Un remède à la haine


Pour définir les droits de vote aux élections, les Anglais avaient institué deux collèges séparés pour les Hindous et les Musulmans. Cette façon de procéder jetait de l’huile sur le feu puisque les deux communautés religieuses vivaient déjà sous une forte tension.

Cette politique était contraire à celle du Congrès Indien qui voulait créer un état laïque, égal et tolérant pour toutes les croyances. C’était également la façon de penser du Mahatma Gandhi.

Les problèmes en Turquie ayant été réglés, il ne restait plus de cause commune pour unir les deux grandes communautés de l’Inde. L’harmonie était maintenant très menacée et la presse des deux groupes ne faisait rien pour atténuer les dissensions. Au contraire; les journaux hindous déploraient le fait que les mahométans débitent de bœufs et des vaches dans leurs boucheries et pour leur part, les médias musulmans se plaignaient du comportement des Hindous qui, sans égards à leurs sentiments, défilaient bruyamment devant les Mosquées durant l’heure de la prière.

Les plus zélés avaient lancé une campagne visant à convertir l’Inde à l’Islam. Les Musulmans qui étaient membres du Congrès Indien étaient accusés de trahison.

Gandhi ne pouvait plus supporter cette situation qui devenait chaque jour de plus en plus explosive. Par la voix de son journal « La jeune Inde » (Young India), il invitait tous les habitants de l’Inde, quelle que soit leur religion, à ne pas écouter les extrémistes et à être, au contraire, plus conciliant les uns envers les autres. Cela ne fut pas suffisant et la situation continua à s’envenimer. Malgré son état de santé extrêmement fragile, il décida d’entreprendre un jeûne de vingt et un jours comme remède à toute cette haine qui empoisonnait les deux communautés. À ceux qui le suppliaient de ne pas jeûner à cause du danger pour sa vie, il répondait : « S’il n’y avait pas de danger, il n’y aurait pas de sacrifice. Ayez foi en Dieu ». Chaque fois que ses amis prenaient panique durant son jeûne, il traçait ces quatre mots à la craie sur une ardoise : « ayez foi en Dieu… »

La nouvelle de ce nouveau jeûne se répandit rapidement dans toute l’Inde, créant un sentiment d’anxiété tant chez les Hindous que chez les Musulmans. Peu à peu, la presse se fit plus tolérante et la honte modéra les manifestations populaires. On ne pouvait plus agir ainsi pendant que le Mahatma était au bord de la mort. De partout, vinrent les appels au calme et à la conciliation entre les deux groupes de belligérants.

Au douzième jour, les médecins qui l’observaient étaient d’avis qu’il allait mourir. Gandhi refusa les médicaments en leur demandant de lui laisser le temps de se reprendre en main. Quelques heures plus tard, la crise était vaincue et Gandhi continua à vaquer à ses tâches habituelles.

Vers la fin de la période de jeûne, les journalistes et les représentants des Hindous et des Musulmans ont tenu une conférence et ils se sont engagés à redoubler d’efforts pour mettre fin à cette haine et à braver les intolérants.

Le 10 octobre 1925, après 21 jours de pénitence, le Mahatma mit fin à son jeûne en faisant appel à tous pour que cesse cette intolérance et que la paix s’installe entre les deux groupes religieux. « Voilà 30 ans que j’y travaille et je n’ai pas encore réussi, Aidez-moi tous »

À quatre heures du matin, tous ses amis étaient réunis autour de son lit pour la prière et la méditation. Quelqu’un a lu un passage du Coran, un autre a lu un chapitre de la Gita et on entonna ensuite un hymne chrétien.

Encore une fois, Gandhi avait échappé à la mort et sa pénitence avait porté fruit.