4 500 immigrants français, nos ancêtres, ont eu au moins un fils qui se soit marié
« L’immigration de l’Ancienne à la Nouvelle-France n’est pas reconnue pour avoir fourni, sous l’Ancien Régime, un grand nombre d’émigrants à ses colonies d’outre-Atlantique. Ainsi, à peine 15 000 Français et Françaises ont fait voile en direction du Canada au XVIIe siècle, et les deux tiers d’entre eux n’ont fait qu’un séjour temporaire dans la colonie avant de retourner définitivement en France ou de mourir au Canada à l’état de célibataire. C’est très peu. Avec une population dépassant à peine le tiers de celle de la France, les îles britanniques auraient envoyé au Nouveau Monde près de 380 000 immigrants durant la même période.
Pourtant, la France présentait à cette époque divers symptômes de maladie sociale qui auraient justifié un plus grand nombre de réfugiés au Canada, où l’abondance des ressources contrastait avec la famine et le chômage de ses couches les plus pauvres. Sans être vraiment surpeuplée, la France manifestait des conditions favorables à l’émigration qui, eussent-elles coïncidé avec une réelle attraction du Canada, auraient pu favoriser le départ de forts contingents de colons vers le Nouveau Monde. Mais les Français migraient peu et le Canada, pays lointain, sauvage et dangereux, avait auprès d’eux une bien mauvaise réputation.
Par surcroît, les autorités croyaient que la population française ne se développait pas autant qu’elle aurait pu et même qu’elle diminuait, suite aux guerres, à la peste et à la misère. À l’intendant Talon qui lui demandait de prendre les moyens pour former au Canada « un grand et puissant Estat », ce qui impliquait l’envoi massif d’immigrants, Colbert répondit, dans une phrase qui allait marquer l’avenir du pays « Il ne serait pas de la prudence [du Roy] de dépeupler son Royaume comme il faudrait faire pour peupler le Canada… ». Pourtant, même en décuplant les départs, les effets de l’émigration sur le pays le plus peuplé d’Europe seraient demeurés imperceptibles et le destin de l’Amérique du Nord en aurait probablement été changé…
Quoiqu’il en soit, il résulte de ce faible peuplement fondateur que la souche canadienne-française est issue d’un relativement petit nombre de personnes, soit moins de 10 000 immigrants. Si on s’en tient aux immigrants masculins, desquels on aura reçu le nom de famille transmis au fil des générations, ce nombre est réduit à 4 500 environ, soit l’effectif des immigrants qui ont eu au moins un fils qui se soit marié ».
* Le texte précédent est du PRDH (Programme de recherche en démographie historique) de l’Université de Montréal.
Les Filles du Roy: «Nous ne serions pas là sans elles»
Il y a 350 ans, le premier contingent des Filles du Roy débarquait à Québec. Ces 800 Filles qui arriveront en une décennie à peine marqueront de leur empreinte indélébile le destin du Québec.
Le premier contingent de 36 Filles du Roy est arrivé en Nouvelle-France en 1663. Elles partirent de La Rochelle pour un voyage de deux mois et demi sur L’Aigle d’or, vers Québec, conduit par Nicolas Gargot de la Rochette dit Jambe de Bois. En 1663, le voyage, qui pouvait durer deux ou trois mois, était une épreuve terrible. Après deux mois dans la sainte-barbe, elles arrivaient en piteux état et parfois malades. Certaines mouraient même en chemin. En 1667, après une autre traversée, 16 Filles durent être transférées à l’Hôtel-Dieu de Québec.
Ces Filles ont littéralement changé le destin de la colonie, dit-il.
Un geste politique
En 1663, le Canada est en crise et il compte à peine 3000 habitants. On est en guerre avec les Iroquois et il y a six à quatorze fois plus d’hommes que de femmes. Il faut absolument envoyer des femmes pour assurer la croissance naturelle de la colonie. Sinon, on ferme boutique !
