L’Association Nationale triomphe


Mais revenons à nos deux circuits. L’Association Nationale faisait bien et attirait de très bonnes foules mais il n’en était pas de même dans l’Association Canadienne. On reprit donc les rumeurs de fusion des deux circuits, fusion qui s’opéra au cours d’une assemblée tenue au Windsor, le 15 janvier. Le 17,on lisait dans un journal local:

« L’ASSOCIATION NATIONALE TRIOMPHE » avec en sous- titres: « Les Ottawas et Shamrocks abandonnent la Canadienne et se joignent à la rivale. 7 clubs. Québec abandonne.All-Montreal débandé. »

A l’assemblée en question, l’Association Nationale accepta les clubs Shamrocks et Ottawa. Le National, représenté à la réunion, fut prié d’en venir à une entente avec le Canadien, s’il le désirait.

Cette entente ne devait pas se faire car le National n’était pas prêt à assumer les obligations de $9,000 du Canadien, dues, selon Jack Laviolette et plusieurs autres, à J. Amorose O’Brien, de Renfrew, et non à Thomas Hare comme on l’a cependant rapporté dans les journaux du temps.

SEPT CLUBS

On décida d’un nouveau calendrier de parties avec les sept clubs mais on fit compter les parties jouées le samedi par l’Ottawa et les Wanderers. Outre ces deux clubs, l’Association comptait maintenant dans ses rangs, le Shamrock, le Canadien, le Renfrew, le Cobalt et le Haileybury.

Etaient présents à l’importante réunion: W. P. Lunny, P. Kennehan, J. Baskerville, D’Arcy McGee, Adolphe Lecours, Nap. Dorval, Fred Strachan, R. Baon, Tommy Hare, Wildy Young, C. G. Foster, J. A. O’Brien et J. G. Barnett.

POUR LA COUPE STANLEY

Avant de passer à la fin de la saison, disons que le 18 janvier, l’Ottawa, qui détenait la coupe Stanley depuis l’année précédente, joua pour ce trophée contre un club d’Edmonton. Le Gatt fut aussi opposé à l’Ottawa.

Dans le temps, on procédait bien différemment d’aujourd’hui.

D’abord, le club qui remportait les honneurs du championnat dans l’Est du pays devenait de fait détenteur du trophée et, ensuite, soit dans la même saison, soit dans la suivante, il répondait aux défis lancés par tel ou tel club de l’Ouest, de l’Ontario ou des provinces Maritimes. L’Ottawa défendit donc la coupe Stanley avec succès contre l’Edmonton par ses victoires de 8 à 4 et 13 à 7.

Le 5 mars, les Wanderers de Montréal, en battant l’Ottawa, obtenaient le championnat de l’Association et devenaient les détenteurs de la coupe Stanley. Ils avaient affiché une grande supériorité jusque-là et ils continuèrent ainsi jusqu’à la fin de la saison pour ne perdre qu’une partie dans les 12 au calendrier.

Répondant à un défi du club de Berlin, Ontario, aujourd’hui Kitchener, qui convoitait la coupe Stanley, les Wanderers l’emportèrent pour conserver ainsi le trophée.

La conquête de la coupe Stanley par les Wanderers constituait, ni plus ni moins, un désastre pour le Renfrew, ses dirigeants et ses supporteurs, car ce club comptait dans ses rangs des joueurs obtenus à coups d’argent et à forts salaires, comme les frères Lester et Frank Patrick, comme les Lindsay, les Taylor, les Lalonde. Ce dernier était passé au Renfrew, le 16 février, alors que le Canadien continuait.de connaître l’insuccès et qu’on avait désespéré d’arriver à des honneurs quelconques.

Le fait est que, dans toute la saison, le Canadien ne gagna que deux parties pour terminer en toute dernière position, en arrière du Shamrock, 3 victoires, 8 défaites; Haileybury 4-8; Cobalt 4-8; Renfrew 8-3; Ottawa 9-3, Wanderers 11-1.

* * *

Jack Laviolette, qui trouvait de plus en plus difficile de jouer et de diriger en même temps, confia la gérance du club à Cattarinich. C’était le 28 janvier 1910. Teddy Groulx devint le nouveau gardien de buts. Séguin, anciennement du National, garda cependant les buts pendant quelques parties, de même que Cattarinich qui revint au jeu à la fin de la saison.

L’automne suivant. à la première partie, Georges Vézina était dans les filets pour le Canadien et il devait y rester jusqu’au mois de novembre 1925, comme relaté auparavant.

