au 28 janvier 2002


Ce dialogue traite de la situation des noirs en Amérique et des relations des Kabyles et des arabos-musulmans en Algérie.

Au 28 janvier 2002

Mansour: Je t’avoue que je m’attendais beaucoup à recevoir une réponse telle que tu m’as envoyée dans ton dernier message. Le problème entre toi et moi c’est que toi tu te places sur un plan purement intellectuel dans tes analyses des problèmes que nous avons débattus depuis quelques mois déjà, alors que de mon côté je réagis aux événements tels qu’ils me touchent au jour le jour. Je ne suis pas contre ta philosophie de non-violence en principe, mais je pense que tu te trompes lourdement quand tu penses que cette stratégie répond à tous les cas possibles de lutte contre l’injustice.

Claude: Je n’ai pas dit cela. Par exemple, l’agressivité d’Hitler se devait d’être répondue par la violence la plus totale. Mais dans le cas d’un opprimé, faible, sans défense et qui veut régler une injustice avec un adversaire beaucoup plus fort que lui et apparemment imbattable par les armes, il me semble que la non-violence est une stratégie qui mérite d’être analysée.

Mansour: De plus ta mémoire, je crois, semble s’adapter à ce que tu souhaiterais te rappeler de la lutte des noirs américains. Moi, j’étais en plein centre de cette lutte dans les années 60 aux USA, alors que j’étais étudiant à l’université du Kansas. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, les seuls mouvements de militants noirs sur le campus de l’université étaient en fait très violents. En aucun moment je n’ai vu des étudiants noirs propager une lutte non-violente pour récupérer leur dignité en tant que citoyens américains. Les mouvements le plus visibles au niveau du campus étaient les «black panthers » en grande partie et les mouvements noirs islamiques. Les disciples de Martin Luther King se faisaient tout petits dans ce petit monde universitaire que j’ai vécu dans les années 60.

Claude: Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de violence dans les universités ou ailleurs. J’aurais dû être aveugle et sourd et n’avoir aucune mémoire pour ne pas me rappeler actuellement ces évènements. Cependant, je ne crois pas que c’est à cause de cela que les noirs ont obtenu leur liberté et l’abolition de la ségrégation raciale dans le pays.

Mansour: J’ai aussi vécu les promesses de Kennedy pour ce peuple noir meurtri pendant des siècles. Une fois élu, il avait mis en voix de garage toutes ses promesses. Et si son successeur, Johnson a finalement poussé pour le passage des lois d’émancipation des noirs, c’est en grande partie parce qu’il ne voulait pas de troubles internes au moment où il se préparait à engager son pays dans une guerre au Viet Nam.

Claude: Tiens, voilà une affirmation gratuite. Où est la preuve de ce que tu avances? Tu sembles oublier que Kennedy a été assassiné. Je dis que la situation, lors de la présidence de Johnson, était devenu favorable à l’adoption des lois anti-raciales.

Mansour: Et surtout ne dis pas que c’est grâce à l’opinion publique américaine que les noirs ont finalement été reconnus comme citoyens entiers. Je me souviens des parents de mon épouse, qui durant les troubles sociaux des années 60 ne demandaient pas mieux que de mettre les noirs dans leurs trous s’ils le pouvaient. Et pourtant mes beaux-parents étaient des petites gens du Kansas, qui trimaient dur pour survivre et n’avaient pas réellement de problèmes avec les noirs, du moins directement. Ils n’ont commencé à changer de point de vue qu’au moment où leur fille décida de marier un africain, moi, et surtout quand leur fils unique s’approcha de la date de son incorporation pour aller au Viet Nam. Mais même aujourd’hui, 30 années après la proclamation de l’émancipation des noirs aux USA, je te prie de me croire que le racisme se porte très bien dans ce pays, malgré les paroles hypocrites des Bush et de leurs acolytes. Le jour même où Bush a fait semblant de célébrer Martin Luther King comme un grand leader de cette nation, il a tout de même décidé de proposer un raciste pour soi-disant défendre les droits des noirs en Amérique. L’individu proposé par Bush pour diriger le département « d’equal rights », n’a rien trouvé de mieux à dire qu’en fait les USA sont aujourd’hui soumis au racisme des noirs à travers ‘the equal rights amendments ».

