au 21 avril 2002


Ce dialogue permet à Mansour de parler de sa jeunesse et à Claude de comparer la sienne avec celle de son ami. Puis, il discute des interventions américaines dans différents pays dont le Venezuela.

21 avril 2002

Mansour: En fin de compte, malgré nos profondes différences de culture, toi et moi arrivons tout de même à trouver des dénominateurs communs assez variés dans nos approches d’analyse des situations internationales. Il faut croire qu’il y a tout de même une pensée universelle à laquelle toi et moi avons la chance d’appartenir. Cette pensée universelle est certainement issue de la culture française crée par les Voltaire, les Rousseaux et les Diderots de la France. Je suis persuadé, pour ce qui me concerne, que cette culture qui permet toujours de croire que je peux penser en tant qu’homme réfléchi, même si souvent je me laisse emporter par mes sentiments.

Claude: Je ne suis pas certain si je suis en accord avec toi sur ce que tu dis. Je n’ai jamais entendu parler de Voltaire et cie avant mon temps de collège et même là, nos cours sur l’histoire, la littérature et la langue française, dans ce collège scientifique, étaient limités par rapport à ceux qui se donnaient dans les collèges à cours classique. Certes on m’a enseigné Voltaire et Rousseau mais je ne rappelle pas de Diderot. Notre étude était superficielle et nous n’étudions pas leurs pensées profondes. Aujourd’hui, tu me demanderais de te résumer leur apport à notre société que j’aurais beaucoup de difficultés à le faire. Comme toi, ma pensée est issue de l’éducation que j’ai reçue, des valeurs morales que l’on m’a inculquées et du gros bon sens. Rien de plus, rien de moins.

Mansour: Je t’assure que durant toute ma vie, même durant la période de mon adolescence où je luttais contre le colonialisme français, j’ai toujours essayé de justifier mes actions en fonction des nobles principes de la révolution française universelle. Mon père, qui était tout de même un Moulah important en Kabylie, avait tout fait pour m’arracher à l’emprise de la culture française. Il avait même décidé de m’inscrire dans une école coranique justement pour sauver au moins un de ses garçons de l’influence française. Tout d’abord, il avait refusé de me mettre à l’école française quand j’ai atteint l’âge de 6 ans. Il a fallu que mon frère aîné, qui était, à l’époque, recherché par les forces de sécurité française, en 1948, me trouve dans la rue, à côté de notre maison, pour m’introduire à la civilisation française. J’avais déjà 9 ans, et mon frère aîné m’avait par le cou et m’a traîné sur plus de 2 km pour m’inscrire dans une école indigène. Heureusement pour moi, le directeur de l’école était un véritable républicain français et malgré mon age avancé m’avait accepté à son école. Et pendant plus de deux ans mon père ne savait pas que je continuais à fréquenter l’école coranique du coin tout en allant à l’école française. Mais, malgré tous mes efforts, sautant une classe chaque année, je me suis retrouvé à l’âge de 13 ans éliminé et sans chance de préparer le concours d’entrée en 6ième année du secondaire.

J’ai donc dû accepter de préparer mon certificat d’études primaires qui me donna un diplôme destiné à tous les algériens qui ne pouvaient pas aller plus loin dans leurs études, durant ce temps là. J’ai préparé ce diplôme aussi assidûment que possible et le jour où je l’ai obtenu je n’ai même pas eu le courage d’informer mon père de mon succès puisque je savais qu’il voulait arrêter mes études. J’avais déjà pris l’initiative de préparer un concours pour passer dans une école professionnelle qui me permettrait d’avoir un métier professionnel. Après avoir passé ce concours, il s’est avéré que mon instituteur avait rencontré mon père à la mosquée de Tizi Ouzou et l’avait félicité de mes succès. Tout ce que j’ai reçu de mon père ce soir là, c’est une bonne bastonnade. Tout d’abord, il m’a accusé de lui avoir caché mon succès au certificat d’études primaire, mais surtout de ne lui avoir rien dit concernant mes intentions de continuer mes études, alors que de son côté il s’était déjà engagé vis-à-vis d’une grande école coranique. Il avait même déjà commencé à préparer mon trousseau. Mais moi, je ne voulais que suivre la trace de mes aînés qui avaient tous été au moins jusqu’au niveau du secondaire français. Mon vieil instituteur qui était Kabyle m’avait soufflé à l’oreille qu’il n’était pas encore trop tard pour moi pour continuer mes études au lycée de Tizi Ouzou. Tout ce que j’avais à faire c’était de passer un concours pour sauter la première année du lycée. Pour cela, je devais étudier et refaire tout le programme de cette première année du lycée et tenter ma chance à un examen avec tous les enfants qui avaient eu des difficultés à finir leur première année scolaire du secondaire.