RÉORGANISATION À L’AUTOMNE

Le hockey avait donc été lancé sur une haute échelle, en cette saison de 1909-10. Cependant, on avait dû en venir à la fusion des deux circuits du début. A l’automne, le Shamrock de Montréal ainsi que le Cobalt et le Haileybury, se retirèrent. On accepta un club de Québec, celui des Bouledogues. C’est dire que l’Association fut formée avec les clubs suivants: Québec que nous venons de mentionner, Canadien, Wanderers, Renfrew et Ottawa.

LE CLUB ATHLÉTIQUE CANADIEN

Au sujet du Canadien, il y avait du nouveau. Il n’était plus question du fondateur Jack Laviolette, ni d’Ambrose O’Brien ou de T. H. Hare comme des actionnaires ou principaux intéressés. Cette fois, c’était le Club Athlétique Canadien qui faisait une demande de franchise et d’admission. Ce club était représenté à l’assemblée du 12 novembre par Adolphe Lecours, ancien président du National, et par George Kennedy, dont le véritable nom était George Kendall . C’est peu après qu’on vit les trois lettres « CAC » sur le chandail du Canadien. Le club était maintenant appuyé par une puissante organisation qui venait de faire une grande campagne de recrutement et de souscription de capital..

Il fut question de hockey international avec des clubs de New-York et de Cleveland. Le hockey international avait déjà existé, pendant plusieurs années, avec les clubs suivants: Sault Ste-Marie canadien, Sault Ste-Marie américain, Pittsburgh, Houghton et Calumet. Dans ce circuit avaient joué et brillé Didier Pitre et Jack Laviolette, ce dernier en particulier. En effet, dans une équipe d’étoiles, après une saison, il fut choisi à cinq positions dont celle même de la garde des buts. Ce n’était pas un mince honneur.

Pour revenir à l’Association, l’ouverture fut décidée pour le 31 décembre avec les clubs Ottawa et Canadien à l’oeuvre, à l’Arena de Westmount. C’est là que le Canadien et les Wanderers avaient décidé de jouer toutes leurs parties. Ils devaient rester là jusqu’au 2 janvier 1918, alors qu’un incendie venait détruire cette bâtisse, moderne dans le temps, et répondant bien aux exigences du hockey. Le Canadien devait retourner au Jubilee pour quelques mois, après l’incendie, avant de passer à l’Aréna Mont-Royal, en 1919, puis au Forum, dont le 25e anniversaire de fondation fut célébré en 1949.

NOUVEAUX RÈGLEMENTS

Le fait à souligner, à l’automne 1910, outre la réorganisation de l’Association, est bien l’adoption de quelques changements importants aux règlements.

TROIS PÉRIODES DE 20 MINUTES

On décida de remplacer les deux périodes de 30 minutes par trois de 20 minutes. On décida d’un repos de 10 minutes entre chaque période. Enfin, on adopta le changement facultatif des joueurs dans les deux premières périodes avec la restriction qu’un joueur remplacé ne pouvait revenir au jeu. On adopta aussi la limite de $5,000 par club pour les salaires des joueurs!

En 1910-11, l’Ottawa remporta le championnat et le classement final fut le suivant; Ottawa, 13 parties gagnées, 3 parties perdues, 122 buts pour, 69 contre; Canadien, 8·8-66-62; Renfrew, 8-8-91-101; Wanderers, 7-9-73-88; Québec, 4·12-65-97.

Au printemps de 1911, l’Ottawa était donc détenteur de la coupe Stanley parce qu’il avait terminé en avant des Wanderers dans le classement. Il conservait par la suite le trophée, en gagnant contre le Port Arthur et contre le Galt qui lui avaient lancé un défi.

IMPORTANTS CHANGEMENTS

A l’automne de 1911, d’autres importants changements aux règlements furent adoptés:

Abolition de la position de « rover », c’est-à-dire, réduction de 7 à 6 du nombre des joueurs d’une même équipe sur la glace;

Port d’un numéro sur le costume de chaque joueur pour fin d’identification;

Remplacements ou changements des joueurs pendant toute la joute;

Adoption d’un nouveau filet inventé par Percy LeSueur, gardien de l’Ottawa. Disons ici, que le filet était tout de même dans le genre de celui inventé en 1909 par Bill Northey, un de ceux qui a le plus contribué aux développements du hockey depuis quelque 50 ans. Bien avant, il n’y avait que deux poteaux sans filet.

