Chapitre V
En mer 2 décembre 1945
Quelques lignes en vitesse, demain matin nous arrivons à Port Saïd en Egypte. Je termine car on va ramasser les lettres et celle-ci partira demain matin de Port Saïd.
Port Saïd est une petite ville portuaire du nord-est égyptien comprenant environ 500 000 habitants. C’est une ville essentielle du commerce égyptien, tout comme Alexandrie. Une bonne partie des productions égyptiennes comme le riz ou le coton passe par ce port où ils seront exportés à l’étranger. De plus, l’endroit est un point important du ravitaillement des navires en provenance du canal de Suez, non loin de la ville. Elle est aussi considérée comme l’une des plus belles villes égyptiennes, grâce notamment à ses nombreuses maisons anciennes de style colonial et même néo-gothique.
La ville est née d’un projet fou mais réussi ; celui de relier la mer Méditerranée à la Mer Rouge par un canal au XIXe siècle. C’est le Français Ferdinand de Lesseps qui dirigera le projet en 1859, date à laquelle la ville est née. Le vice-roi d’Egypte de l’époque, Saïd Pacha, lui donne son nom. Il voulait que la ville ait un port digne de ce nom, et travaillera avec Lesseps sur le projet. En 1869, les travaux sont achevés. Le port est inauguré et on qualifiera même cette journée de « fête du siècle ».
Après demain, après avoir fait le plein d’eau dans cette dernière ville, nous allons traverser le canal de Suez. Le voyage se passe dans de parfaites conditions. Hier soir, nous avons dépassé l’île de Crête et la veille, en pleine nuit, nous avons pu admirer le Stromboli, fameux volcan toujours en activité, auréolé d’une vapeur incandescente et nous avons passé par le détroit de Messine tout illuminé de feux multicolores.
Le Stromboli est en activité et c’est le plus actif des volcans européens. Ses éruptions se produisent à la fréquence moyenne d’une tous les quarts d’heure. Mais lorsque son activité devient plus intense et violente, certains habitants le nomment Iddù (lui), comme une nature divine à qui on reconnaissait le droit de provoquer des phénomènes naturels incontrôlables.
Arrivé à Saïgon, Phu Nuam, Cochinchine, le 28 décembre. Première mission, relever les Japonais qui assuraient la sécurité à l’aéroport de Tan Son Nhat contrôlé par les Japonais : après l’Armistice, Armand avait dû assurer cette tâche avec ses hommes. Le responsable japonais qu’il avait dû remplacer (un architecte ayant été appelé à la guerre et n’ayant pas vu ses enfants et son épouse depuis deux ans et demi) lui avait donné des conseils. Il avait d’ailleurs profité de cette occasion pour lui expliquer comment 32 jeunes diplômés volontaires s’étaient présentés à l’aéroport. Ils avaient préparé à chacun d’eux un avion. Le Japonais avait achevé l’histoire en disant : « Nous avons perdu 32 précieuses vies en mer (…ils étaient kamikazes…), mais 3200 vies ont été sauvées au Japon. ».
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