J’ai passé tout l’été à refaire seul tout le programme de la 6ième année du secondaire, alors que mon père me préparait pour commencer mon internat dans une école coranique afin de le remplacer un jour. Même après avoir réussi à me faire admettre en seconde année du lycée, mon père continuait à maintenir que mon avenir était dans le choix qu’il avait déjà tracé. Mais heureusement pour moi, tous mes frères s’étaient pour une fois soulevés contre la décision de notre père et l’ont forcé à reconnaître que mon avenir était du côté du système éducatif français et non de la Zaouïa où il voulait m’envoyer.

Claude: Ce récit est émouvant et je suis content de le connaître. Quelle différence avec moi! J’ai eu une jeunesse beaucoup plus facile. Je n’ai jamais eu à combattre pour faire ce que je devais faire car je ne faisais que ce que mes parents voulaient que je fasse. Finalement, je suis ce que je suis à cause d’eux. Mon père et ma mère étaient de modestes travailleurs vivant dans le quartier le plus pauvre de Montréal et ils se sont mariés parce qu’ils s’aimaient et je soupçonne pour se sortir de leur milieu familial et du marasme économique dans lequel ils se trouvaient. Il était barbier, elle modiste. Quelques 10 mois après leur mariage, je suis né dans ce quartier de St-Henri où mon père avait sa «shop» de barbier et ils ont décidé de partir pour un nouveau quartier voisin, celui de la ville de Verdun, afin de s’établir et fonder un commerce de barbiers et de coiffeuses. Mon père avait des qualités d’hommes d’affaires même s’il n’avait pas fait plus qu’une 9ième année, et ma mère était une femme rare, belle, et intelligente en plus d’être très débrouillarde et travaillante. Mon père s’occupait de la «barber shop» et ma mère du «beauty parlor». Ils ont fait cela durant une quinzaine d’années et ont eu de bons succès. Parce qu’ils devaient travailler le soir et les fins de semaine, ils m’ont placé comme pensionnaire dans un des meilleurs pensionnats de Montréal, celui des sœurs du Saint Nom-de-Jésus-et-de-Marie.

Puis, au collège Notre Dame et enfin au collège Mont-Saint-Louis pour suivre un cours scientifique. Tout ce temps là, j’étais un fils sage, obéissant et très heureux au sein de ma famille. Je ne me rappelle pas d’avoir contesté une fois une décision de mes parents. Nous vivions une vie de catholiques pratiquants et jusqu’à l’âge de 26 ans, je n’ai jamais manqué la messe du dimanche en plus de participer à un très grand nombre de cérémonies religieuses que nous imposait la religion catholique. Remarque que je suis le premier Dupras depuis 1673, date où mon ancêtre français a immigré en Nouvelle-France, qui a fait plus qu’une 9ième année scolaire. Je n’ai réalisé cela que plus tard en pensant à mes parents qui ont travaillé durement afin de me permettre d’aller dans les meilleures écoles. Quelle chance d’avoir de tels parents ! Mais je vais t’admettre que durant tout ce temps de mon éducation, incluant celui de Polytechnique qui a suivi, je ne connaissais presque rien du monde et des problèmes qui y existaient. On ne faisait que m’inculquer des valeurs profondes sur la vie et je pense que ce sont elles qui m’ont guidé dans ma vie à ce jour.

