Le Jour de l’An


Le Jour de l’An est un jour très spécial dans la famille. Le rituel débute le matin au lever. Sur l’insistance de leur mère, Claude et Pierre-Paul doivent demander à leur père la bénédiction. Ils sont gênés. Prenant finalement leur courage à deux mains, ils se mettent à la recherche de leur père et l’ayant trouvé, ils se mettent à genoux devant lui pour lui demander sa bénédiction. Charles-Émile est ému de cette initiative. Solennellement, comme le font les évêques, il lève la main droite et fait un grand signe de croix en disant «Je vous bénis, chers enfants et je vous souhaite beaucoup de santé, de bonheur, de bonnes notes en classe et une bonne année». Il invite ses fils à se relever et les étreint dans ses bras en les embrassant. Autant Claude et Pierre-Paul se sentaient gênés de poser le geste, autant ils sont heureux de l’avoir fait. On passe ensuite au petit-déjeuner et c’est le départ vers St- Jérôme.

Avant la mort de Wilfrid, Pépère Dupras, tous ses enfants et ses petits-enfants allaient ensemble lui demander la bénédiction paternelle en arrivant à Saint-Jérôme. Il était impressionnant, ce vieil homme droit et fort comme un chêne, sans éducation, mais qui avait trimé dur toute sa vie. En pantalon et camisole avec ses grosses bretelles, mal rasé et corpulent, il les bénit avec un grand geste de la croix et leur prodigue en ce jour du Nouvel An ses conseils pour l’année qui s’amorce. Immanquablement, on voyait perler des larmes au coin de ses yeux et elles coulaient sur ses grosses joues rudes. C’était pourtant uncostaud qui en avait vu bien d’autres au cours de sa vie. Pour lui, pour eux tous, c’était un moment chargé d’une grande émotion.