La vice présidence nationale


Le Congrès de la Chambre de Commerce des jeunes du Canada a lieu à Hamilton, en Ontario, les 28-29-30 juin et le 1er juillet 1959. La Jeune Chambre de Montréal y est bien représentée pour trois raisons: Charles Blais de Québec est candidat à la présidence nationale, elle est en compétition pour obtenir la tenue du congrès de 1961 dans la métropole et Claude a décidé de briguer les suffrages au poste de vice-président national. Le dernier Canadien français à diriger le Jeune Commerce national fut Antoine Desmarais, ex président de la Jeune de Montréal, pour le mandat 1940-41.

La délégation du Québec est exceptionnellement nombreuse et dépasse les 100 membres. Les délégués officiels de Montréal sont Claude, Alban Coutu et Yves Lavigne. Quelques-autres les accompagnent. Jean-Paul Lucchési et son équipe sont là et s’occupent de la promotion de Montréal comme site du congrès ‘61. Si la Chambre l’emporte, il en sera l’organisateur.

Charles Blais a plusieurs années de service dans le mouvement. Président de la Chambre de Commerce des Jeunes du Québec, il est vice-président national et bien apprécié par les Jaycees canadiens. C’est un ingénieur associé dans une entreprise importante de construction à Québec, un homme souple qui sait écouter et diriger. Il est très populaire.

Tout comme au congrès de Victoria, il y a beaucoup d’enthousiasme et le congrès d’Hamilton est des plus intéressants, même s’il ne se déroule pas dans un endroit aussi enchanteur.

Plusieurs candidats à la vice-présidence nationale sont sur les rangs pour combler les 6 postes. Presque toutes les provinces ont des aspirants. Trois viennent du Québec, deux de l’Ontario… au total une quinzaine. Les trois du Québec sont Paul Lacoursière le président sortant-de-charge de la Fédération du Québec, Robert Mackay de Québec et Claude. Celui-ci est surpris de ces dernières candidatures d’autant plus que Blais l’encouragea fortement à briguer les suffrages. Il hésite à maintenir sa candidature mais finalement décide de foncer. De son côté, Blais qui brigue la présidence a aussi un adversaire d’envergure.

Toutes les provinces sont réunies en caucus et les candidats doivent en faire le tour pour se présenter, livrer leur discours et répondre aux questions. Le nombre de participants dans chaque caucus varie de 50 pour les petites provinces à 150 pour l’Ontario, mais ils n’ont pas tous droit de vote car seuls les délégués officiels ont ce privilège. Le caucus du Québec vibre d’enthousiasme surtout à cause de la candidature de Blais. Claude aime la procédure des caucus qui précèdent les discours des candidats devant l’assemblée générale. Il est très à l’aise dans ces salles trop petites pour le nombre de personnes présentes, enfumées, réchauffées et cette atmosphère bruyante mais disciplinée, qui l’excitent et le motivent. Les Jaycees ne réagissent pas aux commentaires des candidats, mais accordent à chacun un applaudissement nourri à la fin de sa prestation ce qui fait en sorte qu’il n’est pas certain d’avoir marqué de points. C’est une expérience unique. Claude remarque qu’il n’a aucun trac et en est surpris.

Tout commence au caucus du Québec où Claude est bien accueilli mais il constate que «la claque» est plus forte pour Blais (c’est normal, pense-t-il) et pour Lacoursière et Mackay que pour lui (c’est vrai qu’il vient de Montréal et ce fait en influence plusieurs). Mais qu’importe, Claude ressent qu’il aura beaucoup de votes et se concentre sur les caucus des autres provinces où il a un avantage particulier à cause de la qualité de son anglais parlé. Il parle cette langue car peu de Jaycees comprennent le français. Il n’y a pas de traduction simultanée dans les caucus contrairement à ce qui existe aux salles de comités et à l’assemblée générale. Cela fait l’affaire de Claude car il n’aime pas parler en français à des Anglais pour la simple raison que la traduction simultanée est disponible. Il aime bien leur parler directement dans leur langue puisqu’il considère que la traduction atténue la conviction qu’il projette dans ses propos. Seuls les Acadiens du caucus du Nouveau-Brunswick lui posent des questions en français, mais ils sont minoritaires même dans leur caucus.

Claude s’occupe aussi activement de la promotion pour l’obtention du congrès ’61. Le choix d’une ville hôte est toujours une bataille en règle au congrès et cette année n’est pas différente. Le dossier est complet et met en évidence tout ce que Montréal a à offrir aux délégués qui y viendront. Il comprend en plus les lettres d’invitation du maire, du Premier ministre du Québec, de la Chambre senior, de l’office d’initiative économique et touristique de Montréal, même de Boom Boom Geoffrion. Chaque délégation doit être rencontrée lors des caucus. Stratégiquement, Claude laisse l’initiative à Alban Coutu pour prendre la relève lors de la présentation du dossier de la Chambre aux caucus et à l’assemblée générale. Lucchési, Lavigne et les autres sont tous de la partie et cabalent très fort pour Montréal.

