les Bédard


Chronique familiale de l’ancêtre Isaac Bédard

Cette généalogie a été préparée en collaboration avec le généalogiste Jean-Jacques LEBEAU.

L’histoire d’Isaac et de ses descendants a été établie sur 10 générations.

Le dimanche 20 mars 1644, le français Isaac Bédard a 28 ans et épouse Marie Girard. Ils sont protestants et c’est le pasteur huguenot M. J. Flance qui préside la cérémonie nuptiale à l’église réformée de La Rochelle, en France.

La Rochelle, capitale de l’Aunis et du calvinisme français, avait subi un siège militaire sévère en 1627-28, sous les ordres du roi catholique Louis XIII. Les protestants battus s’étaient réfugiés dans leur religion et étaient devenus encore plus fervents. Le jeune Isaac, à l’âge de neuf ans, avait vécu ce temps de misère.

Le nom de Bédard dérive de bedeau et porte en lui-même une allusion religieuse.

Entre le 15 Décembre 1644 et l’année 1658, Isaac et Marie firent baptiser sept  enfants au temple calviniste: Jacques, François, Pierre, Richard, Isaac, Louis et Anne. Tous décédèrent en bas âge à l’exception de Jacques et de Louis.

Sous le Régime français, les protestants furent peu nombreux à venir au Canada ou il n’y avait ni église, ni ministre de cette religion. C’est la raison pour laquelle, on enregistra, à Québec, de nombreuses abjurations puisque la plupart des protestants qui vinrent en Nouvelle-France avant la cession du pays à l’Angleterre, abandonnèrent leur foi pour le catholicisme. Certains même se convertirent à la Religion romaine avant leur départ pour le Canada. Ce fut le cas pour Isaac et Marie.

D’abord, Isaac et son fils se rendirent à Québec pour préparer le nid familial, en 1660. Au début de l’année suivante, Isaac possède déjà un emplacement à la Haute-Ville, entre Louis Chapelain et les Jésuites sur la  Côte-de-la-Fabrique. Au printemps, le 1er mai 1662, Jacques l’aîné de 17 ans est confirmé par Monseigneur de Laval à Québec. Puis, Marie traverse l’Atlantique en 1663, semble-t-il, puisque le 12 mai 1664 naît la cadette Marie, à Québec. C’est l’abbé Bernières qui baptise l’enfant, six jours après sa naissance. Le parrain et la marraine sont Jean Normand et Marie Letart, femme de Jean Roussin.

Le 5 mars 1662, il achète de Mathieu Hubou, au prix de 400 livres, une propriété avec bâtiments à Notre-Dame-des-Anges. Elle a un arpent et demi de front sur la rivière St-Charles, avec une profondeur de 60. Dans un premier temps, Isaac a des difficultés à se faire accepter. Est-ce simplement à cause des voisins, son passé protestant ou son zèle de nouveau converti ? Plusieurs difficultés survinrent.

Le 3 octobre 1663, Vincent Regnault demanda compensation « en degast de bétail ». Isaac Bédard paiera un demi-minot de blé et une journée de travail. Sa vache avait goûté avec trop de passion à l’herbe de son voisin.

Deux mois plus tard, le 15 décembre, Michel Désorcy réclama le prix d’un cochon baillé à raison de 100 sols. L’animal de nature sauvage avait pris la clef des champs. Isaac avait bien averti Michel, mais un peu tard, qu’il ne pourrait garder la bête friponne. Il paya jusqu’au dernier sou y compris l’amende de 14 livres.

Et voici que, le 1er avril 1664, Mathieu Hubou se plaignit qu’Isaac n’avait pas tiré son bois ni travaillé à son « bastiment ». Isaac rétorqua qu’il ne le pouvait pas et même que Hubou l’avait battu. Le Conseil Souverain en présence de Mgr. de Laval ordonna à Hubou de fournir le bois et à Bédard de se mettre au travail de la construction dès les semailles. « deffences aux partyes de se mesdire, quereller ny frapper.. »

Face à ces querelles persistantes, la famille Bédard décide de quitter ce lieu de discorde et vend sa ferme à Claude Charron, samedi le 26 décembre 1665, pour 430 livres dont 200 payables en argent « monnayé en castor au prix du pais ». Pierre Morault possédait, à la Petite-Auvergne, une habitation de 2 arpents de front. Pour 60 livres, il la vendit à Isaac qui avait déjà feu dans les environs. Il s’installa alors ses pénates dans cette ferme, à Charlesbourg, village de St-Jérôme.

Tout en cultivant la terre, Bédard alla chercher, pendant plus de 16 ans, un revenu d’appoint pour boucler son budget, en mettant à profit ses talents de maître-charpentier. De toute évidence, Isaac était un homme d’affaires très actif et compétent.

L’Intendant Jean Talon lui commande 100 avirons, en mai 1666. Isaac remplit la commande avec l’aide de Laurent Duboc, à raison de 15 sols la pièce.

Au recensement de 1666, on retrouve : Isaac Bedart, 50, charpentier, habitant ; Marie Girard, 42, sa femme ; Jacques, 20, charpentier ; Louis 10 ; Marie, 18 mois. A celui de 1667: Isaac Bedard, 50 ; Marie Girard, 45 ; Louis, 13 ; Marie, 3 ; 3 bestiaux. 3 arpents en valeur. On voit bien que les chiffres ne concordent pas d’un recensement à l’autre.

En 1668, Bédard construit une belle grange de 40 pieds par 24, au prix de 150 livres, pour le compte de Claude Charron. Puis en 1670, René Branche se fait bâtir une maisonnette « de bon bois de pièces l’une sur l’autre », 18 pieds par 16 pieds et 6 pouces « sous poutres » pour le prix de 60 livres.