Claude: Je n’ai jamais dit que le racisme n’existait pas aux USA. On a toujours vu des cas patents de racisme et on en voit encore. J’ai toujours été contre les républicains, et je continue à l’être, à cause justement de leurs positions politiques que j’ai toujours considérées comme teintées de racisme. C’est un parti de droite qui n’a aucune compassion pour les petits ou les minorités, et surtout les noirs. Il rassemble les pires éléments de la nation américaine et cela a été très évident lors de la dernière campagne électorale qui a propulsé Bush junior au pouvoir.

Si tes beaux-parents, comme les autres adeptes de l’«american dream», ont démontré de l’impatience face aux troubles sociaux, même s’ils n’avaient pas de problèmes personnels avec les noirs, cela démontre qu’ils étaient alors influencés par les médias. Martin Luther King a, par après, réussi à changer la vapeur de bord, et créer une atmosphère différente et plus positive.

Mansour: C’est tout à fait normal que plus de 50% des noirs continuent à vivre dans la pauvreté et que plus de 60% des incarcérés dans les prisons américaines sont des noirs. Apparemment, selon certains Américains c’est un peuple qui n’a que ce qu’il mérite. S’il est plus pauvre que jamais, c’est à cause de sa fainéantise génétique, disent-ils.

Claude: Oh! c’est est une affirmation très grave. Où prends-tu cela? As-tu en main des recherches qui prouvent ce «fainéantise génétique»? Sont-ce des recherches sérieuses, sur la génétique des populations, reconnues par les sommités généticiennes mondiales ? Je serai très surpris si tu me réfères à une telle recherche.

Mansour: …et si un jeune noir sur deux est sous les barreaux c’est que ce peuple est violent et ne croit qu’au gain facile de la drogue et du viol. Il y a à peu près 30 millions de noirs américains aujourd’hui et sur cette population nous avons plus d’un million de prisonniers dans les geôles américaines. Alors ne me parles pas des victoires de la stratégie de non-violence de Martin Luther King. Elle a certainement permis à une infime minorité de noirs de ramasser des miettes, mais le peuple noir américain ne se trouve pas mieux aujourd’hui qu’il ne l’était durant la période de Jim Crow.

Claude: Les noirs sont beaucoup mieux qu’avant les lois anti-raciales. Ils ont droit de vote, ils élisent des noirs, ils sont égaux avec les autres américains, et la loi les protège. Leur classe moyenne grandit rapidement et elle participe à la vie de la société. Ils sont en affaires et ils en font de grosses. Leur situation globale par rapport aux années de la ségrégation est immensément meilleure. Cela ne veut pas dire que la situation est parfaite. Le crime, même s’il diminue, est toujours là et la pauvreté aussi. Le racisme anti-noir est encore très fort chez certains blancs américains, et c’est une des explications, à mon point de vue, du fort pourcentage d’incarcération de noirs. Mais malgré cela, tous les jours portent des changements positifs importants. Tu es trop impatient, et tu ne sembles pas comprendre que petit à petit l’oiseau fait son nid. J’ai confiance dans l’avenir, et je crois que c’est possible qu’un jour on voit un président noir aux USA.

Mansour: Même les programmes d’affirmative action, qui dans les années 70 et 80 avaient tout de même donné quelques ouvertures aux masses noires est maintenant remis en cause, même par le parti démocrate qui pourtant ne peut gagner aucune élection locale ou nationale sans l’appui massif des populations noires. La situation actuelle des noirs en Amérique n’est guère différente de la situation des populations indigènes algériennes durant la colonisation française. L’autorité centrale donne quelques avantages à une minorité du peuple opprimé pour mieux perpétuer l’état de dépendance de la majorité de ces populations condamnées à la pauvreté et au mépris du reste de la société.

Claude: Tu as raison, c’est une démonstration du racisme encore vivant aux USA. Le projet de l’abolition de l’affirmation positive se veut une démonstration de l’indifférence ou du manque de compréhension de plusieurs américains sur la situation des noirs. S’ajoute à cela aussi, cette obsession permanente et maladive des payeurs de taxes américains de faire baisser leurs taxes. Ils ont visé le programme d’affirmation positive pour faire des économies.

Mansour: Je préférerais encore être un jeune de 18 ans n’ importe où en Afrique, et même en Algérie que d’être aux USA aujourd’hui. Pauvreté pour pauvreté, je préférerais tout de même garder un minimum de dignité et surtout la possibilité de me révolter contre le sort que l’on m’impose.

