Loi sur l’avenir du Québec


Annexe -10-

LOI SUR L’AVENIR DU QUÉBEC

Notes explicatives

Ce projet de loi propose que le Québec devienne démocratiquement un pays souverain. Il autorise donc l’Assemblée nationale, dans le cadre des modalités qui y sont contenues, à proclamer la souveraineté du Québec et à donner effetà la déclaration de souveraineté inscrite au préambule du projet de loi.

Le projet de loi prévoit que la proclamation de souveraineté doit être précédée d’une offre formelle de partenariat économique et politique avec le Canada. Le gouvernement du Québec est donc tenu de proposer au gouvernement du Canada la conclusion d’un traité de partenariat économique et politique sur la base de l’entente intervenue le 12 juin 1995 entre le Parti québécois, le Bloc Québécois et l’Action démocratique du Québec et reproduite en annexe au projet de loi. En outre un comité d’orientation et de surveillance des négociations relatives au traité de partenariat sera établi.

Le projet de loi prévoit également l’élaboration par une commission constituante d’une nouvelle constitution québécoise. Ce projet de constitution sera déposé àl’Assemblée nationale qui en approuvera la teneur définitive. Il sera ensuite soumis à la consultation populaire pour devenir, après son approbation, la loi fondamentale du Québec.

La nouvelle constitution du Québec devra préciser que le Québec est un pays de langue française et faire obligation au gouvernement d’assurer la protection et le développement de la culture québécoise. Elle devra comporter une charte des droits et libertés de la personne et, dans le respect de l’intégrité du territoire québécois, donner des garanties quant aux droits de la communauté anglophone et des nations autochtones.

La nouvelle constitution affirmera en outre le principe de la décentralisation des pouvoirs spécifiques et des ressources fiscales et financières correspondantes seront attribués par la loi aux autorités locales et régionales.

Le projet de loi donne des précisions sur le territoire d’un Québec souverain, sur la citoyenneté québécoise, sur la monnaie qui aura cours légal au Québec ainsi que la participation du Québec aux traités, organisations et alliances internationales. Il assure la continuité des lois, au versement des pensions et des prestations aux citoyens du Québec, des permis, des contrats et des tribunaux.

Concernant les fonctionnaires et employés fédéraux qui sont domiciliés au Québec, le projet de loi indique que le gouvernement s’assure que ces derniers puissent devenir des fonctionnaires ou employés du gouvernement du Québec s’ils en expriment le désir. Le gouvernement pourra, afin de faciliter ce transfert, conclure des ententes avec toute association d’employés ou toute autre personne et mettre sur pied un programme de mise à la retraite volontaire. Le projet de loi prévoit également que le gouvernement donnera suite à tout arrangement de retraite ou de départ volontaire dont bénéficierait une personne transférée.

Le projet de loi contient en outre les dispositions relatives à l’adoption d’une constitution transitoire et à la conclusion d’un accord sur le partage équitable de l’actif et du passif du gouvernement du Canada.

Enfin, le projet de loi fixe la durée des négociations avec le Canada sur le traité de partenariat et détermine quand et comment pourra se faire la proclamation de l’Assemblée nationale permettant au Québec d’acquérir e pouvoir exclusif d’adopter toutes ses lois, de prélever tous ses impôts et de conclure tous ses traités, bref d’accéder au concert des nations à titre de pays souverain.

PRÉAMBULE

DÉCLARATION DE SOUVERAINETÉ

Voici venu le temps de la moisson dans les champs de l’histoire. Il est enfin venu le temps de récolter ce que semaient pour nous quatre cent ans de femmes et d’hommes et de courage, enracinés au sol et dedans retournés.

Voici que naît pour nous ancêtres de demain, le temps de préparer pour notre descendance des moissons dignes des travaux du passé.

Que nos travaux leur ressemblent et nous rassemblent enfin.

A l’aube du XVII siècle, les pionniers de ce qui allait devenir une nation, puis un peuple, se sont implantés en terre québécoise. Venus d’une grande civilisation, enrichis par celles des Premières Nations, ils ont tissé des solidarités nouvelles et maintenu l’héritage français.