A l’assemblée du 11 novembre, à l’Hôtel Windsor de Montréal, on décida d’accepter un club de Toronto qui devait porter le surnom Arenas. Après le départ du Renfrew, on admit même un deuxième club de Toronto, le Tecumseh. Le Renfrew décida de se retirer parce qu’on lui avait refusé la division des recettes 60-40 et, surtout, parce que ses dépenses étaient beaucoup trop considérables pour les forts salaires payés aux joueurs. C’était le 3e club d’Ontario qui quittait le hockey professionnel et qui n’y devait pas revenir, pas plus que le Cobalt et le Haileybury.

L’inscription d’un club ou de clubs de Toronto fut cependant remise lorsqu’on apprit que la patinoire de cette ville ne serait pas prête avant février. On décida donc de continuer les activités à quatre clubs: Québec, Ottawa, Wanderers et Canadien. Notre club était sous la gérance de Napoléon Dorval et le capitaine était Jack Laviolette.

La lutte fut contestée, cette saison-là, et si le Canadien termina en dernière place, il faut tenir compte du fait que deux parties seulement le séparaient du Québec en première, soit comme suit: Québec, 10 gagnées, 8 perdues; 81 buts pour, 79 buts contre; Ottawa, 9-9-99-93; Wanderers, 9-9-95-96; Canadien, 8-10-59-66.

Ce printemps-là, les Bouledogues de Québec s’assurèrent de la coupe Stanley. Ils la conservèrent en l’emportant sur le Moncton des Provinces Maritimes avec les joueurs suivants: Paddy Moran, Joe Malone, Goldie Prodgers, Joe Hall, W. Rooney, J. Marks, J. McDonald, Eddie Oatman, J. Quinn, gérant, D. Béland, entraîneur; C. Nolan, instructeur.

JOUEURS CANADIENS-FRANÇAIS

Ce fut dans ce temps-là qu’on adopta l’important principe que les clubs anglais de l’Association ne pourraient engager aucun joueur canadien-français sans la permission du Canadien qui, d’autre part, devait obtenir un semblable permis pour l’engagement de joueurs anglais. Faisons remarquer à ce sujet qu’une sorte d’entente régna toujours dans l’Association et même, pendant un temps, dans la Ligue Nationale qui suivit, à l’effet que si tout le monde pouvait engager des joueurs anglais, les Canadiens français étaient comme réservés au Canadien.

En 1912, on décida de permettre au Canadien, sans demande, deux joueurs de langue anglaise tandis que les clubs anglais, eux, avaient le même privilège pour deux joueurs de langue française.

Cette entente ou cet arrangement continua d’exister au moins tacitement jusqu’en 1925, alors qu’au cours d’une assemblée de la Ligue Nationale, le 11 avril, l’habile Léo Dandurand obtint pour le club Canadien l’exclusivité des droits sur tous les Canadiens de langue française. Ce privilège fut reconnu jusqu’au jour où les Rangers firent signer Phil Watson, en 1935. Ce dernier était bien Canadien français par sa mère mais il était Anglais par son père. Le fait est que, dans le temps, Watson savait à peine quelques mots d’anglais. Cependant, on a rapporté que Watson fit parvenir au gérant des Rangers, Lester Patrick, une lettre disant qu’il était Anglais comme son nom l’indiquait. Phil avait dû se faire à l’idée que jouer sur le Broadway, dans la grande ville de New York, était quelque chose. C’est cette lettre que Patrick montra aux gouverneurs de la Ligue lorsqu’Ernest Savard, qui venait d’être élu président du Canadien, se mit à protester violemment. Watson resta donc aux Rangers et, à cause de la discussion qui avait suivi, il ne fut plus jamais question de nationalité lors de l’engagement d’un joueur, soit par le Canadien, soit par un autre club de la Ligue.

Dans la suite, à cause de certaines conditions provoquées par l’état de guerre, Watson finit par revenir aux Canadiens. Ce ne fut que pour une saison. Il retourna au club de New York pour terminer en 1947-48 une brillante carrière professionnelle commencée en 1935-36. Avec le Canadien, il avait compté 17 buts et obtenu 32 assistances pour un total de 49 points. Dans toute sa carrière dans la Ligue Nationale, Watson a compté 144 fois, obtenu 265 assistances pour un total de 409 points. Dans les séries de la coupe Stanley, Watson enregistra 10 fois dont 3 pour le Canadien et il obtint 25 assistances, dont 5 avec le Canadien.

On sait que c’est ce même Watson qui a été nommé, à l’automne de 1955, instructeur des Rangers. C’est donc dire qu’il est de nouveau retourné à New York où il avait été aussi comme instructeur du club amateur des Rovers avant de passer au Citadelle et au Frontenac de Québec.