La mort de HOWIE MORENZ


La mort de HOWIE MORENZ (Chiffres qui parlent par eux-mêmes; Au temple de la renommée).

Si le Canadien fut chanceux de terminer en première place de la section canadienne, il ne fut pas aussi heureux, loin de là, dans la perte de son fameux joueur Howie Morenz, perte ressentie douloureusement par tous et chacun des Canadiens de même que par les supporteurs du club local ainsi que dans toute la Ligue.

Howie Morenz, repéré par le Canadien, signé par Cecil Hart, l’envoyé spécial de Jos Cattarinich, Léo Dandurand et Louis Letourneau, à Stratford, Ontario, en 1923, devait briller pendant des années et des années pour le club Canadien. Il fut surnommé le Babe Ruth du hockey. Il aida grandement son club tandis qu’il se gagna une réputation à nulle autre pareille dans le hockey majeur à Montréal, comme dans toutes les villes du circuit, surtout aux Etats-Unis où sa vitesse vertigineuse dans des montées sensationnelles d’un bout à l’autre de la glace lui avait gagné une foule d’admirateurs. Combien de fois des clubs américains, surtout de New York, n’offrirent-ils pas des sommes fabuleuses pour ses services? On voulait l’avoir à tout prix et on misait sur lui ainsi que sur Aurèle Joliat avec l’espoir d’obtenir deux des plus fameux joueurs dans toute l’histoire du hockey.

Morenz débuta avec le Canadien en 1923. A sa première saison, dans un court calendrier de 24 parties, il compta 13 fois. Dès ses premières activités, il fut reconnu comme un bolide. En outre, il ne cessait un seul moment de poursuivre la rondelle. Dans le temps, on jouait 60 minutes ou à peu près. Plusieurs se dirent qu’à son allure ainsi qu’avec son esprit combatif qui ne lui laissait jamais un moment de répit, Morenz ne durerait pas bien longtemps dans la Ligue Nationale. Toutefois, saison après saison, Morenz continua, du moins jusqu’en 1934, à la même allure, à la même vitesse vertigineuse, et faisant preuve du même esprit combatif.

Au début de la saison 1936-37, la nouvelle direction avait cru bon de racheter Morenz pour le ramener avec Cecil Hart, un ami intime qui le connaissait comme s’il eût été son frère. Hart d’ailleurs, à son réengagement avec le Club auquel il avait été mêlé pendant tant d’années, avait demandé le rachat de Morenz. Ce dernier n’était plus jeune. Cependant, son retour avec le Canadien, avec Cecil Hart, avec ses coéquipiers, surtout Aurèle Joliat ainsi que Johnny Gagnon, un autre joueur célèbre du Canadien, provoqua chez lui un regain d’activité et de vigueur qui lui valut de nombreuses nouvelles mentions dans les manchettes.

C’est le 28 janvier 1937, dans une partie contre le Chicago, au Forum, que survint l’accident qui devait signifier la fin et la mort de Howie Morenz. Howie vint en collision avec Earl Seibert, solide joueur de défense du Chicago. Howie donna ensuite contre la clôture, à l’extrémité de la rue Ste-Catherine. Son patin se prit et s’enfonça dans le bois, justement comme il se tournait la jambe. La fracture survint en éclats. On accourut immédiatement à son secours pour le transporter dans la chambre des joueurs, mais il souffrait tellement qu’on le conduisit à l’hôpital. Sur la glace, ses coéquipiers atterrés, Joliat et Gagnon surtout, ne pouvaient oublier ce qui venait de se passer. Morenz resta à l’hôpital jusqu’au 8 mars 1937, alors qu’il expira des suites de sa blessure.

La nouvelle de la mort de Morenz causa une bien pénible sensation, dans sa famille d’abord, puis dans le camp du Canadien, et aussi chez les milliers de supporteurs du club comme chez tous ses admirateurs, dans toutes les villes de la Ligue Nationale.

On fit à Morenz de grandioses funérailles. Howie est décédé depuis 18 ans déjà, et son souvenir reste impérissable même chez les jeunes qui ne l’ont pas connu.

Howie Morenz fut exposé au Forum, au centre de la glace où il avait tant brillé. Des milliers et des milliers de personnes passèrent auprès de son cercueil. Combien d’entre elles, des pères, des mères, tenaient dans leurs bras des jeunes enfants à qui ils montraient Morenz dans sa tombe. Le jour des funérailles, on refusa au Forum des milliers et des milliers de personnes pendant qu’à l’extérieur, il y avait une foule considérable tout autour de l’édifice.