La conquête de 1760 n’a pas brisé la ténacité de leurs descendants à demeurer fidèles à un destin original en Amérique. Dès 1774, par l’Acte de Québec, le conquérant reconnaissait le caractère distinct de leurs institutions. Ni les tentatives d’assimilation, ni l’Acte d’Union de 1840 ne sont parvenus à mater leur endurance.

La communauté anglaise qui s’est établie à leurs côtés, les immigrants qui se sont joints à eux ont contribué à former ce peuple qui, en 1867, est devenu l’un des deux fondateurs de la fédération canadienne.

Nous, peuple d’ici,

Parce que nous habitons les territoires délimités par nos ancêtres, de l’Abitibi aux Îles-de-la-Madeleine, de l’Ungava aux frontières américaines, parce que depuis quatre cents ans, nous avons défriché, labouré, arpenté, creusé, pêché, construit, recommencé, discuté, protégé et aimé cette terre que le Saint-Laurent traverse et abreuve;

Parce que cette terre bat en français et que cette pulsation signifie autant que les saisons qui la régissent, que les vents qui la plient, que les gens qui la façonnent;

Parce que nous y avons créé une manière de vivre, de croire et de travailler originale;

Parce que dès 1791, nous y avons instauré une des premières démocraties parlementaires au monde et que nous n’avons cessé de la parfaire;

Parce que l’héritage des luttes et du courage passés nous incombe et doit aboutir à la prise en charge irrévocable de notre destin;

Parce que ce pays est notre fierté et notre seul recours, notre unique chance de nous dire dans l’entièreté de nos natures individuelles et de notre cœur collectif;

L’hiver nous est connu. Nous savons ses frimas, ses solitudes, sa fausse éternité et ses morts apparentes. Nous avons bien connu ses morsures.

Nous somme entrés dans la fédération sur la foi d’une promesse d’égalité dans une entreprise commune et de respect de notre autorité en plusieurs matières pour nous vitales.

Mais la suite a démenti les espoirs du début. L’État canadien a transgressé le pacte fédératif en envahissant de mille manières le domaine de notre autonomie et en nous signifiant que notre croyance séculaire dans l’égalité des partenaires était une illusion.

Nous avons été trompés en 1982, quand les gouvernements du Canada et des provinces anglophones ont modifié la Constitution en profondeur et à notre détriment, passant outre à l’opposition catégorique de notre Assemblée nationale.

Deux fois depuis, on a tenté de réparer ce tort. En 1990, l’échec de l’accord du lac Meech a révélé le refus de reconnaître jusqu’à notre caractère distinct. En 1992, le rejet de l’accord de Charlottetown, et par les Canadiens et par les Québécois, a consacré l’impossibilité de tout raccommodement.

Parce que nous avons perduré en dépit des tractations et des marchandages dont nous avons été l’objet;

Parce que le Canada, loin de s’enorgueillir de l’alliance entre ses deux peuples et de la clamer au monde, n’a eu de cesse de la banaliser et de consacrer le principe d’une égalité factice entre provinces;

Parce que depuis la Révolution tranquille, nous avons pris le parti de ne plus nous cantonner dans la survivance mais, désormais, de construire sur notre différence;

Parce que nous avons l’intime conviction que persister à l’intérieur du Canada signifierait s’étioler et dénaturer notre identité même;

Parce que le respect que nous nous devons à nous-mêmes doit guider nos actes;

Nous peuple du Québec, affirmons notre volonté de détenir la plénitude des pouvoir d’un État; voter toutes nos lois, prélever tous nos impôts, signer tous nos traités et exercer la compétence des compétences en concevant et maîtrisant, seuls, notre loi fondamentale.

Pour les gens de ce pays qui en sont la trame et le fil et l’usure, pour ceux et celles de demain que nous voyons grandir, l’être précède l’avoir. Nous faisons de ce principe le cœur de notre projet.

Notre langue scande nos amours, nos croyances et nos rêves pour cette terre et pour ce pays. Afin que le profond sentiment d’appartenance à un peuple distinct demeure à jamais le rempart de notre identité, nous proclamons notre volonté de vivre dans une société de langue française.