Entre 1634 et 1654, il arrive à peine cinq filles par année. Le futur gouverneur de Trois-Rivières, Pierre Boucher, réclame depuis longtemps un « puissant secours » et va plaider sa cause devant le ministre Colbert et le jeune Louis XIV. L’effort des communautés religieuses, qui amenaient déjà des femmes de manière intermittente, ne suffit plus. En 1662, les doléances des colons sont enfin entendues. Le nouveau ministre du Roi veut faire participer les colonies à sa nouvelle politique économique. Le futur Roi-Soleil affirme son autorité. Le Canada passe sous administration royale, il devient une province de France et Louis XIV envoie les 1200 hommes du régiment de Carignan-Salières.
Mais surtout, entre 1663 et 1673, environ 800 Filles du Roy (leur nombre varie quelque peu selon les évaluations) arriveront dans la colonie. Elles sont transportées par le roi et jouissent d’une dot royale de 50 livres pour les roturières et de 100 livres pour les « demoiselles ». C’est une décision politique. Celle de ne pas laisser l’Amérique du Nord aux Anglais. C’est Marguerite Bourgeoys qui baptise pour la première fois ces « filles à marier » ou « épouseuses » du beau nom de Filles du Roy. Un nom qui, contrairement à ce qu’ont cru certains historiens, vient probablement de celui des orphelins recueillis dans les hôpitaux qu’on appelait « enfants du Roy ».
L’arrivée des premières Filles du Roy en 1663 représente la preuve que Paris a changé de politique à l’égard de la Nouvelle-France et qu’elle entend prendre ses responsabilités. À partir de 1665, le nouveau gouverneur, Jean Talon, adopte des mesures encourageant les mariages précoces et les naissances. Pendant dix ans, l’effort sera maintenu afin de contrer la progression des colonies néerlandaises et anglaises sur la côte Est des États-Unis où les colons arrivent par milliers. Sans ces Filles, la Nouvelle-France serait probablement disparue dès 1713, lorsque la France a dû céder l’Acadie à l’Angleterre. Sans elles, il n’y aurait pas eu de développement agricole. Elles ont joué un rôle aussi majeur dans la survie de la colonie que les alliances avec les Amérindiens. »
« Filles à marier »
La majorité des Filles qui s’installent à Québec, sur l’île d’Orléans, à Trois-Rivières et à Montréal sont recrutées dans les hôpitaux, comme celui de la Salpêtrière à Paris ou l’Hôpital général de Rouen. La moitié vient de la région parisienne. Mais elles viennent aussi de Normandie ou de La Rochelle. Ce sont souvent des orphelines nommées par ordre du roi. Un privilège qui ne se refuse pas. Mais on en trouve aussi de milieux plus aisés qui viennent tenter l’aventure ou rejoindre un frère parti quelques années plus tôt. Une cinquantaine d’entre elles reviendront d’ailleurs en France, signe que, malgré les pressions qu’elles devaient subir, elles demeuraient libres de repartir.
D’origine surtout urbaine, la plupart des Filles du Roy parlent français. Plusieurs historiens ont vu dans leur arrivée un facteur important de l’unification rapide de la langue française au Québec, alors que les langues régionales dominaient encore largement les provinces françaises. On suppose que venant en majorité de l’Île-de-France ou ayant vécu dans des ports, ces Filles avaient presque toutes appris le français. Toujours est-il qu’en Nouvelle-France, on ne connaît qu’un seul procès qui ait exigé un traducteur.
Contrairement à ce qui a parfois été affirmé, il faudra beaucoup plus que 20 ans pour rétablir l’équilibre démographique de la colonie. En 1680, il y avait encore deux fois plus d’hommes que de femmes. Mais l’impulsion était donnée et, dès la fin du siècle, la population pouvait progresser par elle-même.
