L’achat chez nous


Les peuples colonisés ont souvent tendance, durant un certain temps au moins, à tenter de s’assimiler au peuple qui les a conquis. Ils semblent croire qu’en imitant leur façon de parler, de se vêtir et de se comporter, ils seront mieux acceptés dans leur société. Cela ne marche jamais et à plus fortes raisons en Inde, à cause de la couleur de la peau des Indiens qui les distinguait irrémédiablement des Anglais.

Après des efforts soutenus pour s’intégrer dans la société britannique, Gandhi a compris que c’était peine perdue et que cette attitude ne lui apporterait que du mépris. Il décida alors de vivre, de se vêtir et de communiquer selon les traditions de son pays. Cela fit boule de neige et des centaines de millions d’Indiens en firent autant.

Le contexte de mondialisation des marchés et les accords de libre-échange qui interviennent de plus en plus entre les états, ne permettent plus la mise en place de politiques protectionnistes comme c’était le cas auparavant. Mais en Inde, à cette époque, le cas était différent. Les Anglais achetaient le coton des Indiens à vil prix, le transformait dans leurs usines et le revendait à prix d’or aux populations autochtones. En convainquant ses compatriotes de ne plus acheter de vêtements fabriqués avec du coton tissé en Angleterre mais plutôt de filer et tisser le coton eux-mêmes, Gandhi lançait une campagne « d’achat chez nous » d’une telle efficacité que les économies de l’Inde et de l’Angleterre en furent bouleversées.

Gandhi s’est fait montrer comment filer le coton par une vieille paysanne en utilisant un ancien rouet artisanal. Dès lors, où qu’il aille, son rouet ne le quittait jamais et quoi qu’il fasse, le Mahatma prenait chaque jour le temps de filer le coton.

C’était devenu le symbole de la libération et c’est pour cette raison que le rouet figure sur le drapeau de la Nouvelle Inde.

On ne vit jamais plus Gandhi vêtu autrement qu’avec son long châle de coton blanc, les pieds nus dans ses sandales.

Il a ensuite organisé, dans des dizaines de villes, des immenses bûchers où les gens, convertis à sa politique d’achat chez nous, venaient par centaines de milliers, brûler leurs vêtements européens.

Au cours d’un voyage en Angleterre, Gandhi, concerné par le chômage que cette stratégie causait dans les filature anglaises, se rendit à Manchester rencontrer les tisserands pour leur présenter son point de vue. Malgré la situation pénible qu’ils vivaient, comme conséquence de cette politique, Gandhi fut bien accueilli par les ouvriers qui ont apprécié sa franchise.