le 27 février 2006


Cette conversation complète la précédente et s’adresse à la participation aux Olympiades de pays comme l’Inde et de ceux du monde arabo-musulman.

27 février 2006

Mansour: Mon cher ami. D’après ta réaction à mon dernier message concernant mes élucubrations vis a vis des dernières olympiades, j’ai l’impression qu’une fois de plus nous n’arrivons pas à communiquer sur la même longueur d’onde comme on dit. Je suis tout a fait d’accord avec tous les commentaires que tu avais fait, mais je pensais que j’adressais un sujet un peu plus complexe. Tout ce que je voulais partager avec toi c’est que les sociétés ouvertes aux idées nouvelles sont généralement les sociétés qui réussissent le mieux à long terme. Il ne fait pas de doute que l’histoire des olympiades durant la fameuse guerre froide était dominée par la confrontation idéologique entre les soi-disant pays défendant la démocratie (tout en continuant à mener une politique néocoloniale à travers le reste du monde pauvre) et les soviétiques qui voulaient nous faire croire que l’avenir de l’humanité dépendait de la confrontation violente entre le capitalisme le plus classique et le socialisme tel que défini par les maitres penseurs du kremlin.

Claude: D’accord. Mais je ne croyais pas avoir mal compris ce que tu m’as écris. Il me semble que tu apportes maintenant plus de nuances à tes idées.

Mansour: Et il ne fait de doute que les réussites des pays comme l’Allemagne de l’est, de l’URSS en particulier dans cette période était le résultat de cette guerre culturelle et psychologique entre les deux mondes qui ont dominé la vie du reste du monde. Mais mes commentaires étaient tout simplement une réflexion sur le comportement des sociétés à travers le monde entier après la disparition du mur de Berlin. Il ne fait de doute que les sports d’hiver sont en fait le privilège des pays riches. Mais je me demande comment ce fait-il que la société la plus riche du monde aujourd’hui a obtenu des résultats les plus minables dans les dernières olympiades. Comment ce fait-il que le Canada, le 10ième des USA, du point de vue démographique, ait réussi à gagner autant de médailles que les USA ? Comment ce fait-il que le Canada, malgré son niveau de revenu par tête d’habitant nettement inférieur à celui des USA, réussi tout de même à organiser des équipes nationales bien plus compétitives que les USA dans toutes les olympiades possibles et imaginables ? Comment ce fait-il que tous les pays européens, qui ont après tout la même culture générale que celle des USA réussissent mieux que le monstre américain ?

Claude: Je crois que tu généralises beaucoup. Premièrement, il s’agit des jeux d’hiver. Et il est arrivé, par le passé, que le Canada n’ait pas été aussi flamboyant que cette année. Tout dépend des individus disponibles au moment de l’Olympiade et aussi de la volonté gouvernementale de dédier des montants d’argents importants à l’élite sportive pour lui donner les meilleures chances possible de réussite. La baisse de médailles durant une olympiade ne reflète pas nécessairement la situation politique ou sociale d’un pays. Tu verras dans l’avenir les USA revenir plus fort, les Russes aussi. Au tennis, par exemple, les jeunes américains étaient les maitres. Aujourd’hui la compétition est plus universelle et des jeunes de d’autres pays ont pris la relève. De plus, il semble y avoir en ce moment moins de grandes étoiles américaines. Mais ne te casse pas la tête pour savoir pourquoi, c’est la vie ! Beaucoup de jeunes montent dans les rangs juniors et un jour on verra apparaître d’autres champions américains. C’est comme les vagues de la mer, la 7ième est toujours la plus forte.

Mansour: A mon avis, cela reflète une différence fondamentale concernant la question du bien être aux USA comparé a celui du reste du monde. Pendant la guerre froide par exemple les USA ont fait un effort énorme pour promouvoir l’éducation physique à travers tout le système éducatif du pays. Les programmes sportifs étaient renforcés par des subventions fédérales aussi bien au niveau universitaire qu’au niveau de l’enseignement secondaire. Mais depuis la fin de la guerre froide, le gouvernement fédéral s’est progressivement retiré de l’assistance au bien-être de toute la société américaine. Aujourd’hui par exemple, les seuls programmes sportifs qui continuent à prospérer aux USA est le football américain au niveau des universités tout simplement grâce a l’argent que les universités américaines ramassent à travers cette source.

Claude: Tu simplifies beaucoup, ne crois-tu pas ? N’oublies-tu pas l’apport des villes et des états américains ? Non, je ne vois pas cela comme toi. Le football a toujours existé et le monde athlétique aussi. Et cela continue… Tu verras aux prochaines olympiades d’été.

