Le Canadien


LE « CANADIEN »(Joueurs Canadiens-français: Débuts tardifs; Guerre des joueurs et des salaires; Début du Canadien, le 5 janvier 1910; Deux périodes de 30 minutes; Le hockey à 7 à 6 hommes; Période supplémentaire; Jusqu’en 1927; En 1942)

Mais, finalement, comme on le verra plus loin, ce n’est pas le National qui devait représenter les nôtres dans le hockey professionnel mais bien le « CANADIEN », dont nous continuerons de parler dans la suite, sans guillemets.

Comment en est-on arrivé à ce nom? On l’ignore. Mais, le 6 décembre 1909, on lisait en gros caractères dans « La Presse »; « UN NOUVEAU CLUB CANADIEN » et les sous-titres étaient les suivants:

« Jack Laviolette a été chargé de former une équipe qui fera partie de l’Association Nationale de Hockey! – Les deux Ligues professionnelles se feront la guerre. – Le National et le Shamrocks restent fidèles à l’Association Canadienne de Hockey. – 47 parties seniors pour Montréal. »

La nouvelle qui rapportait les détails de l’assemblée du 2 décembre commençait comme suit: « L’admission dans l’Association Nationale de Hockey d’un club canadien-français, ayant Jack Laviolette comme gérant, est le dernier développement dans la situation du hockey. Le nouveau club portera le nom de CANADIEN et sera le rival du National. M. T. C. Hare de Cobalt est le bailleur de fonds du Canadien. C’est lui qui a fourni la garantie de $1,000. Il déposera de plus dans une banque un montant de $5,000 pour garantir les salaires des joueurs. »

Au sujet de l’argent fourni, Jack Laviolette a déclaré qu’il avait toujours fait affaire avec J. Ambrose O’Brien.

JOUEURS CANADIENS-FRANÇAIS

On continuait, et ceci n’est pas le moins important, en disant: « Afin de donner au CANADIEN toutes les chances possibles de mettre une bonne équipe sur la glace, les autres clubs de l’Association Nationale de Hockey ont résolu de ne pas engager de joueurs canadiens-­français avant que Laviolette n’ait trouvé tous ses hommes. »

Enfin, on disait que la fondation du Canadien priverait le National de trois bons joueurs car ce dernier comptait sur les services de Laviolette, Pitre et Poulin qui porteraient dorénavant les couleurs du nouveau club.

On rapportait aussi que l’Association Nationale de Hockey comprendrait, comme l’Association Canadienne, cinq clubs: Cobalt, Haileybury, Canadien, Wanderers et Renfrew.* * *

Inutile de dire que l’Association Canadienne, devant ces faits, tenta de faire passer dans son organisation des clubs de l’organisation rivale, dont les Wanderers et le Renfrew qu’on avait pourtant mis de côté.

Le même jour, les deux circuits annoncèrent les ouvertures des activités. Dans l’Association Canadienne, la première partie entre le National et le All-Montreal, était au calendrier pour le 30 décem­bre et la dernière entre les deux mêmes clubs, le 8 mars. Dans l’Association Nationale, les activités ne débutaient que le 5 janvier entre le Canadien et le Cobalt.

DÉBUTS TARDIFS

Faisons remarquer, ici, pour ceux qui seraient surpris du fait, qu’à cause de l’inexistence de la glace artificielle, il fallait alors commencer les saisons de hockey beaucoup plus tard et, évidemment, les terminer beaucoup plus tôt. De nos jours, quelle différence! Ainsi, en 1947, à Montréal, la glace artificielle était prête dès le 2 septembre et elle restait en usage jusqu’au 14 mai suivant !

GUERRE DES JOUEURS ET DES SALAIRES

Comme on le prévoyait, l’existence des deux ligues signifiait une guerre de joueurs et de salaires. Ainsi, trois jours plus tard, les dirigeants du Renfrew annonçaient qu’ils offraient $3.000 à « Cyclone » Taylor ainsi qu’à Fred Lake et $2,700 à Walsh et à Kerr. Ces offres furent refusées, cependant, car les joueurs décidèrent de rester fidèles à l’Ottawa qui leur offrait $2.000.

Le Renfrew ne se compta pas pour battu. Il annonça qu’on avait fait signer les deux Patrick, Lester et Frank, au salaire fabuleux, dans le temps, de $3,000 chacun. A remarquer que le calendrier ne comprenait alors que huit parties. Les Patrick furent donc surnommés avec raison par certains journalistes comme les « Renfrew $3,000 Beauties ». Pour le Renfrew, ce n’était pas une question d’argent. Les autorités de ce club, avec le surnom mérité de « Millionnaires », voulaient absolument obtenir la coupe Stanley et elles, n’épargnaient rien pour arriver à leur but.

