Duplessis est réélu haut la main


Le deuxième mandat de l’Union Nationale de Maurice Duplessis prend fin. L’élection est prévue pour le 28 juillet 1948. Adélard Godbout est de nouveau à la tête des Libéraux.

Selon une tradition en devenir, Claude qui a eu 16 ans en juin, accompagne son père à Trois-Rivières pour assister au lancement de la campagne de leur parti. Il se retrouve encore au premier rang. Il est très impressionné par cette assemblée, la mise en scène, les orateurs et surtout le discours du Chef. Duplessis résume ses réalisations: création de l’Office de l’électrification rurale et du Département des Ressources naturelles, refus de renouveler l’entente fédérale-provinciale sur le droit de taxation sur le revenu (cédé par Godbout en 1945), ouverture du Grand Nord québécois et lancement de l’exploitation minière de l’Ungava, création du ministère du Bien-être social et de la Jeunesse, prise de possession par l’Hydro-Québec de la Montreal Light Heat and Power, Loi visant la réhabilitation des jeunes délinquants, Loi établissant le crédit urbain à l’habitation, Loi abolissant les appels au conseil privé de Londres. Et Duplessis est également très fier d’avoir fait adopter le Fleurdelisé comme drapeau officiel du Québec.

Il parle de ses réalisations dont les nombreuses routes qu’il a ouvertes et pavées, les nouvelles universités, les 1,500 nouvelles écoles; les écoles d’agriculture, de médecine vétérinaire, de l’automobile, du meuble, des mines, des pêcheries, du commerce, des arts graphiques et de papeterie; d’innombrables hôpitaux, de centaines de sanatoriums contre la tuberculose; de l’augmentation du pourcentage d’habitations rurales électrifiées, de la croissance de l’économie et de la dette publique qui a été substantiellement réduite. Il estime préférable que la province n’ait pas trop de dettes si elle veut combattre les politiques centralisatrices du fédéral et résister à ses pressions. Finalement, il s’affiche comme le grand défenseur de l’autonomie provinciale dans le respect de la constitution canadienne, face à l’ogre fédéral qui veut s’emparer de tout.

De retour à Verdun, Claude est tout surpris de retrouver comme candidat le sempiternel Pierre-Auguste Lafleur. Bien que Lafleur soit un homme tout à fait charmant, Charles-Émile se montre aussi déçu qu’en 1944, car il ne croit pas cet homme capable de remporter la victoire. Il est quand même un peu plus optimiste que la dernière fois, car il pressent une forte vague pour l’Union Nationale et il espère que Verdun se retrouvera aussi dans le camp de Duplessis. Claude s’engage à fond de train dans la campagne de M. Lafleur. Il distribue les dépliants, adresse des enveloppes, prépare les salles d’assemblée et accompagne le candidat. Le jour des élections, il se retrouve runner (coursier) pour plusieurs bureaux de scrutin, tous situés dans des maisons privées. Son rôle est de faire le tour des bureaux de scrutin pour y rencontrer le représentant du candidat de l’Union Nationale et se faire remettre la feuille sur laquelle sont inscrits les numéros des électeurs qui ont voté jusqu’à cette heure-là. Il doit rapporter cette feuille au comité central où l’on dresse la liste des partisans déclarés de Lafleur qui n’ont pas encore voté. C’est à ce moment-là qu’entrent en action le comité téléphonique et le comité de transport pour s’assurer que tous les partisans aillent voter.

Le résultat est spectaculaire. Duplessis l’emporte dans 82 comtés. Les Libéraux en prennent 8, dont Verdun. Lafleur est en nette progression depuis la dernière élection. Il se classe au deuxième rang, derrière le député sortant, Lionel Ross, qui l’emporte avec une majorité de 6,017 votes. Une fois de plus, c’est tous ensemble, dans la cuisine, avec leurs cartes, qu’ils compilent et analysent les résultats au fur et à mesure qu’ils sont connus. Ils écoutent avec admiration le discours de Duplessis. Quant à Godbout, il vient finalement de comprendre que le temps est venu pour lui de démissionner.