Mansour: Ce n’est pas le bien être de la société estudiantine qui intéresse les responsables des universités américaines mais surtout les moyens de ramasser le plus d’argent avec leurs programmes sportifs. Et ce n’est pas le cas ni au Canada ni à travers toute l’Europe aujourd’hui. L’éducation physique est considère comme fondamentale à travers tout le monde en dehors des USA ou le sport n’a de valeur que si il renfloue les coffres des universités ou des clubs professionnels. Il y a tout de même une différence fondamentale entre les USA et le reste du monde dans ce domaine. Il ne fait pas de doute que la Chine fait des efforts énormes pour démontrer que c’est un pays qui est présent dans les sphères, économiques, politiques, militaires et culturelles à travers le monde. Mais n’est il pas tout de même une bonne chose qu’un système aussi non démocratique que celui de la Chine ait tout de même essayé d’ouvrir sa société au reste du monde ?

Claude: Au Canada comme aux USA, les gouvernements aident les athlètes par l’argent et les infrastructures. Mais c’est surtout par les individus qui contribuent à des campagnes de toutes sortes et les compagnies qui commanditent les athlètes, que le financement se fait. La Chine tiendra en 2008 les jeux d’été. Il est normal qu’elle veuille bien paraître. Déjà, elle dépense une fortune dans des infrastructures qui seront parmi les plus spectaculaires jamais construites pour une olympiade. Et avec son immense réservoir d’individus, elle a réussi à bâtir une équipe olympique qui sera très compétitive et qui gagnera beaucoup de médailles. Elle s’y prépare depuis plusieurs années. Et cela, malgré que l’éducation physique ne soit pas aussi répandue qu’aux USA.

Mansour: Il ne fait pas de doute que si l’Inde décidait à se faire reconnaitre dans l’arène sportive, elle réaliserait des résultats aussi importants que ceux de la Chine. Mais justement ce pays n’est pas intéressé à montrer à sa société qu’il y a tout un monde différent en dehors de l’Inde. Ce qui n’est pas le cas de la Chine qui a le courage de mettre sa société face au reste du monde dans tous les domaines (politiques, économiques et culturels).

Claude: Les Indiens savent de plus en plus, à cause des médias qui se répandent partout les images et l’importance que prend l’Inde dans le monde technologique et d’affaires, l’importance des jeux olympiques pour le monde. Un jour, ils y participeront. Pas trop lointain.

Mansour: Et les Chinois sont fiers d’être chinois, ce qui n’est pas le cas des Indiens a mon avis. Pour ce qui est du monde arabo musulman je t’en parle tout simplement pour te donner une idée de gouffre qui sépare cette société mondiale du reste du monde. Il est vrai que je n’ai pas vu équipe de l’Amériques latine dans les dernières olympiades des jeux d’hiver. Mais au moins les pays d’Amérique latine sont tous de même très présents aux jeux olympiques d’été. Ils dominent âpres tout le soccer et se défendent raisonnablement dans les sports comme le baseball, le basketball et surtout en athlétisme. Mais le monde arabo-musulman, qui représente plus de 1.5 milliards de personnes ne se distingue dans aucune épreuve sportive. Ne penses tu pas que cela est au détriment de l’avenir de ces milliards de personnes dans les années à venir ?

Claude: Tu sembles oublier qu’il y a eu des médaillés d’or algériens, marocains, éthiopiens, kenyans, tunisiens, égyptiens, turques, etc… Et la majorité de ces gens sont des musulmans et arabes. Je crois que la vraie raison de la faible présence du monde arabo-musulman aux olympiques est le manque d’infrastructures et d’opportunité. Que les gouvernements des pays arabo-musulmans de l’Afrique et ceux de l’Asie se réveillent et favorisent la pratique de ces ports tout en aidant ceux qui ont du talent, et tu verras comment vite tout changera.

Mansour: A mon avis tout comme l’hymne national est important pour mobiliser toute société autour d’un contrat social, il en est de même du rôle du sport dans l’histoire du sport. Pendant plus de 30 ans le plus grand symbole de l’identité berbère en Algérie a été un club de football de Tizi Ouzou, le JSK. Ce club de foota été créé par les nationalistes algériens bien avant le déclanchement de la guerre de libération en 1954. Après la libération de l’Algérie ce club était devenu le porte drapeau des revendications de la minorité Kabyle en Algérie. Pendant toute la période des années 70 et 80, ce club était le symbole de la résistance Kabyle aux tentatives de l’Algérie officielle de prétendre que l’Algérie ne pouvait être rien d’autre qu’arabe de culture, offusquant la culture berbère en Algérie. Je te parle de l’histoire de ce club sportif pour te rappeler l’importance du sport dans l’évolution d’une société donnée. Mais je maintiens, malgré tes commentaires que la politique sportive d’une nation ou une autre nous donne après tout une idée des valeurs globales de cette nation.

Claude: Oui, tu as raison. L’Algérie a produit de grands sportifs comme Zidane et des grands champions et mêmes championnes olympiques qui ont raflés des médailles d’or. Je crois qu’avec le temps, avec la mondialisation, les médias universels et les diasporas toujours grandissantes qui vivent dans les autres pays, que cela augure favorablement pour des changements importants dans l’attitude des gouvernements et des sociétés envers le sport et dans l’envergure de la participation des pays, que tu mentionnes, aux Olympiades futures.

À bientôt.