Mumbai… suite 1


La vie à Mumbai

Au pied de la dantesque High Court aux allures de manoir hanté flanqué de palmiers, à deux pas de la tour Rajabai de l’Université de Mumbai, un groupe d’une dizaine d’hommes s’affairent, accroupis, sur le vaste terrain de cricket du Maidan Oval. « Ils sont en train de tondre la pelouse à la main», explique le guide, «Gandhi disait que la machine ne devrait jamais remplacer l’homme et que tout le monde devrait toujours pouvoir travailler ».

Et du boulot, il y en a à Mumbai, capitale d’un pays en plein essor, comme en font foi ces immeubles qui champignonnent, comme en témoigne ce taux de progression qui grimpe au triple galop.

Cette ville a été bâtie sur le commerce et le négoce après 1665. Mais depuis que l’Inde connaît une croissance non contrôlée, on afflue davantage dans cette cité qui symbolise le rêve indien de la réussite.

Pourtant, le rêve n’est pas accessible à tous. Des familles entières s’y usent l’arrière-train sur de sales trottoirs tandis que d’autres, bien nanties, leur passent sous le nez en route vers les centres commerciaux huppés.

Quartier général des jet-setters, haut lieu des bars les plus courus et des meilleures tables, Mumbai accuse aussi un revenu annuel moyen de 1000 $.

Si Mumbai stimule autant la fibre de l’espoir, c’est, peut-être, à cause de Ghandi. « C’est par la Porte de l’Inde, érigée par les Britanniques face à la mer d’Arabie, que le dernier soldat de Sa Majesté a quitté le pays en 1948 », explique le guide.

Aujourd’hui, l’esplanade entourant ce splendide arc de triomphe et de basalte est l’un des lieux de rassemblement populaire préférés de Mumbai. Beau temps, mauvais temps, des centaines de Mumbaites y flânent, les unes drapées dans leurs saris multicolores, les autres nourrissant les pigeons ou se gavant d’illusions, abordant les inconnus pour se faire croquer le portrait avant de croquer le leur. « Sir, picture of me please! » Malgré son gigantisme et ses 18 millions d’âmes, Mumbai sait se faire affable et mettre prestement à l’aise le voyageur de passage.

Une autre bonne façon d’entrer en contact avec le Mumbaite consiste à se balader dans les hauts lieux touristiques de la ville, sur Colaba Causeway, dans le capharnaüm de Crawford Market ou près des studios de Bollywood (de «Bombay» et «Hollywood»), avec l’espoir d’être repéré. Car depuis quelques années, les producteurs embauchent de plus en plus d’étrangers de passage, question de pimenter un brin la figuration dans les quelques 900 films ou les dizaines de téléséries tournés ici annuellement.

En fait, cette industrie fait surtout vivre des millions d’Indiens, directement et indirectement, en plus de faire naître les tendances: Bollywood a fait de Mumbai le chef-lieu de la mode en Inde, tout en contribuant à l’élever au rang de capitale culturelle du pays.

L’art indien contemporain a d’ailleurs connu un impressionnant essor ces dernières années. À un point tel que la maison locale d’enchères Saffronart vend désormais en ligne davantage d’oeuvres que Sotheby’s et Christie’s. Ce qui n’enlève rien à l’art indien qu’on trouve ici et là dans le quartier de Khala Goda, qui enfile galeries sur musées, dont le splendide Chhatrapati… (ex-Prince of Wales Museum).

Du reste, ce quartier et celui du Fort, limitrophe, forment un ravissant musée à ciel ouvert d’architecture coloniale mâtinée d’influences diverses, de l’ancien Old Sailor’s Home devenu siège de la police du Maharashtra, jusqu’à l’incroyable Terminus (la gare Victoria) au style indo-musulmane. Le tout étant pimenté de vendeurs de chiques de bétel, de dabba-wallahs (livreurs) à cheval sur leurs vélos chargés de nourriture chaude, d’innombrables auto-rickshaws et de toute une faune de petits travailleurs à la petite semaine qui se fraient un chemin à travers le tohu-bohu quotidien.

Quant à la longue promenade qui borde la mer d’Oman, Marine Drive, elle est jalonnée d’immeubles Art déco qui continuent de se faire délaver par les embruns, tandis que les amoureux se la roucoulent douce face au couchant, avant d’aller croquer un beignet farci sur la plage Chowpatty.

Ville ouverte, sensible, sensuelle et sensée face à l’effervescence de sa créativité, Mumbai forme aussi la cité la plus cosmopolite du pays. Sur Malabar Hill, quartier le plus huppé de la ville, la quiétude de la Banganga Tank, bassin sacré entouré de temples, tranche avec le tumulte environnant. Mais c’est aussi au sommet de cette colline que trônent les étranges dakhma, ou tours du silence, où sont livrés aux vautours (et aux fours solaires) les restes des Parsis, ce peuple zoroastrien originaire d’Iran qui a jadis fui les persécutions musulmanes.

Le plus célèbre des Parsis de Mumbai, Jamsetji Nusserwanji Tata, est aussi celui à qui l’on doit une des icônes de la ville, le Taj Mahal Palace, qui jouxte la Porte de l’Inde. On raconte que c’est par boutade, après s’être fait rembarrer dans un hôtel européen parce qu’il était Indien, que le père de l’industrie indienne a érigé cet établissement somptueux, coiffé d’une coupole inspirée d’une cathédrale de Florence.

