Varanasi


L’Inde du Nord, éternelle, celle des éléphants et des palais de maharadjahs, des sadhus et des temples jaïns, des fêtes multicolores et du Taj Mahal, est aussi l’Inde des mégalopoles, mélange indescriptible de Moyen Âge et de modernité, avec ses cortèges de misère et ses embouteillages !

Des ethnies en grande quantité, quelques millénaires d’histoire, des religions en veux-tu en voilà, des vaches sacrées à tous les coins de rue dévoilent une Inde d’une telle richesse et d’une telle diversité que le visiteur n’en revient pas intact !

Varanasi, prononcer « varanassi », aussi connue sous le nom de Bénarès, est une ville importante du nord de l’Inde. Elle est dans l’État de l’Uttar Pradesh et située tout entière sur la rive gauche du Gange composée de palais de maharajahs à l’abandon qui se dressent face à l’autre rive dénuée de toute construction. L’ensemble dessine une image qui n’est pas sans rappeler le Styx des livres de mythologie. La ville, dédiée à Shiva, est très fréquentée par les ermites et les pèlerins de tout le pays. On la qualifie de « ville religieuse et culturelle de l’Inde ». C’est la première ville sainte de l’hindouisme où les hindous viennent par milliers pour y mourir.

La ville, dont le nom provient de ceux de deux affluents du Gange, la Varuna et l’Assi, s’appelle aussi Kashi (la lumineuse) et Banaras.

Bien que la tradition la fasse remonter à 2 000 ans avant notre ère, la ville de Varanasi a été probablement fondée au VIIe siècle av. J.-C. ce qui en fait l’un des centres urbains continûment utilisés les plus anciens du monde. Antique centre d’études religieuses, c’est dans sa périphérie, à Sarnath, que le Bouddha fait son premier sermon après l’illumination. La ville est citée dans les épopées hindoues du Mahabharata et du Ramayana.

Elle est la plus ancienne ville vivante du monde et compte 2 000 000 d’habitants. Près de 80 000 000 de pèlerins la traversent chaque année, la plupart pour y rencontrer le Gange et y pratiquer le rite de Panchatirtiyatra sur les ghâts les plus sacrés.

Symbole emblématique de l’hindouisme et donc du polythéisme, elle est pillée ou détruite plusieurs fois par les musulmans, la première fois par l’armée de Mahmûd de Ghaznî en 1033. Ses temples détruits, les matériaux étaient réutilisés pour construire des mosquées. La dernière campagne de destruction fut menée par l’empereur moghol Aurangzeb qui renomma la ville Mohammadabad. En 1775, la ville passe sous contrôle britannique.

Cette histoire mouvementée explique les tensions constantes entre les communautés dans la ville et la rareté de monuments anciens. Cependant elle garda de façon permanente son caractère sacré et sa position de ville majeure de l’hindouisme.

Les ghâts

La ville de Varanasi est surtout célèbre pour ses cinq ghâts, berges recouvertes de marches de pierres, qui permettent aux dévots hindous de descendre au fleuve pour y pratiquer ablutions et pujas. Le bain dans le Gange est censé laver de tous les péchés. C’est aussi sur des ghâts spécialisés, le plus fameux étant Manikarnika, que l’on pratique les crémations à Varanasi. Jai Singh II, de Jaipur, construit vers 1740 un observatoire astronomique surplombant le Man Mandir Ghât, un de ses cinq en Inde.

Sur les ghâts, des vieillards et sadhus attendent la mort. Nochers des temps modernes, les rameurs vous embarquent, le matin, pour un circuit longeant les ghâts. Le grand classique est de s’engager sur le Gange depuis Dasashwamedh Ghât, le ghât principal, juste avant le lever du soleil. On observe alors le spectacle de l’astre se dégageant de la ligne d’horizon et ses magnifiques couleurs orangées reflétées par les magnifiques façades des édifices anciens qui éclatent au soleil, mais aussi des ablutions et, sur certains ghâts comme Manikarnika Ghât, des crémations. On dit qu’ici le feu ne s’est jamais arrêté depuis des millénaires….

Les crémations

Dans la croyance hindoue, mourir à Varanasi permet d’en finir avec le cycle des réincarnations le samsara et atteindre la moksha qui est l’équivalentdu nirvana pour les bouddhistes. Les volontaires qui gèrent le site des crémations, à Manikarnika Ghat, estiment entre 200 et 500 le nombre de crémations quotidiennes, autant dire qu’il est possible d’en voir 24h/24. Le rituel sacré est effectué pour chaque mort.