Avant de donner les statistiques complètes de la carrière de Howie Morenz, statistiques qui démontrent qu’il compta, comme son coéquipier Joliat, 270 buts pour rester avec ce dernier, jusqu’à Richard, le meilleur compteur de buts du Canadien, voici d’abord ce qu’écrivait l’auteur de ce volume, deux jours après l’accident du 28 janvier au Forum:

« La carrière du météore de Stratford est-elle terminée à jamais ? C’est ce que tous les amateurs se demandent avec la plus grande anxiété. C’est ce qui fait l’objet d’inquiétude de tous les joueurs du Canadien comme de Cecil Hart, le gérant. Comme le déclarait avec tant de raison Aurèle Joliat, le meilleur compagnon de Morenz pendant de si nombreuses années, aucune affaire n’a eu une telle importance depuis la mort du regretté Vézina, en 1926. D’ailleurs, toute la tristesse que provoquaient l’accident et le départ de Morenz pour l’hôpital, était facile à constater dans la chambre du Canadien, après la partie, comme dans les corridors et les allées du Forum, alors que c’est une foule vraiment atterrée qui quittait l’amphithéâtre.

« Dans la chambre du Tricolore, les rires qui fusent après une victoire, les remarques cinglantes au sujet des adversaires, les taquineries, les éloges que chacun fait à l’autre, rien de cela n’existait. Même le grand héros de la victoire, le héros du premier exploit du genre dans la saison, celui d’avoir compté quatre buts en un seul match, Georges Mantha, était triste. Il acceptait les félicitations qu’on lui faisait mais il ne pouvait s’empêcher de dire: « C’est bien regrettable, l’accident à Howie. »

« Aurèle Joliat était plus triste que les autres. Il se tenait la tête dans les mains et regardait, de temps à autre, cette chaise vide, tout près de lui, chaise sur laquelle pendait accroché, comme à mimât, le chandail du grand Howie, ce chandail portant le fameux numéro 7, ce chandail revenu en circulation avec tant de brio, cette année, après avoir été absent pendant les deux saisons que Morenz passa avec des clubs étrangers.

« Cecil Hart, un grand ami de Morenz, était peiné au possible.

C’était avec des larmes dans la voix qu’il nous parlait. « Le plus grand joueur de tous les temps, ce Howie », disait Cecil. « Quel esprit combatif, il possédait! Son retour, cette année, a constitué une des classiques du hockey. »

« Mais, je parierais bien que dans le plus profond de son cœur, Howie ne serait pas trop malheureux d’être parti comme cela, s’il ne lui fallait ne pas revenir, quitter le hockey, en pleine action, comme au champ d’honneur du sport.

« Mais ne pensons pas à des choses aussi tristes. Soyons moins pessimistes. Sprague Cleghorn n’est-il pas revenu après avoir eu la cheville brisée? Frankie Boucher, certainement aussi âgé que Morenz, a repris le jeu, cette année même, après avoir eu la jambe fracturée. Aurèle Joliat a commencé sa carrière fameuse avec les Canadiens, après avoir eu une jambe fracturée au football, un an auparavant. Il y a aussi Pit Lépine, qui s’est fracturé une jambe, il y a quelques années, à New York et qui a joué, jusqu’à un accident récent, comme une grande étoile. Espérons.

« Si, par malchance, par grande malchance, Howie ne revenait plus sur la glace, ce qui lui ferait le plus de peine probablement, ce serait de ne pas avoir atteint son objectif de 500 points, dans sa brillante carrière dans le hockey. Howie a toujours déclaré, en effet, Qu’il se retirerait de lui-même quand il aurait un total de 500 points, buts et assistances, à son actif. »

On sait ce qui survint. Howie ne revint jamais sur la glace et il décédait, comme nous l’avons dit, le 8 mars 1937. Quelques jours plus tard, l’auteur de ces lignes lui consacrait toute la dernière page dans « Le Petit Journal » avec les témoignages de tous les grands sportifs dans toutes les sections du sport. D’autre part, il écrivait ce qui suit, en éditorial:

« Que puis-je ajouter vraiment? Le monde du hockey, le monde sportif et même tout le monde a rendu hommage et respect au grand disparu.

« Jamais un athlète, au Canada pour le moins, n’a eu des obsèques comme celles dont on a été témoin, jeudi.

« Jamais la disparition d’un sportif n’a causé une telle impression! « Il ne s’agissait pas simplement d’une manifestation de deuil, mais d’une douleur profonde ressentie par tous.

« Mardi, le 9 mars, lorsque les Canadiens ont pris la glace, devant une foule nombreuse, on n’entendit aucun cri de ralliement, rien, rien …

« Il en fut de même lors de l’entrée des Maroons. Les partisans du club de Gorman étaient nombreux, cependant. Pour une rare fois. l’enthousiasme ne l’emportait pas. Eux non plus n’étaient pas gais, loin de là.