Claude: Les noirs américains ont le droit, le pouvoir de manifester et ils manifestent de toutes sortes de façon. Tu serais le seul algérien de 18 ans qui voudrait vivre en Algérie plutôt qu’aux USA.

Mansour: Cette discussion me rappelle une fois de plus mes leçons de littérature au lycée français durant ma jeunesse. Pierre Corneille dans son fameux ouvrage ‘ LE CID » disait ceci: » Oui, tout autre que moi au seul bruit de ton nom pourrait trembler d’effroi. Les palmes dont je vois ta tête si couverte semblent porter le destin de ma perte. J’attaque en téméraire un bras toujours vainqueur, … ayant assez de coeur, à qui venge son père il n’est rien impossible. Ton bras est invaincu, mais non pas invincible. …..D’une indigne pitié ton audace est suivie, qui m’ose ôter l’honneur craint de m’ôter la vie? Quant on a ôté l’honneur à tout un peuple, que lui reste t-il a faire ? Je sais que la violence n’est certainement pas la bonne solution pour les noirs américains ou toutes les autres minorités américaines traînées dans la boue depuis la création de cette nouvelle nation, mais il faut tout de même admettre que la non-violence n’a pratiquement rien apporté de substantiel dans ce pays qui se veut l’exemple pour l’humanité toute entière.

Claude: Les USA sont le plus grand pays du monde. Ce n’est pas pour rien. L’histoire de ce pays montre bien que le racisme a toujours existé. Italiens, Grecs, Vietnamiens, Chinois, Japonais, etc… ont tour à tour subi les mépris des blancs d’Amérique. Beaucoup de violences ont présidé aux solutions de conflits qui ont éclaté. Des millions de nouveaux venus ont été tués et perdus pour aider à développer le pays. Était-ce nécessaire? Au moins, Martin Luther King a compris la méthode Gandhi et a ainsi sauvé de la mort un très grand nombre de noirs et a atteint ses objectifs. Aujourd’hui, les noirs contribuent avec les autres à faire de ce pays un meilleur pays.

Mansour: Ne parlons pas surtout du sort des pauvres indiens d’Amérique qui sont toujours parqués dans leurs réserves jusqu’à ce jour. Mais il faut tout de même admettre que l’humanité aujourd’hui n’est guère plus humaine qu’elle ne l’était durant les Gengis Khan, les Attila ou les Vikings. En fin de compte, la culture n’est qu’un petit vernis qui disparaît très rapidement pour peu qu’on gratte un peu. Chassez le naturel et il revient au galop, comme on dit, n’est-ce pas ? Je t’avoue que si j’appartenais à la race des dominants je ne tiendrais pas le langage que je tiens aujourd’hui. Je n’en veux même pas à la race dominante, car c’est une loi naturelle à laquelle elle se soumet. J’en veux principalement aux populations assujetties qui acceptent cette loi du plus fort. Jamais l’Algérie d’aujourd’hui n’aurait existé si notre génération n’avait pas préféré mourir plutôt que de continuer à vivre dans la honte et le mépris. Je reproche aux générations qui nous ont suivi de retourner à la vie facile, n’exigeant aucun sacrifice, et renonçant au principe fondamental de notre lutte de libération, qui était vivre libre ou mourir debout. La soumission n’a jamais rien apporté de positif à toute communauté dans le monde.

Claude: Peut être, peux-tu comprendre que les Algériens de ta génération en ont eu assez, après de longues années, de la violence, des morts, des guerres et ont peut-être espéré pouvoir, comme les autres peuples de la planète, vivre en paix avec leurs familles. Il est facile de tenir ton discours. Tu ne sembles pas avoir perdu le feu sacré, mais ce n’est probablement plus celui des autres. La suite de la révolution dans ton pays sera sûrement l’affaire ou commence à être l’affaire des nouvelles générations, qui, elles n’auront pas connu les méfaits de la guerre.

Mansour: Mon problème avec ta théorie de lutte non violente c’est que tu acceptes que les opprimés soient massacrés à n’en plus finir, espérant qu’un jour ou l’autre l’opinion publique se retournera contre les oppresseurs.

Claude: Mon Dieu, que tu exagères!