J’ai obtenu mon diplôme de Polytechnique en 1955, mais ce n’est qu’en 1967 que mes yeux se sont ouverts sur le monde, même si j’avais fait quelques voyages à l’étranger avant cette date (France, Mexique, Cuba, USA). L’Expo 67 à Montréal, que j’ai visité plus de 55 fois, a attisé ma curiosité, mon intérêt, mon désir de connaître les pays et les cultures du monde et m’a transformé. Je suis devenu affamé pour tout voir et tout comprendre. Depuis, j’ai visité plus de 85 pays. Pendant ce temps, j’ai développé un intérêt particulier pour la politique: locale, provinciale et nationale. Je me suis engagé profondément. Ce fut ma vie de 20 à 55 ans. Vers 1975, j’ai eu la chance d’obtenir un contrat en Algérie. Il a été un point tournant important de ma vie. Il m’a amené plus de 35 fois en Algérie et dans les pays voisins du Maghreb et de l’Europe. Ces voyages et ces rencontres ont contribué à mon développement personnel, à mon ouverture d’esprit en me mettant en contact avec des sujets que je ne connaissais absolument pas, tels: le monde arabe, les Kabyles, la politique de ces régions, le mode de vie de ces peuples, leurs relations avec les autres pays du monde, la religion musulmane, etc… Quel apport incroyable à ma culture, à mes connaissances, à mon jugement et à mes appréciations! J’étais une antenne. Je captais tout et ce nouveau bagage de connaissances s’ajoutait à mes valeurs acquises lors de ma jeunesse, à mes expériences découlant de mes actions politiques dans mon pays et aux lectures que l’ensemble m’inspirait. Je suis devenu ce que je suis à cause de tout cela.

Mansour: J’avais à peine commencé mes études secondaires lorsque la guerre de libérationa été lancée. J’ai profité notamment de l’éducation de mon frère aîné, qui avait déjà passé plus d’une décennie à lutter contre le colonialisme français, mais l’avait fait non pas au nom d’Allah et du prophète Mohammed, mais au nom des principes de la révolution française. C’est à travers lui que j’ai connu les pensées des Voltaires, Rousseaux, Diderot et Emile Zola. Je te parle de tout cela car je me rends compte aujourd’hui qu’en fin de compte je n’ai jamais été en réalité un Algérien comme tous les autres. Je suis un hybride des cultures arabe-islamique-berbère-francaise. Et c’est peut-être pour cela que je ne me sens jamais bien dans ma peau.

Claude: Peut-être, mais je crois que ce sont sur des questions de principes que l’on n’est pas bien dans sa peau. Notre être réagit vivement à des notions qui sont contraires à ce qu’il a appris.

Mansour: Malgré tous les doutes que j’ai concernant mes propres valeurs, je continue tout de même à croire qu’il ne faut jamais arrêter de lutter contre tout ce qui nous parait injuste, qu’il soit local, régional, national ou international. A l’heure où je t’écris ce message j’essaie de rédiger un article assez provocateur concernant l’avenir du mouvement des aarchs en Kabylie et de la nation algérienne toute entière. Je te ferai parvenir le texte de ce document dans quelques jours j’espère. Je veux continuer à croire à une nation algérienne une et indivisible mais pluriculturelle et démocratique, mais je t’avoue que si je dois choisir entre une Algérie arabo musulmane exclusive et la dislocation de cette nation pour laquelle nous avons déjà tant versé de sang, je choisirai sans hésitation la deuxième solution. Je suis avant tout Kabyle et je le resterai le reste de ma vie.