D’autre part, à Montréal, c’était la guerre des salaires entre les dirigeants du CANADIEN et du NATIONAL. Le 10 décembre, on annonçait que l’argent promis à Jack Laviolette était déposé à la Banque Impériale. On annonçait que Lalande. Pitre, Jetté, les frères Miliaire et Poulin allaient jouer pour le CANADIEN et qu’on était en pourparlers avec Art. Bernier de Kingston. Le 11 décembre, on annonçait que Harry Hyland et Jack Marshall des Shamrocks signaient pour les Wanderers et on parlait de Hern, Johnston, Gardiner, Cecil Blachford et Ernie Russell comme devant bientôt les imiter.

Évidemment, entre temps, il était question de défections de clubs dans l’une ou l’autre organisation, tandis que la guerre pour les joueurs et les salaires continuait. Un joueur en vedette fut Didier Pitre, l’athlète de crosse bien connu. Le National lui offrait $800 ainsi qu’un emploi pendant l’hiver, et une promesse de contrat, l’année suivante, à la crosse. Le 13 décembre, on annonçait que Pitre avait accepté les conditions du National. La nouvelle sur le sujet relatait que le président Adolphe Lecours du National s’était rendu à North Bay pour rencontrer Pitre, qui venait de chez lui, au Sault Ste-Marie. Au moment où le train qui portait Lecours et Pitre arrivait à Ottawa, Laviolette, Cattarinich et deux amis montèrent à bord. Il était évidemment trop tard. Peu après, Lecours annoncait qu’il était certain des services de Lalonde, Jetté, Leduc, Paré, Décarie et du docteur Ménard qui, soit dit en passant, avait été assez bon pour garder les buts des fameux Wanderers.

Presque en même temps, Laviolette parlait de la signature officieuse de Cattarinich dans les buts, ainsi que de celles de Pitre, Lalonde, Décarie, Millaire, Bernier et Poulin. Le fait est que le 16 décembre on annonçait officiellement que Décarie et Pitre avaient signé avec le CANADIEN. On lisait en même temps que Pitre avait offert de remettre à M. Lecours et au National les $75 qu’il avait reçus de Lecours, en venant de North Bay. M. Lecours refusait en disant qu’il soumettrait l’affaire au bureau de direction et, dans la suite, on apprenait que des procédures étaient en cours contre Pitre, pour bris de contrat. Pitre ne s’en faisait pas, disant qu’il ne pouvait être mis à l’amende que pour $100 et que cet argent ne sortirait pas de sa poche mais bien de celle des dirigeants du CANADIEN.

Entre temps, on annonçait des pratiques. Mais on les retardait d’une journée à l’autre parce qu’il n’y avait pas de glace et parce qu’on ne savait vraiment pas qui jouerait pour le CANADIEN ou pour le NATIONAL. D’autre part, il était question de la fusion des deux circuits, comme de la fusion des clubs NATIONAL et CANADIEN, All-Montreal, Wanderers et Shamrock. Mais rien ne se faisait.

A Québec, cependant, on annonçait que le club de cette ville se retirait de l’Association Canadienne.

Le 30 décembre arrivait et la saison de l’Association Canadienne commençait tel qu’annoncé. L’alignement du National, qui jouait contre le All-Montreal, était le suivant: Ménard, Dubeau, Jetté, Millaire, Leduc, Rattée, Lortie et Paré. L’alignement du All-Montreal était comme suit: Moran, Ross, Povey, Cochrane, Kane, Marks, Norman.

DÉBUT DU CANADIEN, LE 5 JANVIER 1910

D’autre part, le 5 janvier, tel que l’indiquait le calendrier, eut lieu le premier engagement de l’Association Nationale entre le Cobalt et le CANADIEN, au Jubilee, devant une foule de 3,000 personnes qui débordaient dans les estrades.

Le club CANADIEN, sous la direction de Laviolette, l’emporta par 7 à 6. « Newsy » Lalonde qui, soit dit en passant, devait bientôt quitter le club pour un court séjour avec le Renfrew, compta le premier but, après 17 minutes de jeu. Il devait en enregistrer bien d’autres dans la suite, soit de 1910 à 1922, sous les mêmes couleurs tricolores. George « Skinner » Poulin obtint le 2e but, après 2 minutes, pour être suivi par Lalande, 5 minutes plus tard.

DEUX PÉRIODES DE 30 MINUTES

Pour ceux qui se disent qu’il doit y avoir erreur, ici, puisqu’on est rendu au total de 24 minutes, mentionnons qu’on jouait alors deux périodes de 30 minutes au lieu des trois actuelles de 20.

Après Lalande, ce fut au tour de Clarke du Cobalt d’enregistrer et la période se termina au compte de 3 à 1.

Dans la deuxième période régulière, les compteurs furent Vair deux fois, et McNamara du Cobalt, Bernier du Canadien, Clarke et Smaill du Cobalt, Bernier et Laviolette du Canadien. Le compte étant égal, on joua en supplémentaire et Poulin donna la victoire à son club après 5 minutes.

