le 28 septembre 2002


Suite au dialogue du 19 septembre 2002, dans lequel Claude a demandé à Mansour de lui donner ses commentaires sur le différent franco-anglais, celui-ci s’exprime.

Le 28 septembre 2002

J’aimerais bien trouver quelqu’un qui pourrait me donner une analyse complète de ce différent franco anglais de son origine à nos jours. Je doute qu’une telle personne a existé dans le passé ou existe aujourd’hui. Le peu de chose que je connaisse à ce sujet est à travers mes cours d’histoire de la France pour ce qui est de la guerre de cent ans pour le passé et des biographies de Churchill et De Gaulle en particulier concernant l’histoire récente de ces deux pays. Mais même à travers la littérature française et anglaise, j’ai remarqué qu’il y avaittoujours deux sentiments très forts et diamétralement opposés qui étaient présents, à savoir le respect profond de la puissance de l’État anglais par les Français et le respect de la culture et de la civilisation française par les Anglais. De plus, il existe l’opinion claire et inébranlable d’un côté de la Manche comme de l’autre que le voisin n’a qu’un seul objectif politique c’est de réduire sinon détruire totalement l’État voisin et de le conquérir si possible. La haine de l’Anglais vis-à-vis du Français, je pense, n’a jamais été aussi forte que durant la course aux colonies durant le 19ième siècle.

Mais ce qui est tout de même étonnant dans les relations bilatérales de ces deux nations c’est que même pendant les moments de crises politiques entre elles la France et l’Angleterre se sont retrouvées alliées dans les champs de bataille notamment en Europe mais même au Moyen-orient: la guerre de Crimée, les deux grandes guerres mondiales et finalement la fameuse expédition anglo-française à Suez en 1956. Personnellement, je pense que même durant les périodes où ses deux nations étaient alliées, l’animosité n’a jamais diminué entre elles car ces alliances n’étaient en fait que des concours de circonstances où les intérêts des deux nations, même s’ils n’étaient pas les mêmes, étaient présents et les avaient forcé à s’unir temporairement. Très souvent c’était des raisons économiques qui poussaient l’Angleterre à s’associer avec la France comme c’était le cas durant la 2ième guerre mondiale. L’Angleterre qui avait supporté malgré elle l’arrivée d’Hitler en Allemagne s’était finalement rendu compte que la puissance industrielle allemande devenait un danger mortel pour sa propre économie, alors que la France avait réellement peur d’un réalignement de ses frontières avec l’Allemagne si elle permettait à celle ci de continuer a s’armer militairement et industriellement.

Après la 2ième guerre mondiale et surtout avec les souvenirs de la manière dont Churchill avait traité la résistance française pendant toute la guerre, la France avait intelligemment décidé que la seule manière de se protéger contre le mépris anglais vis-à-vis d’elle était de commencer à créer une Europe unie. C’est ainsi que le pool charbon-acier entre la France, l’Allemagne et le Benelux s’est créé. Ensuite, avec notamment l’arrivée de De Gaulle au pouvoir en 1958, la France avait réussi à convaincre l’Allemagne de l’idée d’une union européenne. Et pendant toute la période de De Gaulle, la France en particulier avait opposé un veto à toute ouverture vis-à-vis de l’Angleterre pour son intégration dans le grand chantier de l’unification de l’Europe autour de la France et de l’Allemagne. Je me souviens de la première demande anglaise pour rejoindre la CEE, et De Gaulle qui aurait répondu à la reine d’Angleterre en lui rappelant ce qu’il avait dit un jour à Churchill quand ce dernier refusait même de le voir durant la guerre: «rappelez vous que la France est éternelle, et elle se souviendra de votre traitement de la France combattante». Il aurait dit à la reine que tant qu’il était au pouvoir jamais l’Angleterre ne rentrera à la CEE. À chaque fois que De Gaulle parlait de l’Angleterre dans ses mémoires, il la décrivait comme le cheval de Troie au service des ambitions impériales américaines. Et les événements d’aujourd’hui, notamment la crise de l’Irak. lui ont donné raison pour le moment. Mais comme je disais, je crois dans notre dernier dialogue, la construction d’une Europe unie, économiquement et politiquement, est irréversible et l’Angleterre finira par y rentrer aux conditions que De Gaulle avait déjà définies dans les années 50. L’intérêt économique de l’Angleterre à long terme obligera la classe politique britannique de s’éloigner des USA et se rapprocher graduellement du reste de l’Europe. Mais si elle persiste à jouer le cheval de Troie des américains elle deviendra peut être le 51ième État des USA et l’Europe se fera alors sans elle.

Je pense qu’aujourd’hui le conflit entre ces deux nations s’est déplacé du politique au domaine culturel. La France refuse toujours d’accepter l’hégémonie culturelle anglo-américaine qu’elle avait perdue depuis la défaite de Napoléon et l’émergence de l’Angleterre comme la puissance mondiale, militaire et économique. Bien que la langue et la culture française soient plus répandues que jamaisà travers le monde, il faut reconnaître que la langue du commerce mondial et même celle de la diplomatie devient de plus en plus anglo-saxonne. Cela vexe tous les Français qui se souviennent toujours de la gloire du français durant notamment le règne de Louis XIV en France. Toutes les chancelleries du monde ne communiquaient qu’en français, et toutes les familles nobles de l’Europe se sentaient obligées de dominer cette langue, qui à mon avis reste toute de même une des plus grandes oeuvres dans l’histoire de l’humanité. Mais la France de demain sera obligée de reconnaître un jour que la gloire du passé ne reviendra jamais. L’histoire future de l’humanité sera écrite par les géants comme les USA, la Russie, la Chine, et peut-être même l’Inde. Et la France sera obligée d’accepter son rôle en tant que nationde taille moyenne aussi bien démographiquement, économiquement que culturellement.

Voilà, grosso modo, ce que je pense du conflit éternel entre ces deux grandes nations du passé.

 

Mansour