Claude: A mon avis, il ne faut pas douter de soit. Mieux vaut foncer, dire ce qui doit être dit, se réajuster si nécessaire mais faire ce que dois. On ne peut vivre heureux autrement! Je t’encourage à aller au bout de tes forces pour ce que tu penses tout en comprenant qu’une bataille se doit d’être gagnée et qu’il faut toujours user d’une bonne stratégie pour faire valoir et reconnaître ses idées. C’est le résultat qui compte. Et il vient à celui qui sait le planifier et est capable d’attendre…

Mansour: Lors ma dernière conversation avec notre ami Ahcène, j’ai eu l’impression que tu tiens toujours à ton voyage en Algérie. La vérité, c’est que je ne peux pas te donner de conseils à partir de Washington. Apparemment la situation en Kabylie semble calme. Mais il ne faut pas oublier que le mois de mai est encore devant nous. Ces élections législatives, auxquelles Bouteflika tient tellement, risquent d’embraser non seulement la Kabylie mais peut être même tout le pays. Nous sommes aujourd’hui devant la même situation qu’en 1988. Le peuple algérien en a raz le bol, comme on dit, de sa situation. Il suffit d’une petite étincelle pour que tout le pays s’enflamme.

Claude: Oui, j’aimerais bien aller en Algérie cette année. Que ce soit en mai ou en octobre, peu importe. Je compte sur vous pour me conseiller quant au temps!

Mansour: Concernant le Moyen-orient et comme je le prévoyais depuis le début de cette nouvelle crise, l’administration américaine s’est une fois de plus pliée devant les diktats Israéliens. Il y aura peut-être un semblant de cessez-le-feu ou plutôt un retrait symbolique des forces de répression d’Israël de la rive gauche du Jourdan, mais il n’y aura aucune garantie que ces mêmes forces reviennent dans les semaines ou les mois a venir. Powell a cédé à toutes les revendications de Sharon, même à la nécessité d’organiser une conférence soi-disant régionale pour éliminer, une bonne fois pour toute, Yasser Arafat de tout dialogue avec Israël. «But this is simply a pie in the sky». En dehors des Syriens et des Libanais qui ont encore des problèmes d’occupation israélienne aucun autre pays arabe n’a ce problème. Une fois de plus la diplomatie américaine essaie de trouver une nouvelle feuille de vigne derrière laquelle les autorités israéliennes pourraient se cacher pour refuser de reconnaître qu’elles occupent des territoires qui ne lui appartiennent pas. Mais cette stratégie ne verra pas le jour. Aucun pays arabe n’acceptera de participer à une telle conférence visant particulièrement l’élimination du représentant élu des Palestiniens.

A la fin de cette semaine, Powell reviendra du Moyen-orient avec les mains vides, et humilié par son propre gouvernement. Je me demande si Powell ne sera pas tenté de déposer sa démission après ce voyage catastrophique pour lui. Avant de partir, il avait l’appui inconditionnel de Bush junior. Pendant tout son périple au Moyen-orient il a été obligé de changer à maintes reprises ses positions pour refléter les derniers sondages de la presse et de l’opinion publique préparés par la Maison Blanche. En tous les cas une chose est maintenant certaine, jamais l’Amérique ne pourra être un médiateur indépendant dans la crise israélo palestinien et qu’à travers cela le monde arabe ne permettra jamais à Bush junior de monter une offensive militaire pour déboulonner Saddam Hussein. Même l’Arabie saoudite va commencer à se révolter contre l’attitude américaine vis-à-vis de l’Irak. Voilà le résultat diplomatique américain du fiasco de cette mission de Powell au Moyen-orient.

Claude: Oui, je te donne raison. Les USA ne pourront jamais être les médiateurs de ce conflit. Après avoir élevé la voix pour montrer son autorité, Ti-Bush se ridiculise en affirmant que Sharon est un apôtre de la paix! Cette affirmation m’a fait sursauter ! Quelle sottise ! Quelle fausseté ! Quelle propagande ! Powell devient un pauvre homme qui ne croit absolument pas dans la démarche et les «somersaults» que lui impose son président. Comme toi, je pense qu’il devrait démissionner immédiatement et confirmer ainsi, ce que le monde entier pense déjà de toute façon, que les USA n’agissent pas impartialement dans ce conflit. Powell a perdu la face comme pas un et n’a pu cacher son amère déception à la fin de son voyage. Peut-il vraiment demeurer en poste?