Mansour: Mais l’histoire ne te donne pas raison de ce point de vue. Est-ce que tu crois réellement qu’un Ghandi aurait été plus utile qu’un Nelson Mandela pour libérer les noirs de l’Afrique du sud du joug de l’apartheid ? Tout comme Gandhi et Martin Luther King, Nelson Mandela n’a jamais hésité à mettre sa vie en danger pour défendre les droits universels de son peuple, mais il savait très bien que la voie pacifique n’allait nulle par avec le régime ségrégationniste de l’Afrique du sud. Est-ce que tu penses que Mandela a fait plus de mal que de bien à son peuple, alors qu’il a toujours préconisé la lutte armée pour se débarrasser, une bonne fois toute, de l’apartheid dans son pays.

Claude: J’ai compris que la loi sur l’apartheid a révolté le monde entier au point que les nations, comme le Canada, ont appliqué des sanctions économiques et politiques pour faire fléchir finalement le gouvernement sud-africain. Et Mandela, avocat, homme brillant, mais en geôle depuis plus de 25 ans devenait une idole mondiale qui représentait l’espoir des noirs de ce pays. Il y a eu beaucoup de violence dans ce pays, par les deux côtés, mais elle n’a pas été la cause de la fin du régime.

Mansour: Dieu sait combien j’ai lutté pour l’unité de la nation algérienne avant l’indépendance et même après. Mais je me rends compte aujourd’hui que je suis avant tout un Kabyle, bien que je souhaite toujours qu’une nation algérienne puisse se construire et se renforcer dans l’avenir. Comme je t’ai déjà fait remarquer, je ne crois qu’aux rapports de force. Mais je crois aussi que la vision d’un état nation ne peut se faire qu’à travers un dénominateur commun qui rassemblerait toutes les populations concernées. Aujourd’hui, nous avons un grand problème de vision complètement irréconciliable entre les Kabyles, d’une part et le reste des populations arabisées de l’Algérie. Les Kabyles sont culturellement très attachés à la culture française et occidentale, d’une manière générale, alors que les populations arabisées algériennes cherchent vainement à renouer le contact avec le passé glorieux de l’empire musulman du 11e siècle. Le drame de l’Algérie c’est que les deux côtés semblent avoir raison. Je n’ai pas de tact pour te décrire le choix douloureux de ces deux populations forcées à se barricader derrière leurs visions diamétralement opposées de l’avenir à offrir aux jeunes de la nation algérienne. Il est vrai que l’identité culturelle est souvent présentée même par les représentants du mouvement kabyle, comme la raison fondamentale du conflit actuel, mais je crois sincèrement que c’est beaucoup plus important que la question identitaire culturelle. Le Kabyle en général est plus occidental dans sa vision de l’Algérie de demain et l’arabo-musulman algérien est plus moyen oriental dans sa vision du monde. Voila le grand dilemme de l’Algérie d’aujourd’hui. Étant Kabyle d’origine je ne peux pas me dissocier de ce conflit qui me déchire. Je comprends très bien les populations arabo-islamiques qui veulent se débarrasser une bonne fois pour toute de la domination culturelle française en Algérie, mais je comprends aussi le cri d’alarme des Kabyles qui ne veulent pas accrocher leur avenir aux chariots des cheikhs du Moyen-orient. Si on avait un forum démocratique pour discuter de ce genre de problème en Algérie, je suis sûr que nous que nous pourrions régler définitivement le sort de ce pays à long terme tout en engageant un dialogue sérieux sur les revendications culturelles des Kabyles.

Claude: Alors si je comprends bien, tu vois venir une guerre civile pour une question de mode de vie. Est-ce sérieux? D’après ce que je viens de lire, il ne s’agit pas de la survie d’un peuple, de sa liberté, de le sortir des vallées noires de l’ignorance, de la pauvreté, de lui donner les droits fondamentaux de tout humain, de lui donner une voix au chapitre dans la direction de son pays, ou de tout autre objectif noble de cette nature tels ceux qui ont poussé de nombreux peuples de monde à faire des révolutions ou même des guerres civiles. La culture française et occidentale au lieu de celle des cheiks? Voilà la question? Cela me surprend. Si cela est exact, les Kabyles ne peuvent-ils simplement pas décider de vivre à l’occidental et d’imposer leur mode de vie dans les territoires où ils sont les plus nombreux? Et les Algériens qui vivent de cette façon partout dans le monde ne pourraient-ils pas revenir chez eux et vivre à leur façon? On n’est quand même plus à l’ère du socialisme de Boumediene. Vous avez épousé la politique d’arabisation du pays et maintenant vous changez d’idée et voulez revenir à la culture française. Vous avez accepté la religion musulmane. Peut-on blâmer les Arabes pour cela? C’est devenu un débat qui ressemble à celui du Canada, où nous, français d’origine, avons toujours voulu parler, vivre et travailler en français dans cette mer d’anglophones de l’Amérique du Nord. Nous ne sommes que 7 millions d’habitants et pourtant nous avons pu sans violence, à cause de nos manifestations et protestations publiques, nos hommes politiques et la constitution canadienne adoptée il y a 135 ans, amendée souventes fois depuis, obtenir peu à peu de vivre comme nous le voulions. Il me semble qu’il y a là une grande similarité avec le besoin des Kabyles de l’Algérie. Ma proposition d’une nouvelle constitution algérienne sur la base d’une fédération me semble encore comme une solution valable. A vous d’en proposer une.