Après avoir été l’une des cibles des trois jours d’attaques terroristes de 2008 mais épargné par les attentats de 2011, le Taj Mahal Palace a retrouvé toute sa prestance… Et il est désormais surveillé par une petite armée qui contrôle assidûment les badauds touristiques venus admirer le faste de l’hôtel et lorgner les chambres où ont séjourné Elizabeth II, le Dalaï Lama…

Dans un registre diamétralement opposé, ce sont d’autres types de badauds qu’on rencontre désormais à Mumbai: ceux qui vont renifler ce qu’il y a sous les bicoques de tôle et le long des rivières de lixiviat des bidonvilles, où vit 60 % de la population. « Certains bidonvilles sont plus organisés qu’on le pense, avec des écoles, l’électricité, des commerces… À Mumbai, c’est un style de vie », assure la guide. .

Conspuées par les uns, encouragées par les autres, ces « tours de la misère » ont à tout le moins l’avantage d’offrir un portrait global et réaliste de cette ville de tous les extrêmes et de toutes les contradictions… à l’image du pays dont elle est le phare.

Car voir Mumbai, c’est se retrouver constamment projeté d’un bout à l’autre du spectre des émotions. C’est plus qu’un voyage, c’est une leçon d’humanité, un regard unique sur le monde inique d’aujourd’hui.

À voir

La « Porte de l’Inde » est un monument de basalte en forme d’arche, haut de 26m, et fut construit en 1911 sur le rivage pour célébrer la venue en Inde du roi George V et de la reine Mary. Il fut inauguré en 1924. Aujourd’hui la Porte de l’Inde reste l’un des principaux centres d’attraction de Mumbai.

La « plage Chowpatty » n’est pas vraiment un endroit de baignades. Les habitants de Bombay s’y retrouvent plutôt pour flâner en fin de journée. On y trouve toutes sortes de vendeurs, magiciens, masseurs, petits restaurants… La plage de Chowpatty est l’endroit idéal pour assister à la fête de Ganesh Chaturthi en août/septembre au cours de laquelle les fidèles immergent des effigies du dieu Ganesh.

La « Marine drive » est aussi un lieu de promenade sur le front de mer, fort apprécié par les citoyens de Mumbai et les touristes. Il part de Nariman Point, longe la plage de Chowpatty et se termine dans le quartier de Malabar Hill. C’est d’ailleurs à cet endroit que l’on a les plus belles vues sur la baie de Mumbai. La forme arrondie de Marine Drive lui a valu le surnom de « collier de la reine » en raison des lampadaires qui l’illuminent dès le coucher du soleil.

Le « musée du Prince de Galles » construit dans le style indo-musulman en 1905 en l’honneur du Prince de Galles, futur George V, le bâtiment abrite des collections d’objets recueillis sur l’île d’Elephanta, dans les grottes de Jogeshwari, dans la vallée de l’Indus ainsi que des collections de sculptures, de miniatures, de portraits. Le musée est entouré d’un jardin ornemental et est surmonté d’un dôme inspiré du Golgumbaz de Bijapur.

La maison « Mani Bhawan » est la maison d’un ami que Gandhi occupait lors de ses visites à Mumbai. Elle abrite un mémorial et un musée où l’on peut voir des photos du Mahatma et des objets lui ayant appartenu.

La « mosquée Haji Ali » construite au début du 19è siècle abrite le tombeau d’Haji Ali, un homme d’affaires qui aurait fini sa vie à Mumbai en la consacrant à la méditation. Elle n’est accessible qu’à marée basse.

Le « temple de Walkeshwar » fut construit par les rois de la dynastie Silhara qui régnèrent sur la région entre le 9è et le 13è siècle. Il fut détruit par les Portugais et reconstruit en 1715. Le bassin de Banganga attenant au temple est l’une des plus anciennes constructions de Mumbai où les citoyens de Mumbai se réunissent et vont au bain. D’après la légende, Rama séjourna à cet endroit lors de son périple pour aller libérer son épouse Sita. Rama aurait fait jaillir la source du bassin de Banganga en décochant une flèche.

L’ « île éléphanta » se trouve à 10km des rives de Bombay. Elle est connue pour ses temples rupestres creusés dans la roche entre 450 et 750. Les portugais endommagèrent gravement les sculptures. La grotte principale contient des représentations de Shiva et un lingam. La statue la plus impressionnante est celle représentant la Trimurti (la sainte trinité hindoue : Brahma, Shiva, Vishnu). Malheureusement, nous n’avons pu visiter ce lieu durant notre voyage car il était fermé. Il n’y a donc pas de photos de cette cave dans la collection.

 

Photos de haut en bas: Les laveurs de linge, la porte de l’Inde, visiteurs de l’esplanade, Hôtel Taj Mahal, le Banganga tank (le bassin sacré), la plage Chowpatty, la maison Mani Bawan, la mosquée Haji Ali.

Sources pour texte, La Presse de Montréal, Wikipedia, Routard, internet, , notes personnelles.