Mansour: Pour ce qui est des régimes arabes fantoches, je crois que nous en avons assez discuté dans le passé. Mais je perds confiance dans l’avenir de cette région du globe car je ne vois pas d’autres solutions que les régimes qui les gouvernent. Je continue à espérer que les transformations vécues ces derniers temps en Amérique latine pourraient un jour se reproduire dans cette région de la méditerranée. Mais je ne suis pas très optimiste. Il y a une très grande révolution culturelle à réaliser dans cette région avant d’être en mesure de croire que des démocraties vivantes peuvent prendre racine dans cette région. Il suffit de voir les cauchemars que vit l’Algérie depuis plus de 10 ans pour se rendre compte du chemin qui reste à faire par toutes ces sociétés arabes avant de se prendre en charge et de rentrer enfin dans le monde moderne.

Si on considère que l’Algérie est un pays arabo musulman de culture (ce qui n’est pas entièrement vrai, du moins en Kabylie) et si on compare les relations centenaires que l’Algérie a toujours eu avec l’Europe en particulier, même du temps des Turks, avec les relations éphémères que le reste du monde arabe a eues avec cette civilisation occidentale, on ne peut qu’être très pessimiste concernant cette région du monde. Malgré toutes les attaches commerciales et culturelles que l’Algérie a eues avec le monde occidental depuis des siècles, l’Algérie d’aujourd’hui est très loin de se débarrasser du système politique ancestral des périodes glorieuses de l’empire musulman. Alors comment peut-on, aujourd’hui, espérer que les Égyptiens ou les Jordaniens, sans parler des Syriens ou des Irakiens puissent avoir une chance de créer des sociétés de droit, de justice pour tous, et surtout de démocratie. Cela ce fera un jour, il n’y a aucun doute a cela, mais je me demande si cela se fera de mon temps du moins.

Claude: Au moins, tu affirmes qu’il n’y a pas de doute que ces changements importants arriveront. Je suis en accord avec toi et je crois aussi qu’ils se réaliseront plus vite que nous pensons. Je vois dans l’événement du 11/9 une situation qui non seulement soulève le peuple de chacun de ces pays mais leur fait réaliser que leur gouvernement n’est pas démocratique. Ils voudront faire quelque chose pour le changer. Toutes les actions qui arrivent sont si importantes et fortes que les réactions seront à la même hauteur. Nous allons vivre, je crois, des moments graves et importants pour les pays arabes et nous allons être témoins de changements importants et bénéfiques pour ces pays.

Mansour: Je n’ai jamais dit que je détestais le peuple américain, loin de cela. La preuve, J’ai marié une américaine au moment ou j’étais le plus militant dans ma vie. Il ne faut jamais confondre les peuples avec ceux qui les gouvernent. Tout ce que je voulais te montrer du doigt, c’est qu’on le veuille ou non l’Amérique d’aujourd’hui se comporte comme l’empire de Rome du temps de sa gloire. Je ne suis pas le seul à affirmer cette réalité. Le général De Gaulle, qui aurait pu facilement être catalogué comme un républicain d’extrême-droite aux USA, a eu le courage d’expliquer et de dénoncer les intentions hégémonistes américaines dès le début de son retour au pouvoir en France. Et comme il le disait lui même en 1962, il était tout à fait naturel que l’Amérique veuille asseoir son hégémonie sur tout le monde soi-disant libre de l’époque. Mais De Gaulle s’était insurgé contre les tentatives américaines sur le continent européen en général et sur la France en particulier.