« Puis eurent lieu les deux minutes de silence, alors que les membres des deux clubs étaient alignés, à l’attention, sur cette glace où Howie avait tant brillé.

« On aurait pu, vraiment, entendre une mouche. Jamais, une scène sportive ne fut plus impressionnante.

« Chez les joueurs, des larmes se distinguaient facilement et pas seulement sur les figures des Canadiens.

« Dans la foule nombreuse, pas une réflexion, même à voix basse, pas un mot, simplement un profond regret, le respect, le souvenir du grand disparu.

« Pendant ce temps, les lumières s’éteignaient par degré, après avoir été brillantes au possible, images du météore qui disparaît pour toujours …

« Puis, c’était le début de la partie, le silence continuait. Cherchait-on l’ombre du grand Morenz? C’était tout comme …

« La lumière était revenue brillante, cependant, et l’ombre, certainement présente, était invisible …

« Même Quand les Maroons prirent l’avantage au début, les partisans du club anglais manifestaient à peine; la pensée de Morenz, le respect et le partage du deuil des partisans des Canadiens …

« Après la joute, Cecil Hart, peut-être le plus affecté de tous avec Joliat, à l’exception de sa famille, nous confiait:

‘Tétais convaincu que nous ne pouvions pas gagner. J’avais, dans un suprême effort de contrôle de mes nerfs, parlé à mes joueurs, avant la joute. Je leur avais demandé de gagner pour Howie … mais ils étaient trop visiblement émus par la réalité; non, ils ne pouvaient gagner dans cet état d’âme …

« Oui, c’était la réalité Qui faisait tout cela », de continuer Cecil.

« Mais le souvenir sera différent. Les prouesses accomplies par le grand Howie n’auront pas été inutiles, pas plus dans l’avenir que dans le passé … elles serviront d’inspiration, de source d’énergie. de mouvement, de courage, toutes ces qualités que Howie Morenz possédait si complètement.

« Puis » jeudi 11 mars, le témoignage du grand public. Une foule nombreuse au Forum, comme on n’en a jamais vue. Toutes les classes de la société présentes. Tous les clubs de la Ligue Nationale représentés. Coéquipiers de Morenz, anciens comme actuels, montant la garde du cercueil installé au centre de la glace, à l’endroit même où Howie revenait toujours, après avoir accompli ses si nombreux exploits, ses exploits si prodigieux …

« Puis, enfin, le départ du corps de cet athlète que seule la mort a pu réduire à l’immobilité.

Plus jamais on ne le reverra, mais le stage si long d’une comète, d’un météore, ne s’oublie jamais, surtout quand, sur son passage, cet astre éblouissant a laissé des signes ineffaçables de grande valeur de courage héroïque, de gloires innombrables' »

CHIFFRES QUI PARLENT PAR EUX-MÊMES

Voici maintenant les chiffres qui parlent par eux-mêmes de la carrière météorique de Howie Morenz dans la Ligue Nationale:

Éliminatoires

Saison Buts Ass. Points B. A. Pt.

1923-24 13 3 16 7 2 9

1924-25 27 7 34 7 1 8

1925-26 23 3 26

1926-27 25 7 32 1 0 1

1927-28 33 18 51 0 0 0

1928-29 17 10 27 0 0 0

1929-30 40 10 50 3 0 3

1930-31 28 23 51 1 4 5

1931-32 24 25 49 1 0 1

1932-33 14 21 35 0 3 3

1933-34 8 13 21 1 1 2

1934-35 8 26 34 0 0 0

1935-36 6 15 21

1936-37 4 16 20

Grand total 270 197 467 21 11 32

Morenz termina en tête des pointeurs de la Ligue en 1927-28 et en 1930-31. Les équipes d’étoiles commencèrent en 1930-31. Morenz fut choisi, dès la première fois et il fut aussi désigné la seconde année. La troisième année, il fut élu sur la 2e équipe. Souvent, il fut mentionné comme le meilleur centre de tous les temps.

Howie Morenz a aussi mérité le plus grand honneur individuel dans la Ligue, celui du trophée Hart accordé au joueur le plus utile à son club, trois saisons, soit en 1927-28, 1930-31 et 1931-32.

AU TEMPLE DE LA RENOMMÉE

Enfin, on sait que Morenz a été élu au Temple de la Renommée du hockey. Il est devenu le 2e joueur du Canadien à obtenir cet honneur, le premier ayant été Georges Vézina. Un autre du Canadien devait suivre Morenz, Aurèle Joliat qui a été élu il y a quelques années. Depuis Joe Malone et « Newsy » Lalonde ont été choisis. Comme résultat, le Canadien compte cinq de ses anciens joueurs au Temple de la Renommée, plus que tout autre club de la Ligue Nationale.