En ce temps-là, il fallait trimer dur pour vivre honorablement. Isaac Bédard était venu, sans doute, au Canada avec quelques économies dans son gousset. Mais, en janvier 1669, son avoir avait fondu et Isaac avec Marie durent faire appel aux Jésuites « pour subvenir a leur urgentes affaires ». Ceux-ci leur prêtèrent 50 livres.

Jean Juchereau lui commande une grange à Beauport, 30 pieds X 30 pieds pour laquelle Isaac reçoit 90 livres. Timothée Roussel, 26 octobre 1671, réclame ses services pour élever la charpente d’une maison à la Canardière et lui offre 45 livres.

L’ancêtre Isaac Bédard a dû parfaire bien d’autres travaux puisque tout n’a certainement pas été consigné par les notaires. Nous le voyons encore, pour la somme de 100 livres, en 1682, bâtir la grange moderne de Louis de Villeray, « laquelle aura cinquante deux pieds de long… aux pignons deux croix St André a chacun et deux guette au-dessus de l’entretoise, faire le comble en crouppe avec feste… ». Enfin, à la même époque, l’ancêtre François Lavergne, « maçon demeurant à la brasserie » de Québec, obtint l’aide d’Isaac pour la construction d’une maison à la Haute-Ville, près des Ursulines. Son travail fut évalué à 85 livres.

Isaac Bédard travaille bien et ses clients sont satisfaits.

Le 17 octobre 1681, les Hospitalières concédèrent à Isaac une terre de 3 arpents de front sur la route de St-Romain, avec 20 en profondeur, à titre de cens et de rentes seigneuriales. La condition, y faire feu et lieu. Le notaire Becquet écrivit dans le contrat qu’Isaac Bédard est habitant de Notre-Dame-des-Anges.

Au recensement de 1681, Isaac Bédard charpentier, habitant de la Petite-Auvergne possédait: 1 fusil, 4 bêtes à cornes et 12 arpents de terre en culture.

Le 8 avril 1685, il obtient une autre concession des mêmes religieuses d’un arpent de front dans le même territoire. Isaac vivait alors à la Plaine St-Romain, sur la concession de 1681. Le notaire Genaple le situe d’ailleurs au même endroit en 1683, dans un acte établissant l’obligation de 82 livres que Bédard devait à Villeray.

L’ancêtre Isaac Bédard s’éteignit paisiblement à Charlesbourg à l’âge de 73 ans environ, laissant une fille mariée et deux fils, Jacques et Louis tous établis à Charlesbourg.

Isaac Bédard fut inhumé vers le 15 janvier 1689. Quant à Marie Girard, son épouse fidèle, les documents écrits ont oublié de mentionner sa mort survenue après 1687. Isaac et Marie laissaient dans le deuil trois enfants. Voici le texte de son inhumation:

Acte d’inhumation: Acte de décès d’Isaac Bédard, Canada, Province de Québec, District de Québec dans la cour supérieure « Archives judiciaires »

Le Samedy quinziesme Janvier, mil-six-cent quatre-vingt-neuf, a esté inhumé dans le cimetière de l’Église St-Charles de Charlesbourg par moy prestre soussigné y faisant les fonctions curialles, Isaac Bédard, agé de soixante et quinze ans, vivant habitant de St-Antoine de cette paroisse, décédé dans le mesme village après avoir reçu tous les Sacrements de pénitence, Eucharistie et extrême onction administrés par moy prestre soussigné en présence de Jacques Bédard habitant de Charlesbourg et Louis Bédard habitant du dit St-Antoine, fils du dit défunt, d’André Auclaire gendre du dit défunt, Guillaume Renault amy du défunt et plusieurs autres qui ont déclaré ne seavoir signer de ce interpellés suivant l’ordonnance exceptés. Jacques Bédard et Guillaume Renault qui ont signé. N. DU BOS, prestre.

Marie Bédard, âgée de 16 ans à peine et ancienne élève des Ursulines, épousa le 29 avril 1680 Nicolas Huppé. Celle-ci lui donna un fils, Charles. En 1681, Marie se remariait avec André Auclair, un Rochellois.

Jacques à Québec, en 1666, unit sa vie à une convertie comme lui, native de la région de La Rochelle, Isabelle Doucinet. Ils reçurent de la Providence 18 enfants dont 2 jumeaux. Jacques agriculteur, excellait aussi dans les travaux de charpentier. Le Conseil Souverain, 5 avril 1688, le nomma d’office comme expert pour juger d’une difficulté survenue entre Pierre Delalande et Nicolas Marion. Vers 1711, les soeurs Augustines, lui confièrent la construction de 2 ailes de leur Hôpital-Général. À Charlesbourg, en 1760, il y avait 2 capitaines de Milice Bédard et 2 sergents.

Quant à Louis, époux de Marie-Madeleine Huppé, ils élevèrent 12 enfants et eurent le privilège d’avoir la « première âme Bédard » consacrée religieuse de l’Hôtel-Dieu de Québec, Marie-Ursule Bédard, Soeur Ste-Monique.

La descendance de Jacques et de Louis tient du prodige par le nombre et la qualité. En 1946, on avançait le nombre de 30,000 Bédard en Amérique. La famille Bédard brilla d’un éclat particulier dans le monde ecclésiastique et religieux (des centaines de prêtres, religieux et religieuses qui se dévouèrent dans les pays d’Afrique, d’Asie, en Amérique du sud et de l’extrême nord du Canada), dans la magistrature, la politique, le commerce et même dans la milice.

Cette valeureuse famille peut donc revendiquer une partie de l’édification de la nationalité canadienne-française.

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