A chaque fois qu’un pays d’Amérique latine, par exemple, essaie de se soustraire à cette hégémonie américaine, l’administration américaine, qu’elle soit démocrate ou républicaine, fait de son mieux pour ramener la soi-disant brebis galeuse dans le troupeau américain. Regarde toute simplement le comportement de l’administration américaine vis-à-vis du dernier coup d’état militaire contre le régime dûment élu du Venezuela. Quelques heures seulement après le coup d’état le porte-parole de la Maison Blanche n’a rien trouvé de mieux que de justifier le coup d’état qui était de toute évidence anti-constitutionnel. Apparemment la démocratie n’a de valeur que quand elle sert les intérêts privés de l’oncle Sam. Mais ce que je trouve de plus grave c’est la réaction de la presse américaine, écrite et parlée. Tous les mass media, à commencer par CNN, ont présenté ce coup d’état comme une délivrance du peuple vénézuélien. Jamais ils n’ont parlé de coup d’état. Mais 48 heures après, sous pression probablement des autres pays de l’Amérique latine, le coup d’état s’est évaporé. Qu’il ait réussi ou échoué, je suis sûr que les peuples de l’Amérique latine ont tiré une conclusion que l’Amérique n’a pas changé de tactiques ni d’objectifs vis-à-vis leur continent. Ce n’est pas un hasard si le dernier coup d’état manqué au Venezuela ressemblait au coup d’état de Pinochet au Chili. Tout comme là en 1975, la CIA a organisé des grèves soi-disant populaires dans le secteur des hydrocarbures au Venezuela. Ensuite elle a choisi ce moment pour autoriser les membres des forces de sécurité vénézuéliennes, sous son contrôle, à prendre le pouvoir et s’arrêter le président élu par le peuple et installer un dirigeant fantoche de l’extrême-droite qui serait au service des intérêts américains. Pour une fois, je tire le chapeau à tous chefs d’état d’Amérique latine qui se sont opposés ouvertement à la nouvelle mascarade américaine dans leur région. Je crois que ce coup d’état manqué au Venezuela fera réfléchir la Maison Blanche en rapport avec ses idées de manipulations futures sur ce continent. Si seulement le reste du monde pouvait suivre l’exemple de l’Amérique latine. Est-ce le peuple américain qui est derrière cette folie de la Maison Blanche au Venezuela ? Certainement pas. Mais ce sont tous les Américains qui sont vus par les millions de latinos comme les «gringos» du nord qui n’ont rien appris de l’histoire et qui continuent à se comporter contre leurs intérêts.

Claude: Je sais que tu n’es pas un anti-peuple américain. Il est clair que tu n’aimes pas les politiques du gouvernement américain et que tu lui en mets pas mal sur le dos. Quant à moi, je pense que cela dépend de l’administration en place et qu’il ne faut pas juger les USA comme s’ils étaient toujours une influence négative sur la planète et le blâmer de tous les péchés d’Israël ! Avec Clinton, on ne connaissait pas ces dérapages en politique internationale. Et si Clinton était encore là, je crois que l’on ne vivrait pas ce que nous vivons actuellement, même après le 11/9. Quant au Venezuela, j’ai été très heureux de constater que tous les pays d’Amérique latine, même ceux qui n’aiment pas Chavez, ont immédiatement dénoncé le coup d’état et réclamé son retour. Les USA ont à nouveau perdu la face (décidément ti-Bush n’est pas fort). Personnellement, je vois, dans tout cela, l’influence de Fidel Castro. Il a vite compris que la prise de pouvoir par les intérêts capitalistes serait au détriment de toute la région. Je crois qu’il a su influencer indirectement le peuple vénézuélien. Peut-être que je fabule, mais pour moi il est clair que ce pauvre peuple a apprécié la visite récente de Fidel et compris les sens des accolades chaleureuses qu’il a accordées à Chavez. Je ne serais pas surpris que ces gestes aient été l’élément-motivateur de la révolte qui a ramené Chavez au pouvoir.

Mansour: Comme d’habitude mes messages ne sont pas structurés comme je l’aurais souhaité, mais je te dis ce que je pense au moment même ou je rédige mon message. Je n’essaie pas d’écrire des pamphlets à l’académie française des lettres. J’essaie de dialoguer avec toi aussi franchement que possible.

Claude: J’ai toujours apprécié ta spontanéité et ta sincérité. Il est vrai que nous pourrions échanger des messages plus travaillés et dans un meilleur français, mais ce qui compte c’est le fond de nos pensées, la spontanéité permettant de la révéler. À bientôt et salutations amicales.