Facebook sauvera-t-il le Viêtnam ?


Jeudi 13 janvier 2011

Facebook sauvera-t-il le Viêtnam ?

Tout ne tourne pas rond dans la péninsule vietnamienne au moment où, cette semaine, le parti communiste du pays tient son congrès politique pour planifier les politiques des cinq prochaines années et choisir ses nouveaux dirigeants pour cette période.
Depuis ma visite au Viêtnam, en mai et juin derniers, où j’ai été témoin à Hanoi de l’arrestation de la jeune avocate Lê Thi Công Nhân, porte parole du mouvement indépendantiste, j’ai continué à m’intéresser à ce pays.

Mes informations sont à l’effet que la répression contre ceux qui réclament la liberté de parole dans le pays s’est accentuée avec la tenue du congrès. La police de sécurité est devenue très active et fait brutalement pression sur tous les activistes connus pour qu’ils arrêtent leurs actions contestataires. Seize blogueurs ont été écroués comme de vulgaires malfaiteurs. Trois journalistes demeurent en prison alors que d’autres se disent suivis par des policiers en civil qui scrutent chacun de leurs gestes. 

Devant le refus de compagnies de services internet publiques d’installer des logiciels capables de suivre les activités de certains sites et des individus qui les utilisent, les réseaux sociaux sur Internet, dont Facebook, ont été fermés par le gouvernement. Ce dernier veut réduire au silence les jeunes vietnamiens, et les moins jeunes, qui utilisent ces réseaux pour se renseigner et faire part des abus aux droits de la personne dont ils sont témoins, de la corruption qu’ils découvrent et des restrictions constantes sur la liberté de parole qu’ils vivent. Le gouvernement ne réussit que partiellement à faire taire la révolte grandissante car les internautes trouvent d’autres moyens pour partager leurs constatations et leurs misères. Ils utilisent des outils de contournement pour se reconnecter à Facebook.

L’avenir immédiat ne s’annonce pas plus rose pour les Vietnamiens et les Vietnamiennes car les candidats au poste de nouveau secrétaire général (l’homme fort) du parti communiste sont des conservateurs endurcis à la mode chinoise et contre toute réforme politique. Il semble que le premier ministre actuel Nguyen Tan Dung est le favori. 

Mais le futur gouvernement n’est pas sorti du bois et on peut compter que les critiques n’iront qu’en augmentant. Ce ne sera pas « business as usual ». 

En effet, de nombreuses élites urbaines attaquent les ententes économiques de leur pays avec la Chine qui a toujours été considérée comme leur ennemi naturel. C’est la concession d’une mine de bauxite au centre Viêtnam, évaluée à plusieurs billions $ qui a fait débordé le vase. Les activistes pro-démocratie ont réagi vivement contre cette décision tout comme des polytechniciens dont Pham Minh Hoang, toujours en prison à cause de cela, et même l’intouchable et fameux général Giap, héros de l’indépendance et de la guerre contre les USA.

De plus, l’inflation galope. Elle se situe à 11% et affecte disproportionnellement les pauvres qui grognent tout comme le font un très grand nombre de fermiers évincés de leurs terres, durant les dernières années, pour faire place au développement rapide. Le nombre de grèves augmente dans les usines fabricantes de produits dédiés à l’exportation. Les écologistes s’élèvent contre la pollution industrielle. 

Il y a aussi le secteur des entreprises d’état qui attire les reproches. Subventionnées démesurément par le pays, leur performance n’est pas à la hauteur des attentes. Vinishin, constructeur naval, est au bord de la faillite avec une dette de 4,5 billions $. Les activistes affirment que les entreprises de ce secteur ne favorisent financièrement que les gens du parti communiste et ceux qui gravitent autour de lui, alors que les citoyens de classe moyenne et plus pauvres subissent l’augmentation des prix et la diminution des emplois. 

Tenant compte des difficultés dans ce secteur, de l’inflation qui s’accélère, d’un risque de crise de la balance des paiements et de l’affaiblissement du secteur bancaire, les agences de notation financière Standard & Poor’s et Moody’s ont baissé, il y a un mois, la note de la dette à long terme du Viêtnam qu’ils soulignent être sous l’effet de très importantes difficultés financières. 

Les pronostics sont que l’économie Vietnamienne peut devenir la 14ième plus importante au monde. C’est quand même extraordinaire qu’un pays qui était près de la famine, il y a à peine 25 ans, en soit rendu là. La pauvreté a été réduite par dix. Le parti communiste vietnamien a imité la Chine et décrété la réforme de l’économie de marché. Ce faisant, plusieurs pays comme le Canada l’ont aidé et, grâce au capitalisme, le Viêtnam a connu une évolution économique vertigineuse qui a permis au parti communiste de maintenir son pouvoir suprême. 

Mais la réalité nouvelle pointe à l’horizon. Les critiques sont de plus en plus nombreux et traitent de plus en plus de sujets. Les Vietnamiens veulent mieux vivre et améliorer leur qualité de vie, avoir de bonnes écoles, de grandes universités, maintenir leurs emplois, de meilleurs salaires, assurer un meilleur partage des richesses, être libres de parler et de choisir leurs dirigeants politiques, etc. Ils réclament plus de transparence dans les affaires de l’état afin qu’eux et les entreprises de l’extérieur y voient clair. Seule la démocratie peut leur donner cela et les Vietnamiens le ressentent de plus en plus grâce aux réseaux sociaux d’Internet. Ils ont faim d’en savoir plus.

Facebook, tout comme d’autres réseaux similaires, est l’outil par excellence pour répandre les notions de liberté partout. Et le jour où le Viêtnam basculera vers la liberté, il sera intéressant de déterminer la part que les réseaux sociaux d’internet auront jouée. 

Claude Dupras