Notre culture nous chante, nous écrit et nous sommes à la face du monde. Elle se colore et s’accroît de plusieurs apports. Il nous importe de les accueillir, pour que jamais ces différences ne soient considérées comme menaces ou objets d’intolérance.

Ensemble, nous célébrons les joies, nous éprouverons les chagrins que la vie mettra sur notre route. Surtout, nous assumerons nos succès et nos échecs, car dans l’abondance comme dans l’infortune nous aurons fait nos propres choix.

Nous savons de quelles vaillances se sont construites les réussites de ce pays. Ceux et celles qui ont bâti le dynamisme du Québec tiennentà léguer leurs efforts aux vaillances de demain. Notre capacité d’entraide et notre goût d’entreprendre sont une force. Nous nous engageons à reconnaître et à encourager ce «cœur à l’ouvrage» qui fait de nous des bâtisseurs.

Nous partageons avec les pays de même taille que le nôtre cette vertu particulière de s’adapter vite et bien aux défis mouvants du travail et des échanges. Notre aptitude au consensus et à l’invention nous permettra de prendre bonne place à la table des nations.

Nous entendons soutenir l’imagination et la capacité des collectivités locales et régionales dans leur volonté de développement économique, social et culturel.

Gardiens de la terre, de l’eau et de l’air, nous agirons avec le souci de la suite du monde.

Gens de ce nouveau pays, nous nous reconnaissons des devoirs moraux de respect, de tolérance et de solidarité les uns envers les autres.

Réfractaires à l’autoritarisme et à la violence, respectueux de la volonté populaire, nous nous engageons à garantir la démocratie et la primauté du droit.

Le respect de la dignité des femmes, des hommes et des enfants et la reconnaissance de leurs droits et libertés constituent le fondement de notre société. Nous nous engageons à garantir les droits civiles et politiques des individus, notamment le droit à la justice, le droit à l’égalité et le droit à la liberté.

Le combat contre la misère et la pauvreté, le soutien aux jeunes et aux aînés, sont essentiels à notre projet. Les plus démunis d’entre nous peuvent compter sur notre solidarité et sur notre sens des responsabilités. Le partage équitable des richesses étant notre objectif, nous nous engageons à promouvoir le plein emploi et à garantir les droits sociaux et économiques notamment le droit à l’éducation, le droit aux services de santé ainsi qu’aux autres services sociaux.

Notre avenir commun est entre les mains de tous ceux pour qui le Québec est une patrie. Parce que nous avons à cœur de conforter les alliances et les amitiés du passé, nous préserverons les droits des Premières Nations et nous comptons définir avec elles une alliance nouvelle. De même, la communauté anglophone établie historiquement au Québec jouit de droits qui seront préservés.

Indépendants, donc pleinement présents au monde, nous entendons oeuvrer pour la coopération, l’action humanitaire, la tolérance et la paix.

Sans jamais renoncer à nos valeurs, nous nous emploierons à tisser par ententes et par traités des liens mutuellement bénéfique avec les peuples de la terre. Nous voudrons en particulier inventer avec le peuple canadien, notre partenaire historique, de nouvelles relations nous permettant de maintenir nos rapports économiques et de redéfinir nos échanges politiques. Nous déploierons aussi un effort singulier pour resserrer nos liens avec les peuples des États-Unis et de la France et ceux des autres pays des Amériques et de la Francophonie.

Pour accomplir ce projet, maintenir la ferveur qui nous habite et nous anime, puisque le temps est venu de mettre en train la vaste entreprise de ce pays;

Nous, peuple du Québec, par la voix de notre Assemblée nationale, proclamons:

Le Québec est un pays souverain.

LE PARLEMENT DÉCRÈTE CE QUI SUIT:

DE L’AUTODÉTERMINATION

1. L’Assemblée nationale est autorisée, dans le cadre de la présente loi, à proclamer la souveraineté du Québec.

Cette proclamation doit être précédée d’une offre formelle de partenariat économique et politique avec le Canada.

DE LA SOUVERAINETÉ

2. A la date fixée dans la proclamation de l’Assemblée nationale, la déclaration de souveraineté inscrite au préambule prend effet et le Québec devient un pays souverain; il acquiert le pouvoir exclusif d’adopter toutes ses lois, de prélever tous ses impôts et de conclure tous ses traités.

