Pascal


Pascal

À mon avis, l’âge idéal pour commencer à apprendre le chant est dix-sept ans pour les femmes et dix-huit pour les hommes.

Il y a quelques années, j’ai rencontré à Ottawa un jeune garçon de onze ans qui chantait dans Amahl et les visiteurs du soir de Menotti aux côtés de Michèle, qui jouait la Mère. Dans cet opéra traditionnel de Noël (l’un des rares où le principal protagoniste soit si jeune), Pascal jouait le rôle-titre. L’enfant chantait juste, il jouait bien, il était intelligent, beau, bref il «l’avait». À la fin d’une des représentations, je lui ai demandé s’il avait l’intention de faire carrière dans le chant. Sa réponse fut très spontanée: «Oui! »

L’année suivante, même scénario. La compagnie Opera Lyra le réengage dans le rôle. Il a maintenant douze ans. Le jour de la dernière, sa mère me demande si je veux bien donner des leçons à Pascal.

«Oui, bien sûr, Madame. Votre fils a un superbe talent. Mais je ne lui enseignerai pas maintenant.

– Vous n’avez pas le temps?

– Non, il est beaucoup trop tôt. Attendez qu’il ait 18 ans et on verra.

– Vous n’y pensez pas, monsieur Savoie! Six ans, Pascal ne pourra jamais patienter si longtemps! – Ah, mais il le faut!

– Pourquoi?

– Parce que sa voix n’a pas mué. Son instrument n’a pas atteint la maturité physique.»

Je fais alors promettre à la mère de ne pas faire prendre de cours de chant à Pascal avant plusieurs années, quelle que soit l’insistance de son fils. Il peut chanter tant qu’il veut pour son plaisir, mais pour ce qui est de la formation technique, mieux vaut attendre.

«D’accord, finit-elle par dire. J’ai confiance en vous. Mais donnez-moi vos coordonnées s’il vous plaît.»

Un beau soir de l’hiver 1996, je reçois un coup de fil à la maison.

«Bonsoir, monsieur Savoie. C’est Martine Charbonneau.

– Madame qui?

– La mère de Pascal, l’enfant dans Amahl.

– Ah oui!

– Il a dix-sept ans et demi. Peut-il commencer à travailler avec vous? »

Devant tant d’ardeur, je me mets à rire. Puis nous prenons rendez-vous tous les trois.

Pascal a beaucoup grandi, il parle avec sa voix d’homme, mais son visage est le même et ses yeux ont gardé tout leur éclat. Je l’écoute chanter une mélodie de Fauré, puis je teste son registre. Il est ténor.

Lentement, sûrement, si tout va bien, Pascal deviendra, chanteur.