Les alignements dans cette partie mémorable, la première de la longue histoire du Canadien, étaient les suivants:

CANADIEN COBALT

Jos. Cattarinich ButsJones

Jack Laviolette “Point” H. McNamara

Didier Pitre «Cover Point» Walter Smaill

“Newsy Lalonde “Rover” Steve Vair

Ed Décarie CentreClarke

Art. BernierAile Kennedy

“Skinner” Poulin Aile Campbell

Substituts du Canadien: Richard Duckett, Edouard Millaire, Séguin, Chapleau, Chartrand, E. Leduc, Larochelle et Bougie.

LE HOCKEY À 7 ET À 6 HOMMES

Pour ceux qui sont surpris de compter sept joueurs dans l’alignement régulier, disons que, dans le temps, on jouait au hockey à sept hommes. Il en fut ainsi jusqu’à la saison 1911-12, alors que l’on commença à jouer à six hommes, en supprimant la position de « rover ». Disons ici, que sans mettre les faits plus en vedette, nous vous tiendrons ainsi au courant des changements aux règlements, à mesure qu’ils se produiront. Un fait à noter au sujet de la partie en question: un des arbitres était Riley Hern du club Wanderers. Il n’y avait pas, à cette époque, d’arbitres réguliers comme aujourd’hui, Non, on était satisfait de joueurs d’autres clubs qui ne jouaient pas ce soir-là.

Un autre fait à noter est le sommaire de punitions de la joute qui se lisait comme suit: Poulin 5 et 3 minutes; Bernier, 2; Lalande 2 et 1; Laviolette 2; Kennedy 3; Smaill 2 et 2; Vair 3; Laviolette 3, 5 et 5; Pitre 3 et 3; Clarke 2; Campbell 3, 3, 3, 3 et 3; Smaill 3, 3 et 3. Total: Canadien 34, Cobalt 36.

C’est dire qu’on n’imposait pas que des 2 ou 5 minutes mais bien des 1, 2, 3 et 5 minutes. C’est dire également que la joute entre les deux clubs fut fort rude.

PÉRIODE SUPPLÉMENTAIRE

Ajoutons aussi qu’à la fin du temps réglementaire, comme le compte était égal, plusieurs spectateurs quittèrent la place, pensant que les hostilités arrêteraient là. Comme on l’a vu, on joua en temps supplémentaire mais la partie cessa au premier but enregistré.

On continua ainsi jusque dans la saison 1914-15. Un événement vint alors provoquer le changement qui limita à 20 minutes le temps additionnel d’une joute en cas d’égalité. Au cours d’une partie, à Québec, entre les Canadiens et les Bouledogues, Vézina fut puni et le compte fut immédiatement égalé à 2 à 2. Le temps régulier se terminait peu après et on commença alors le temps supplémentaire qui se prolongea pendant 50 minutes alors que l’égalité fut brisée en faveur du Québec. Mais ce n’est pas là le point que nous voulons mettre en lumière. Le CANADIEN devait jouer deux autres parties en quelques jours, et ce temps additionnel avait tellement éreinté ses joueurs qu’il perdit. On se plaignit évidemment, et on en vint à décider de ne jouer que 20 minutes de temps additionnel dans la saison 1915-16.

C’est alors qu’on décida d’un autre important changement. On décida d’accorder deux points pour une victoire et un point pour une partie nulle, comme on le fait encore aujourd’hui.

JUSQU’EN 1927

Le règlement des 20 minutes additionnelles resta en vigueur jusqu’en 1927 alors qu’on en vint à la limite de 10 minutes seulement. Des clubs jouaient souvent deux soirs de suite et la fatigue était trop grande pour des joueurs qui devaient, en plus, voyager par train immédiatement après la partie.

EN 1942

Les choses demeurèrent ainsi jusqu’en 1942, alors qu’on supprima tout temps additionnel ou supplémentaire, non pas, cette fois, pour éviter la fatigue, mais à cause de l’impossibilité, en temps de guerre, de retarder le départ des trains. De plus, on a fait remarquer, dans le temps, qu’en Europe, au soccer football, le plus grand sport organisé dans le monde, il n’y a jamais de temps supplémentaire.

On n’a pas changé ce règlement depuis. Il n’y a qu’une exception, soit quand on joue dans les parties de la coupe Stanley. Il n’y a pas alors de limite de temps. S’il y a égalité après le temps régulier, on ajoute des périodes additionnelles de 20 minutes chacune, avec arrêt au premier but. En 1927, cependant, 2 parties nulles eurent lieu entre le Boston et l’Ottawa, après 10 et 20 minutes.

Dans une série de la coupe Stanley, cependant, toujours à cause de la guerre, on décida qu’il n’y aurait pas plus que 20 minutes de temps additionnel. S’jl y avait encore égalité, on déclarait gagnant le club qui avait huit points, c’est-à-dire l’équivalent de 4 victoires dans une série de sept parties. S’il y avait égalité après 7 joutes, une 8e devait être jouée.