Mansour: Malheureusement le régime actuel ne nous permet pas de lancer un tel dialogue. Bouteflika, n’oublions pas a été protégé pendant plus d’une décennie par les régimes arabes du golf. Il est venu au pouvoir en Algérie grâce à ses protecteurs extérieurs. Ce n’est pas un hasard si la première mesure importante prise par Bouteflika a été d’amnistier tous les terroristes islamistes supportés auparavant par l’Arabie saoudite et l’Amérique indirectement. Il fait semblant de comprendre les revendications des Kabyles, mais en réalité il ne cherche qu’à gagner du temps sans offrir quoi que ce soit de substantiel aux Kabyles, qui malgré leur position minoritaire ont tout de même une position stratégique en Algérie. Plus de 40 % de la population d’Alger est Kabyle aujourd’hui. Et la capitale du pays est entièrement encerclée par des populations d’origine Kabyle.

Claude: Voilà pourquoi la position des kabyles est forte. Il s’agit de trouver le moyen de gagner ce que vous réclamez. Le nombre est fort important autant que les positions stratégiques. Il me semble qu’il vous manque un chef, et une stratégie.

Mansour: Même s’il engage toutes les forces armées à sa disposition, il ne pourra s’assurer du contrôle de la capitale que par un véritable génocide vis a vis des Kabyles. Et les militants Kabyles d’aujourd’hui en sont très conscients. Mais malheureusement Bouteflika n’hésitera pas une seconde à lancer ses troupes contre les populations désarmées pour rester au pouvoir et satisfaire ses bienfaiteurs et ses banquiers du golf. Voila la tragédie de mon pauvre pays.

Claude: Et tu parles de violence! Non, vous n’êtes pas dans une position pour aller à la guerre. Il vous faut trouver moyen de combattre pour vos idées et vos besoins.

Mansour: Le grand malheur, c’est que ni l’Amérique et encore moins l’Europe soit disante imbue des droits de l’homme ne bougeront un petit doigt dans cette affaire, puante de pétrole. Dans de telles perspectives comment veux-tu que je crois aux droits universels que tout le monde me jette à la figure tous les jours. Nous avons aujourd’hui un conflit de projet de société en Algérie, un côté propose une société ouverte sur le reste du monde et l’autre propose que nous retournions au moyen age. Et pourtant, à cause du pétrole et du gaz Algériens, notamment important pour l’Europe, la voix du progrès sera complètement étouffée dans les années à venir. J’espère que j’ai tort.

Claude: Oui, je crois que tu as tort. Si vous ne faites rien, tu auras raison. Mais je ne peux croire que des gens d’une telle capacité intellectuelle que les Kabyles, avec un courage à toute épreuve démontré maintes et maintes fois, ne peuvent ensemble se donner les chefs pour atteindre leurs objectifs.

Mansour: J’ai assez vécu dans ce monde soit disant civilisé pour comprendre qu’après moi c’est le déluge. Je suis très cynique mais j’ai les cicatrices encore visibles pour me prouver que mon cynisme vis-à-vis de l’humanité toute entière a des mérites.

Claude: Tu es beaucoup trop cynique. Le monde c’est comme une balance. D’un côté place les bonnes choses et de l’autre les mauvaises. Tu verras que la balance penche très favorablement du bon côté.

Mansour: Je ne vais pas répondre aujourd’hui à tes remarques concernant la situation de l’Amérique latine. Mais je te promets que dans notre prochain dialogue que tu auras beaucoup à digérer.

Merci. Et j’attends ton message.