Le lendemain, c’est la période des discours officiels suivie de la votation. Charles Blais est élu avec une forte majorité président national des Jaycees, les trois candidats du Québec à la vice-présidence sont élus à la surprise de tous, les candidats de l’Ontario sont ignorés. Don LeBlanc d’Halifax est élu à la vice-présidence ainsi que Gerry Woodside de la Colombie-Britannique, Clayton Reeves d’Alberta et William A. Bailey du Manitoba. Sur neuf membres de l’exécutif, quatre sont du Québec.

Les délégués, en grande majorité, choisissent Montréal pour ’61. L’exceptionnelle présentation de la Jeune Chambre de Montréal a impressionné les délégués.

C’est une convention où tout s’est bien déroulé pour le Québec.

Le lendemain du congrès, Blais convoque sa première assemblée de l’exécutif à Hamilton. Tous les élus se rassemblent et sont heureux de leur nouvelle responsabilité. Blais est embêté par le fait qu’il n’y a pas de représentant de l’Ontario dans son exécutif. C’est la province qui a le plus de membres Jaycees dans le Canada et il déplore le fait qu’aucun de leur candidat n’ait été élu. LeBlanc représentera les Maritimes, Woodside, Reeves et Bailey l’ouest canadien, les francophones le Québec. Il décide, Claude sera le vice-président pour l’Ontario. Celui-ci sursaute. Il est surpris et hésite. Ce rôle exigera de participer à l’assemblée mensuelle de la Fédération ontarienne sans compter les activités où il sera invité. En plus des réunions de l’exécutif et du conseil de la Jeune Chambre canadienne, cela fera beaucoup de voyages à l’extérieur de Montréal et du Québec. Il réfléchit car son bureau d’ingénieurs nécessite sa présence, de plus en plus. Mais Blais insiste et finalement, Claude accepte. Le voilà vice-président national des Jaycees de l’Ontario. Qui aurait cru !

L’année suivante, le congrès national à lieu à Saskatoon, en Saskatchewan et Claude est à nouveau candidat. Il est réélu vice-président national avec Gino Petrocco, Reginald H. Dorrett, Arthur Murray et William Bailey. Don LeBlanc est le nouveau président. Seul vice-président du Québec, il devient responsable pour sa province. Le président de la fédération Jean-Guy Murphy de la Jeune Chambre de Valleyfield, siège au conseil d’administration avec Claude Bisson qui y est nommé. Charles Blais est le président sortant-de-charge.

Claude est choisi délégué au XV congrès international JCI à Paris, France, du 11 au 20 novembre 1960 et représente le Canada. C’est son premier voyage en Europe. Il est invité, entre autres, comme conférencier devant la Jeune Chambre Économique de Nice.

En 1961, le congrès national se tient à l’hôtel Mont-Royal à Montréal. Claude ambitionnait depuis ses premiers jours dans le mouvement de devenir président national mails il a décidé de ne pas se présenter à ce poste à cause de son travail professionnel qui l’occupe de plus en plus. Il ne voit pas comment il pourra parcourir le grand Canada, réussir à servir ses clients en même temps et s’occuper adéquatement de sa famille.

Dans la semaine qui précède le congrès, plusieurs délégués du Québec, avec à leur tête Claude Bisson président de la Jeune Chambre des Trois-Rivières, lui suggèrent de reconsidérer sa décision et d’accepter d’être candidat à la présidence nationale. Il hésite. Finalement, devant les pressions, il accepte et met sur pied un comité de campagne. Le congrès s’avère un grand succès à cause du grand nombre de délégués mais aussi de l’excellente organisation de Jean-Paul Lucchési. Montréal est vraiment une ville qui attire les jeunes Canadiens. Reginald H. Dorrett est aussi candidat à la présidence. Claude ne montre pas son enthousiasme normal et ressent qu’il se présente vraiment à contrecœur. Il fait, malgré cela, une bonne campagne et le grand nombre de Québécois, présents au congrès, l’aident beaucoup. Il fait le tour des caucus des provinces mais ce n’est pas comme les années précédentes: il n’a pas le feu sacré. Lors d’un dîner des délégués, Boom Boom Geoffrion, le joueur étoile du club de hockey «Les Canadiens» est présent et demande à prendre le micro. Il pointe vers l’immense photographie de Claude accrochée au mur de la salle de Bal et dit aux délégués: «That’s your man, I know him and he is a good man !». Quelle surprise ! Claude est abasourdi et flatté que Boom Boom ait posé ce geste qui lui rappelle son temps au Mont-Saint-Louis alors qu’il était son compagnon de pool. Cela le fouette et il travaille plus fort. Mais il est défait et Dorrett est élu président national. Claude est déçu tout en étant soulagé car il ne voyait pas comment il aurait pu faire continuellement le tour du Canada pour visiter les Jaycees, être un ingénieur présent pour ses clients et ne pas négliger sa famille.

Sa vie de membre de la Jeune Chambre, de Jeune Commerce comme on dit alors, ou de Jaycee comme disent les Canadiens anglais, vient de se terminer. «It was a very good ride» en conclut son ami Ed Culkin. Il a maintenant 29 ans.

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