DU TRAITÉ DE PARTENARIAT

3. Le gouvernement est tenu de proposer au gouvernement du Canada la conclusion d’un traité de partenariat économique et politique sur la base de l’entente tripartite du 12 juin 1995 reproduite en annexe.

Ce traité doit, avant d’être ratifié, être approuvé par l’Assemblée nationale.

4. Est établi un comité d’orientation et de surveillance des négociations relatives au traité de partenariat, formé de personnalités indépendantes nommées par le gouvernement conformément à l’entente tripartite.

5. Le gouvernement doit favoriser l’établissement dans la région de l’Outaouais du siège des institutions créées par le traité du partenariat.

NOUVELLE CONSTITUTION

6. Un projet de nouvelle constitution sera élaboré par une commission constituante établie conformément aux prescriptions de l’Assemblée nationale. Cette commission, composée d’un nombre égal d’hommes et de femmes, sera formée d’une majorité de non-parlementaires et comprendra des Québécois d’origines et de milieux divers.

Les travaux de cette commission doivent être organisés de manière à favoriser la plus grande participation possible de citoyens dans toutes les régions du Québec, y compris, par la création de sous-commissions régionales.

Le projet de la commission est déposé à l’Assemblée nationale qui en approuve la teneur définitive. Ce projet est ensuite soumis à la consultation populaire et devient, après son approbation, la loi fondamentale du Québec.

7. La nouvelle constitution précisera que le Québec est un pays de langue française et fera obligation au gouvernement d’assurer la protection et le développement de la culture québécoise.

8. La nouvelle constitution affirmera la primauté de la règle de droit et comportera une charte des droits et des libertés de la personne. Elle affirmera également que les citoyens ont des responsabilités les uns envers les autres.

La nouvelle constitution garantira à la communauté anglophone la préservation de son identité et de ses institutions. Elle reconnaîtra également aux nations autochtones le droit de se gouverner sur des terres leur appartenant en propre et de participer au développement du Québec; en outre, les droits constitutionnels existants des nations autochtones y seront reconnus. Cette garantie et cette reconnaissance devront s’exercer dans le respect de l’intégrité du territoire québécois.

Des représentants de la communauté anglophone et de chacune des nations autochtones doivent être invités par la commission constituante à participer à ses travaux pour ce qui est de la définition de leurs droits. Ceux-ci ne pourront être modifiés que suivant des modalité particulières.

9. La nouvelle constitution affirmera le principe de la décentralisation. Des pouvoirs spécifiques et des ressources fiscales et financières correspondantes seront attribués par la loi aux autorités locales et régionales.

TERRITOIRE

10. Le Québec conserve les frontières qui sont les siennes au sein de la fédération canadienne à la date de son accession à la souveraineté. Il exerce ses compétences sur son territoire terrestre, aérien et maritime, de même que sur les espaces adjacents à ses côtes, conformément aux règles du droit international.

CITOYENNETÉ

11. Acquiert la citoyenneté québécoise toute personne qui a la citoyenneté canadienne et qui est domiciliée au Québec à la date de l’accession à la souveraineté.

Acquiert également la citoyenneté québécoise toute personne qui est née au Québec, et est domiciliée à l’extérieur du Québec à la date de l’accession à la souveraineté et réclame la citoyenneté québécoise.

Dans les deux ans qui suivent la date de l’accession à la souveraineté, toute personne ayant la citoyenneté canadienne qui vient s’établir au Québec ou qui, sans être domiciliée au Québec, y a établi des liens manifestes peut réclamer la citoyenneté québécoise.

12. La citoyenneté québécoise peut être obtenue, après l’accession à la souveraineté, dans les cas et aux conditions prévus par la loi. Celle-ci doit notamment prévoir que la citoyenneté québécoise est attribuée à toute personne qui est née au Québec ou qui est née à l’étranger d’un père ou d’une mère ayant la citoyenneté québécoise.

13. La citoyenneté québécoise peut être cumulée avec celle du Canada et de tout autre pays.

MONNAIE

14. La monnaie qui aura cours légal au Québec demeure le dollar canadien.