Si cela peut paraître déplacé pour des occidentaux d’assister à des crémations, les Hindous n’y voient pas d’inconvénients. Mais les photos de proximité sont interdites. Dès l’entrée, la quantité de grosses buches de bois surprend. Le corps met près de trois heures à se consumer entièrement et nécessite 350 kg de bois.

Cependant, l’odeur de l’air, bien que non choquante, n’est pas agréable et une certaine tension est dans l’air. Aussi spectaculaire que ce soit, on ne s’attarde vraiment pas.

Le puja du soir

Au coucher du soleil, Dasashwamedh Ghât s’enflamme pour la puja du soir. Des célébrants, hommes et femmes, officient des cérémonies de prières, de chants, de danses sacrées, ayant rapport aux offrandes et aux adorations, dans des volutes d’encens, sur de multiples autels longeant le Gange et installés sous des canapés colorés. Des milliers de personnes y assistent. Ces cérémonies visent à rendre hommage à une divinité. Les vives couleurs indiennes et celle de l’or donnent un aspect majestueux et inoubliable à l’ensemble. Celles-ci ajoutées à l’odeur des encens, des chants des musiciens et des prières à haute voix, créent une atmosphère qui enivre l’assistance.

Les balades en barques sur le Gange au coucher au soleil ne sont pas à manquer. Des bateliers sont là, prêts avec leurs grandes chaloupes, pour faire naviguer les visiteurs. Dans la noirceur du soir, au large, les visiteurs sont témoins des innombrables cérémonies religieuses du puja du soir qui se tiennent sur la rive. Ils voient des fleurs de lotus avec lampions flottant entre les embarcations alors qu’ils sont enveloppés des sensations provoquées par le spectacle unique venant de la rive.

Le quartier ancien

Les maisons du Chowk, le quartier ancien, s’entassent derrière les ghâts. On croise, dans ce labyrinthe de ruelles, des familles en chemin pour le crématoire, portant un corps recouvert d’un drap.

Les petites ruelles piétonnes de la vieille ville sont de véritables labyrinthes où c’est un plaisir de s’y perdre. Chaque coin de rue offre une découverte différente et une rencontre insolite. De belles peintures murales, œuvres des habitants de ces endroits, sont d’une qualité surprenante par leurs couleurs et leur créativité. Et bien sûr, il y a aussi les vaches, de grosses vaches et même des moutons! Ils sont parties intégrantes de la ville. Leurs propriétaires les laissent aller librement à travers les rues et ne les récupèrent que le soir. Mieux vaut faire attention où l’on met les pieds.

Le temple majeur de la ville est le Vishwanath ou Temple d’Or. Le temple construit au Xe siècle fut plusieurs fois détruit et remplacé par une mosquée. Le temple actuel, construit de 1750 à 1777, succède à celui détruit par Aurangzeb. Jalousement dissimulé dans ce dédale urbain exhalant mille senteurs d’épices et d’encens, il est le plus sacré du monde hindou, contenant le lingam de shiva. Les non-hindous ne sont pas autorisés à accéder au saint des saints.

La ville est un centre culturel et universitaire important et le siège de la Banaras Hindu University (BHU), fondée en 1916. Le poète et réformateur religieux Kabir et le poète Tulsi Das passèrent la majeure partie de leur vie à Varanasi.

Varanasi est fameuse aussi pour son artisanat : saris de soie brodés, enluminures, joaillerie, bronzes.

L’eau du Gange

La qualité de l’eau du Gange est douteuse. Malgré la chaleur accablante, les touristes ne sont absolument pas tentés de se rafraîchir dans la rivière. Celle-ci est peut-être sacrée mais elle est aussi tristement polluée. On estime que chaque jour, le Gange reçoit à Varanasi, en moyenne, les restes de quelques 480 cadavres humains ainsi que de 1 800 tonnes de bois utilisées pour les crémations, auxquels s’ajoutent les 10 000 carcasses d’animaux qui y sont abandonnées. Face à ces déchets ainsi qu’aux milliards d’eaux usées déversées chaque jour, les capacités des quelques usines de traitement le long du Gange sont insuffisantes. Et dire qu’on a vu des gens faire des bains de bouche avec cette eau !