La guerre s’intensifie


  1. Les Russes, désormais bien armés, entrent en Pologne. Le 17 janvier, ils s’en prennent enfin aux positions allemandes à Leningrad. La ville est libérée en une semaine. C’est la fin du siège le plus long de la guerre, 872 jours, durant lequel 1,8 millions de civils et militaires soviétiques sont morts, les Allemands perdant de leur côté 200,000 hommes. Claude visitera Leningrad trente-sept ans plus tard. Il restera sans voix à la vue de ces immenses cimetières et des centaines de grandes fosses communes où les citoyens de cette ville martyre sont ensevelis. L’armée russe entreprend une nouvelle grande offensive sur le front biélorusse. Elle libère la Crimée.

Les Alliés entreprennent alors de bombarder méthodiquement les villes allemandes. Les unes après les autres, celles-ci découvrent l’enfer au quotidien. Rappelons pour mémoire le largage de trois mille tonnes de bombes sur Hambourg pendant cinq jours consécutifs. La ville est complètement détruite par un incendie. 42,000 civils allemands y trouvent la mort. Berlin est bombardée pour la première fois, de jour.

Pour arrêter la progression des Alliés remontant du sud de l’Italie, les Allemands établissent la ligne Gustav, à 130 kilomètres au sud de Rome. Cette ligne traverse complètement la péninsule d’ouest en est. Toutes les troupes allemandes se trouvant au sud et qui ne parviennent pas à tenir tête aux Alliés ont reçu l’ordre de se retrancher sur des positions prédéterminées. La ligne traverse la ville de Cassino, avec son Monte Cassino, une montagne de 550 mètres d’altitude qui domine la vallée où Saint-Benoît a établi son premier monastère en 529. C’est un monument unique et un chef d’œuvre d’architecture. Il se trouve à l’origine de tous les monastères bénédictins du monde. Heureusement, les Allemands n’occupent pas le monastère. L’interruption de l’avance alliée en novembre, en raison d’une météo hivernale, va favoriser la défense des Allemands qui en profitent pour creuser dans le roc d’innombrables repaires dans les flancs de la montagne. Ils disposeront ainsi d’un avantage stratégique pour lancer leurs attaques.

Le premier assaut des Alliés, le 22 janvier 1944, est infructueux. Ils subissent de lourdes pertes. Le deuxième assaut, le 15 février, débute par un bombardement allié intense. Le monastère est bombardé. Il sera complètement détruit. Les protestations internationales s’élèvent immédiatement devant la destruction de ce chef d’œuvre de l’art religieux (heureusement les Allemands avaient transporté tous les trésors et les pièces d’art dans un endroit sûr, au nord). Mais les ruines transforment le monastère en une excellente forteresse pour les Allemands. Les troupes alliées attaquent de tous côtés. Les pertes sont encore très lourdes et l’assaut est infructueux. Le troisième assaut est lancé le 15 mars. Il commence par un bombardement. Suit une série d’attaques terrestres. La ville de Cassino est détruite. Encore une fois, après quelques succès mais beaucoup de morts, les Alliés se retirent.

Le quatrième assaut, le bon, est lancé le 11 mai. Les Alliés lancent l’opération avec un barrage d’artillerie de deux mille canons dont l’intensité surprend les Allemands. Les armées alliées profitent de leur effet pour se ruer contre la position ennemie. Les chars de la 1ière Brigade blindée canadienne et le 1er Corps canadien participent à l’attaque alliée. Après quatre jours de durs combats, les défenses allemandes sont brisées de Cassino jusqu’à la mer Tyrrhénienne. Ce sont les troupes algériennes, marocaines et tunisiennes du corps expéditionnaire français qui réussiront la percée décisive et forceront les Allemands à se retirer. Le 18 mai, les troupes polonaises s’emparent de la position ennemie à Cassino et de ce qui reste du monastère. Les Allemands sont en déroute et se retranchent vers le nord, sur la nouvelle ligne Hitler/Dora, tout en laissant leurs blessés et leurs morts sur les collines du Monte Cassino. La bataille a duré quatre mois. Elle aura été la plus difficile de l’Europe de l’Ouest au cours de la 2ième guerre mondiale et la plus controversée, faisant 250,000 victimes. Les Alliés percent la nouvelle ligne et libèrent finalement Rome le 4 juin, deux jours avant le Jour J.

Vingt ans après la guerre, Claude visite le site de cette bataille avec son ami, l’architecte Jean-Paul Jolicoeur, qui y avait participé en qualité de capitaine de l’armée canadienne. Les larmes aux yeux, Jean-Paul explique à Claude les dures et tragiques journées qu’il a vécues à cet endroit, pendant qu’ils parcourent à pied le cimetière militaire de Cassino. Jolicoeur y retrouve les pierres tombales de ses nombreux copains, soldats comme lui, morts pour le Canada. Ce qui bouleverse particulièrement Claude, c’est l’âge de ces héros. 18 ans, 19 ans, 20 ans, 21 ans… Et leurs noms familiers, Bélanger, Desrosiers, Cloutier… et tant d’autres.

Le monastère sera reconstruit après la guerre, avec le financement du gouvernement italien. Tous les trésors et les œuvres d’art de l’original ont été remis en place.