui sont faites pour chanter ou bien ne le sont pas. En un mot, on l’a ou on ne l’a pas.

Celui qui est né pour être chanteur commence d’habitude à chanter très jeune pour son plaisir, et cela même si le milieu familial ne l’y prédispose pas particulièrement. Il y est poussé, comme par une seconde nature. Il finit même, dans certains cas, par aller trouver un chanteur et lui dire: «Je veux apprendre le chant» …

Essentiellement, le chanteur d’opéra doit apprendre à reproduire la technique vocale du nourrisson, qui « jette» le son dans ses résonateurs – les sinus – en l’« appuyant» sur son diaphragme. À l’âge adulte, apprentissage relève de l’exploit. Il faut apprendre synchroniser consciemment et parfaitement deux mouvements qui sont normalement involontaires: la PROJECTION du son dans la voûte de son palais, qui s’obtient par un placement correct de la voix dans le masque (on la sent vibrer dans le visage, le fond de la bouche, derrière le nez) et l’APPUI, c’est-à-dire la pression du souffle entre~ par les muscles abdominaux (ceux-ci deviennent à la longue durs comme de l’acier). C’est à ces deux extrémités, fond de la bouche et ventre, que tout se joue, pas au niveau des cordes vocales. Chanteurs, laissez vos cordes vocales, tranquilles, vous ne ferez que les abîmer!

Voici en gros comment les choses se passent. Les cordes vocales se trouvent dans le larynx, c’est-à-dire à la hauteur de la pomme d’Adam. Sous l’effet de l’air qui monte des poumons, elles se mettent à vibrer. Cependant cette vibration n’est pas sonore; elle ne produit qu’une espèce de bruissement, de petit «bzzz» qui, lui, résonne dans tout le conduit vocal: gorge, langue, palais, cavité de la bouche, sinus, nez. (De la même façon, les lèvres du trompettiste, en se fermant sur l’embouchure de l’instrument, font un« bzzz» qui ensuite résonne dans le corps de la trompette.) C’est cette amplification dans les résonateurs qui produit le TIMBRE individuel de toute voix, parlée ou chantée.

La PUISSANCE de la voix, quant à elle, repose sur le travail des poumons, de la cage thoracique et abdominale, des muscles du dos et de la poitrine. Ce sont eux qui mettent en branle et contrôlent le débit de l’air entre les cordes vocales. Et ce sont eux qui doivent fournir l’effort requis pour parler ou chanter. Nous, les chanteurs, appelons cette fonction l’appui. Les gens ont toutes sortes de problèmes de voix parce que leur appui est déficient et qu’ils compensent cette faiblesse en forçant leur larynx.

Lorsqu’une note chantée n’est pas satisfaisante, on doit la corriger en ajustant soit le placement, soit l’appui, ou encore les deux à la fois. Un peu comme le conducteur d’une voiture manuelle apprend à coordonner le mouvement de ses deux pieds sur les pédales.

J’ajoute, à l’intention des chanteurs, qu’il n’y a pas d’intervalle musical dans la voix. Les intervalles existent sur les partitions, pas dans les cordes vocales. Quand on aperçoit dans la musique un écart entre une note grave et une note aiguë (avec frayeur, d’habitude !), on a tendance à imaginer un gouffre entre les deux. Résultat: on étire le cou pour «chanter haut» et on coince ses cordes vocales, ce qui les empêche de vibrer librement. Les fameuses «notes de passage» présentent des difficultés pour la même raison. Je répète: quand on projette dans les résonateurs une voix bien appuyée, les cordes vocales ne subissent aucune pression indue et la voix se développe presque indéfiniment pendant toute la vie adulte.