Le massacre d’Amritsar


En mars 1919, le gouvernement vota le « Rowlatt Act » qui rendait permanente la loi temporaire des mesures de guerre. Cette loi suspendait les garanties de liberté personnelle en vigueur avant la Grande Guerre. Le peuple se sentit trahi et les chefs Indiens de toutes religions et de tous les partis sentirent le besoin de manifester leur désaccord.

Gandhi proposa un « Hartal », c’est-à-dire un jour de jeûne et de prière qui paralyserait l’Inde entière. Cette idée fit consensus et c’est par dizaines de millions que les habitants de l’Inde se regroupèrent pour lutter contre cette infamie.

Le succès fut total à Bombay mais à Delhi et dans d’autres villes, il y eut de la violence. Constatant son erreur, Gandhi annula le mouvement le 18 avril. Malheureusement, le mal était fait. À Àmritsar le 12 avril, le général de brigade Edward Harry Dyer proclama l’interdiction de tout défilé et de tout rassemblement. La proclamation fut lue publiquement, mais à certains endroit dans la ville, personne n’en n’eut connaissance.

Apprenant qu’un rassemblement se préparait dans le Yallianoualla Bagh (bagh signifie jardin) en fin d’après-midi, Dyer se fit accompagner de 25 gougkhas (soldats venant du Népal), de 25 béloutchis armés de fusils, de 50 gourkhas (soldats venant du Béloutchistan) armés de couteaux et de deux chars blindés.

Contrairement à ce que son nom laisse supposer, le Yallianoualla Bagh n’est pas à proprement parler un jardin. C’est plutôt un genre d’enclos rectangulaire jonché de matériaux de construction et de détritus. Le terrain est entouré d’immeubles et les accès sont peu nombreux et inadéquats. Le rassemblement est pacifique et aucun désordre n’est appréhendé puisque les manifestants ne sont pas armés.

Dyer poste 25 soldats à l’entrée du côté où le terrain est plus élevé et 25 autres au bas de la pente, à la sortie. Sans avertissement aucun, il ordonne à ses troupes d’ouvrir le feu sur la foule. La fusillade dura plus de dix minutes. La foule compacte, prise en souricère, formait une cible parfaite. L’enquête révéla que pour 1,650 coups de feu tirés, il y eut 379 morts et 1,137 blessés. Près de 92% des tirs ont atteint la cible.

La seule raison pour laquelle Dyer n’a pas fait intervenir les deux chars blindés c’est parce que l’entrée du terrain était trop étroite. Son plan d’action ne visait pas à disperser la foule mais à l’anéantir. Il voulait faire une impression durable sur les habitants de tout le Punjab. Il était fier du résultat et surtout de l’efficacité de ses soldats qui, d’une si petite fusillade, avaient obtenu un si bon résultat.

Comme nous l’avons vu dans une chronique précédente, c’est le même général qui avait proclamer « L’Ordre de ramper » à toute personne qui rencontrait un officier britannique sur son chemin.

Ses gestes furent condamnés par le gouvernement de Sa Majesté et le charmant homme fut invité à démissionner. Il mourut dans sa retraite en 1927 en Angleterre. Bon nombre d’Anglais eurent honte de l’attitude de Dyer mais il s’en trouva beaucoup pour prendre sa défense.

Encore cette fois, le sang d’innocentes victimes fut versé par un général sanguinaire pour protéger la gloire de l’empire. Imaginez! Ces pauvres gens avaient osé désobéir à une proclamation d’interdit de rassemblement. Ils ne méritaient rien de moins que la mort…

À la Commission Hunter qui enquêtait sur l’incident, le général répondit à celui qui lui demandait comment les choses s’étaient passées: « J’avais pris ma décision; je les aurais fait tous tuer. »