La prison


Un soir, cet été-là, vers 21:00, Claude se fait aborder par deux détectives du Service de police de Verdun à la sortie du cinéma Savoy de la rue Wellington. Ils lui demandent son nom et l’entraînent avec force par le bras vers leur automobile sans rien dire d’autre que: «toi, tu viens avec nous». Il est amené au poste de police où les détectives refusent de répondre à ses questions«Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ?» Arrivé au poste, il veut appeler ses parents mais on lui dit «plus tard». On lui demande de vider ses poches, d’enlever sa cravate, sa ceinture et les lacets de ses souliers. «Craignent-ils que je vais me pendre», de penser Claude. Le sergent responsable place ses effets dans un grand sac brun qu’il identifie DUPRAS, écrit en gros.

Claude est poussé vers le secteur d’emprisonnement et placé dans une petite cellule de six pieds de large par dix pieds de profondeur. La porte à barreaux de métal se referme sur lui, elle est «barrée» et s’incorpore à la partition de la cellule qui donne sur le passage. La cellule comprend seulement un lit en bandes de métal entrecroisées, accroché au mur. Une lampe incandescente intense (plus de 200 watts) installée au centre d’un grand réflecteur de métal rond, au plafond du corridor, éclaire la cellule. Le secteur comprend des cellules de différentes grandeurs: une plus grande, d’autres moyennes et trois petites. Les lavabos et les salles de toilette sont situés au bout du passage. Claude a un problème particulier bien embêtant. Il porte ce jour-là un nouvel habit dont le pantalon trop large n’a pas encore été ajusté par Antoinette. (grand et mince de taille, les pantalons des habits qu’il achète sont toujours trop grands). Sans ceinture, il doit donc le retenir constamment afin qu’il ne tombe au plancher lorsqu’il se lève ou marche.

Claude demande à nouveau d’appeler ses parents, mais sans succès. Il se résigne à son sort et attend assis sur le lit. A la longue, la lampe d’éclairage l’éblouit et ça l’importune vivement. Il est fatigué. Finalement, deux heures plus tard (qui lui ont semblé une éternité), un détective vient le chercher et l’amène à son bureau pour l’interroger. Il lui parle d’une automobile volée et semble dire que Claude a fait le coup. Celui-ci nie tout. Il explique qu’il est entré au cinéma vers 18:00 et a assisté à la représentation de deux films en plus des actualités. Il est révolté de ne pouvoir appeler ses parents. Le détective lui dit de se calmer, de cesser de jouer ce petit jeu hypocrite car il a un témoin, son complice. Claude sursaute: «un complice ?». Il affirme qu’il s’agit sûrement d’une erreur et demande au détective de l’amener devant lui. Celui-ci accepte. En l’apercevant, Claude le reconnaît puisqu’il s’agit d’un dénommé Laforce, le fils d’un ancien voisin du temps que la famille vivait au 981. Laforce avoue: «ce n’est pas lui, c’est son frère». Le détective, surpris, se retourne vers Laforce et le menace. Il veut la vérité car Claude correspond parfaitement à la description que Laforce lui a donnée. Celui-ci l’avait fait volontairement pour protéger Pierre-Paul et brouiller les pistes. Finalement, après dix minutes de harcèlement, le détective conclut qu’il peut y avoir eu méprise et dit à Claude qu’il veut voir Pierre-Paul. Il va aller avec lui le chercher à la maison. Il ne s’excuse pas. Il remet à Claude le sac brun contenant ses effets personnels et celui-ci met aussitôt sa ceinture (enfin !).

Ils arrivent au 6401, un peu après minuit. Charles-Émile dormait. Après de longues minutes il ouvre finalement la porte et voyant Claude il lui demande «qu’est-ce que tu fais debout à cette heure-là ?». Claude résume brièvement son aventure et l’informe que le détective veut amener Pierre-Paul au poste pour le questionner. Charles-Émile fait signe à Claude d’entrer; il se place dans le cadre de porte et demande au détective s’il a un mandat d’arrestation. Celui-ci répond négativement et affirme ne vouloir que questionner son fils pour le ramener quelques heures plus tard. Charles-Émile refuse parce qu’il n’a pas de mandat et l’avise qu’il sera au poste le lendemain matin à 10:00 avec Pierre-Paul pour tirer cette affaire au clair. Le détective insiste. Son père lui ferme la porte au nez. Claude, en allant se coucher, voit Pierre-Paul qui dort paisiblement. Il retrouve son lit douillet et chaud comparé à celui de sa cellule qui était dur et froid.

Au petit déjeuner les trois sont réunis autour de la table. Charles-Émile veut savoir ce qui s’est passé. Pierre-Paul admet être monté dans une automobile avec son ami Laforce. Elle était dans un terrain vacant et juchée sur des blocs de bois. Il ne voulait que s’amuser. «Des blocs de bois, donc elle ne pouvait rouler ?» dit Charles-Émile, «non, elle ne pouvait rouler» de répondre Pierre-Paul. Le repas terminé ils partent tous les trois voir l’auto en question et constatent que non seulement elle est montée sur des blocs de bois, mais elle n’a pas de pneus. Charles-Émile est en furie car il en déduit que les détectives ont pris la parole de celui qui a fait la plainte sans vérifier sur l’objet du délit. Rendus au poste, il demande à parler au chef de police. Celui-ci se dit trop occupé mais Charles-Émile insiste tellement que finalement il les reçoit. Après avoir raconté au chef ce qui est arrivé, il exige des excuses pour avoir incarcéré Claude sans raison valable pendant deux heures. Avant de répondre, le chef veut vérifier avec les détectives qui ne sont pas encore rentrés car ils sont du shift de nuit. Charles-Émile accepte et revient à l’heure convenue, à 14:00. Il est seul car ses fils sont à leur travail. Le chef de police reconnaît l’erreur de jugement de ses détectives et s’excuse auprès de Charles-Émile. Claude est satisfait et impressionné par l’attitude ferme de son père avec la police.