Qu’est-ce qui motivait ces Filles à partir. « Pour en savoir plus, dit-il, il faudrait dépouiller tous les actes notariés. Malheureusement, les recherches n’ont pas été poursuivies. Mais on se doute que c’était une migration économique. Issues pour la plupart de familles pauvres, elles partaient certainement pour améliorer leur sort. » dit l’historien Landry.
Au-delà du Québec
Même si la vie était très dure – les premiers poêles à bois arrivent au XVIIe siècle -, les Filles du Roy trouvent généralement au Canada des conditions matérielles meilleures qu’en métropole. Le droit de chasser – réservé aux nobles en France – assure une meilleure alimentation. Malgré les guerres, la durée de vie est de cinq à six ans supérieure à celle qui prévaut en métropole.
Aujourd’hui, presque tous les Canadiens français de souche ont une fille du Roy parmi leurs ancêtres », dit le généalogiste Hubert Charbonneau, de l’Université de Montréal. Mais il en aurait fallu dix fois plus. « Comparée à l’Angleterre, davantage tournée vers les océans, la France, grande puissance continentale, n’a pas eu une vision transatlantique », dit-il. Si Catherine Duchamp aura 18 enfants, d’autres comme Marie Vaquet n’en auront aucun. Au bout de deux générations, elles auront en moyenne 30 petits-enfants, a calculé Charbonneau, qui compte lui-même 56 Filles du Roy parmi ses ascendants. La championne toutes catégories, Nicole Philippeau, aura 137 petits-enfants ! Parmi les descendants des Filles du Roy, on trouve même l’ancienne secrétaire d’État des États-Unis Hillary Clinton, descendante de Madeleine Niel, Catherine Paulo et Madeleine Plouard. Comme quoi, les Filles du Roy ont marqué l’Amérique bien au-delà du Québec.
Les 36 Filles du Roy qui débarquèrent à Québec ont entre 19 et 69 ans. Parmi elles, on trouve Marie Royal. Cette dernière compte parmi ses descendants le patriote Denis-Benjamin Viger et Jacques Viger, premier maire de Montréal.
* Texte de Christian Rioux du journal La pressse, août 2013
Les 113 généalogies ont toutes été préparées avec la collaboration étroite du généalogiste Jean-Jacques LEBEAU, cousin de Claude. Plusieurs parents et amis ont aussi collaboré en fournissant des informations importantes.
Les Dupras proviennent de Charles-Émile DUPRAS, le père de Claude; les Lalonde de sa mère, Antoinette LALONDE; les Labelle de la grand-mère Dupras, Marie-Anne LABELLE; les Ayeur de la grand-mère Lalonde, Alexandrine AYEUR; les Dufresne de l’épouse de Claude, Manon DUFRESNE; les Desjardins de la mère de Manon, Gabrielle DESJARDINS; les Panneton du père de Vincent DUPRAS PANNETON, le fils de Louise, fille de Claude; les Bibeau du mari de sa tante Marie-Rose DUPRAS, soeur de Charles-Émile et tante de Jean-Claude; les Lebeau du cousin de Claude, Jean-Jacques LEBEAU, dont la mère Germaine DUPRAS est la soeur de Charles-Émile et tante de Jean-Claude; les Campion de l’épouse de Jean-Jacques LEBEAU; et les Duffy du mari d’Albertine DUPRAS, soeur de Charles-Émile et tante de Jean-Claude.
Les Boucher et les Venne proviennent de Gaston BOUCHER, dont la mère est Gabrielle VENNE, et de Louise CHARBONNEAU, amis de Claude DUPRAS.
Les Gratton, les Grenier, les Papineau, les Boissonneault, les Daigle, les Pauzé, les Roy, les Juteau, les Corbeil, les Corriveau, les Poitras, les Lamy, les Lord, les Landry, les Levasseur, les Neveu, les Ostiguy, les Tardif sont liés à Jean-Jacques LEBEAU.